Le vainqueur de la 87e édition du Masters a rendu en conférence de presse un hommage vibrant à Severiano Ballesteros, qui aurait eu 66 ans ce 9 avril 2023. S’il joue aujourd’hui au golf au plus haut niveau, il le doit à ce golfeur unique, premier européen à s’imposer à Augusta. C’était en 1980.
Lionel VELLA, envoyé spécial à Augusta
Après être tombé dans les bras de sa femme, présente à la sortie du green du 18, et embrassé ses deux jeunes enfants, Jon Rahm a reçu l’accolade très appuyée et ô combien émouvante de José Maria Olazabal, double détenteur de la veste verte. En ce jour du dimanche de Pâques, il était difficile pour le golf espagnol, désormais riche de quatre vainqueurs différents du Masters, de ne pas avoir une pensée pour le grand Seve Ballesteros…
40 ans après la deuxième victoire de Severiano Ballesteros et le jour de son anniversaire, vous devenez le quatrième Espagnol à remporter la veste verte. Qu’est-ce que vous ressentez ?
C’est difficile à expliquer. Évidemment, on rêve tous de vivre des choses comme ça quand on est golfeur. Vous essayez d’imaginer ce qui pourrait vous arriver. Quand j’ai frappé ce troisième coup sur le green du 18, j’ai été envahi par l’émotion. Je n’aurais jamais cru que j’allais pleurer en remportant un tournoi de golf. Cela signifie beaucoup pour moi mais aussi pour le golf espagnol. C’est le 10e Majeur remporté par l’Espagne. Je suis le quatrième joueur à remporter le Masters. C’est mon deuxième succès en Majeur. C’est donc assez incroyable.
Pour jouer comme je l’ai fait dans ce dernier tour, il y a en effet beaucoup de fierté. Je n’ai concédé qu’un bogey dans des conditions de jeu difficiles
On vous sent très fier…
Oui, c’est vrai. Je le suis. Pour jouer comme je l’ai fait dans ce dernier tour, il y a en effet beaucoup de fierté. Je n’ai concédé qu’un bogey dans des conditions de jeu difficiles. Donc, ce n’est pas rien. Cette victoire, c’était pour Seve. Il était avec moi aujourd’hui. Il m’a aidé à gagner.
A quel moment dans ce dernier tour avez-vous eu l’impression que le tournoi allait tourner en votre faveur alors que vous accusiez deux points de retard sur Brooks Koepka au tee n°1 ?
Il y a eu différents moments clés. Ce birdie au 8 par exemple. Ce bogey totalement inattendu aussi au 9. Je voulais m’assurer de ne pas me mettre dans une position délicate sur les trous difficiles du 10, 11 et 12. Il n’y a donc pas eu un moment en particulier mais plusieurs passages importants. Mais si je devais en choisir un, ce serait ce birdie au 13…
L’enchaînement des trous 10, 11 et 12 a été très difficile aussi. J’avais peut-être l’air calme, mais j’étais très très nerveux à ce moment-là
Vous entrez dans l’histoire puisque vous êtes le premier golfeur européen à remporter à la fois l’US Open et le Masters…
(Incrédule) Ah bon ? J’ai du mal à le croire. J’ai beaucoup de mal à l’expliquer. Surtout quand on connait les nombreux grands joueurs qui m’ont précédé. Etre le premier à faire quelque chose comme ça, c’est un sentiment très spécial. Je ne sais pas quoi dire. Je me disais que je n’allais plus jamais gagner un tournoi Majeur à moins que ce ne soit à Torrey Pines (Ndlr, site de l’US Open 2021). Je ne peux m’empêcher de ressentir autre chose que de la gratitude à ce moment précis.
José Maria Olazabal a déclaré qu’il était très fier de votre sérénité, votre calme et votre sang-froid durant ce 4e tour. Qu’en pensez-vous ?
(Amusé) Ce qui se passe à l’extérieur n’est pas toujours le reflet de l’intérieur. Oui, j’étais calme. Je n’ai jamais vraiment eu l’impression que quelque chose était hors de contrôle. Mais de toute évidence, il y a quand même de la tension. Ce bogey au 9 n’est pas arrivé au bon moment. L’enchaînement des trous 10, 11 et 12 a été très difficile aussi. Encore une fois, j’avais l’air peut-être calme, mais j’étais très très nerveux à ce moment-là. En revanche, je n’ai jamais paniqué. Je me sentais à l’aise avec mon jeu et j’avais un plan à exécuter. Et je m’y suis tenu.
Même quand j’ai fait ce bogey au 9, le soutien était assez incroyable. J’ai continué à entendre : « Seve ! Seve ! Seve ! Fais-le pour Seve ! » J’ai entendu ça sur tous les trous du retour
Beaucoup d’observateurs vous décrive comme un guerrier sur un parcours de golf. Vous validez ?
(Il sourit) Je ne sais pas. C’est peut-être un peu lié à ma détermination. Vous savez, on fait preuve de beaucoup d’efforts pour essayer de battre les meilleurs joueurs du monde. Alors peut-être que ce niveau d’intensité et cette détermination sont ce que vous voyez et c’est pourquoi vous me voyez comme un guerrier. Je ne serais pas capable de me regarder dans un miroir si je ne faisais pas de mon mieux à chaque fois. Donc, ça vient peut-être de là…
Avez-vous senti que le public était derrière vous aujourd’hui ?
Pas tout au long de la journée, non, parce qu’évidemment, au début, il y avait beaucoup d’options. Brooks (Koepka) était en tête et les gens qui le soutenait se sont fait entendre. Mais je pense que c’est au moment de mon birdie au 8, quand j’ai pris un peu d’avance, que les choses ont un peu tourné en ma faveur. Même quand j’ai fait ce bogey au 9, le soutien était assez incroyable. J’ai continué à entendre : « Seve ! Seve ! Seve ! Fais-le pour Seve ! » J’ai entendu ça sur tous les trous du retour. Ce n’était pas évident à contrôler en termes d’émotion. C’était d’ailleurs peut-être la chose la plus difficile à gérer.
Photo : Masters Images