Au-delà d’une dernière carte sur l’Albatros du Golf National qui restera finalement anecdotique, Raphaël Jacquelin, 50 ans en mai prochain, aura marqué l’histoire du golf français. Plus de 26 ans de carrière, 681 tournois joués sur le Tour, quatre victoires et surtout l’image d’un garçon à la fois fidèle en amitié et d’un professionnalisme irréprochable.
Propos recueillis par L.V., au Golf National
L’émotion était clairement palpable ce vendredi 22 septembre 2023 aux alentours de 17h45 quand Raphaël Jacquelin a glissé un dernier putt sur le green du 18. Entouré de sa femme, Fanny, de ses quatre enfants et de ses deux meilleurs amis sur le Tour européen, Grégory Havret et le plus français des golfeurs belges Nicolas Colsaerts, le Lyonnais a ainsi mis fin à une carrière hors-norme dans le golf tricolore. Une longévité exemplaire jalonnée de plusieurs succès qui va se poursuivre désormais au plus haut niveau dans le costume de coach mais aussi, peut-être, sur le Champions Tour aux Etats-Unis.
Qu’avez-vous ressenti sur ce green du 18 pour votre 25e et dernier Open de France ?
Il y a eu beaucoup d’émotion. Elle a même pris le dessus sur le plaisir, notamment sur les derniers trous (Ndlr, avec une balle dans l’obstacle d’eau au 18). On avait tous une petite larme au coin de l’œil. Mais franchement, je suis content d’avoir fini comme ça, avec Fanny, les quatre enfants, avec Nico et Greg, les copains de toujours. Finir là, c’est le meilleur moment. Cela dépasse tous les scores et les victoires que l’on a eus durant toutes ces années. C’est un moment à part. C’est une carrière entière. Plus de 26 ans sur le Tour. Alors oui, ce fut dur pour finir ce dernier tour (Ndlr, il a joué deux fois 77 (+6) entre jeudi et vendredi). C’était même injouable. Je ne savais pas si j’allais arriver au bout.
Je commence à coacher. Cela marche pas mal, ça me plait de partager toute mon expérience. J’espère que je vais pouvoir apporter aux plus jeunes tout ce que j’ai vécu.
Comment avez-vous vécu ce dernier rendez-vous au Golf National en tant que joueur sur le Tour européen ?
Je remarque que lorsqu’on n’est pas entraîné, on n’a aucune chance. Mais bon, il y a malgré tout eu du bon golf, avec quelques très bons coups. Après, quand on ne s’entraîne pas, c’est normal de ne pas être au niveau. Même quand on s’entraîne à fond lors de ces quatre dernières années, c’est difficile de faire un top 15. Il n’y a donc aucune raison de faire mieux sur une semaine où on n’est moins entraîné. Sur quatre tours, sur un parcours comme ça, dans ces conditions-là, ça ne passe pas. L’objectif était surtout de marquer le coup en jouant une dernière fois l’Open de France avec les copains, avec la famille… Je reprends maintenant tranquillement l’entraînement afin de préparer les cartes en fin d’année sur le PGA Champions Tour. Je regarderai aussi le calendrier du Legends Tour pour 2024. Je commence aussi à coacher. Cela marche pas mal, ça me plait de partager toute mon expérience. J’espère que je vais pouvoir apporter aux plus jeunes tout ce que j’ai vécu. Mon rôle avec le programme qu’on a monté avec Alain (Alberti) est de faire passer le message : l’entraînement, la technique et le parcours. Voilà ce que je vais faire à partir de maintenant…
Si vous deviez ne retenir qu’un seul moment durant ces 25 Open de France, ce serait lequel ?
Sans aucun doute celui que je viens vivre là. C’était le plus fort. Plus qu’en 2012 où j’avais fini 3e. L’émotion de la 3e place, c’est vrai, avec la pression, était présente mais là c’est plus fort, puisqu’on passe en revue tous les sacrifices, les efforts passés… Pas seulement moi mais aussi ceux de ma famille, de mon équipe…
Le vrai tournant dans ma vie de golfeur, c’est lorsque que j’ai pu faire huit birdies de suite au pré-qualification européenne en 1995, à St-Cyprien.
Quels souvenirs garderez-vous de votre très longue carrière ?
Il y a les victoires, et les images qui vont avec… Je les ai revues hier (jeudi) encore. Mais le vrai tournant dans ma vie de golfeur, c’est lorsque que j’ai pu faire huit birdies de suite au pré-qualification européenne en 1995, à St-Cyprien. Juste pour me qualifier pour la finale. On sait la difficulté d’avoir une catégorie sur le Challenge Tour quand on passe pro, que j’ai pu avoir directement d’ailleurs. J’ai même failli avoir aussi la carte pour le Tour européen… Ces huit birdies, je ne sais pas d’où ils sont venus. C’est énorme huit birdies d’affilée. J’étais sur un nuage. Tout rentrait. Aussi bien les approches que les putts. Je me souviens avoir rentré un coup de 30 mètres pour faire birdie. Voilà. Il s’est passé quelque chose ce jour-là, j’ai su ensuite surfer sur cette vague. Et puis il y a également ces 9 trous de play-off à l’Open d’Espagne. C’est mémorable parce que ça s’est bien fini pour moi. Je pense que Max Kieffer n’a pas le même ressenti (rires). C’était quelque chose de spécial, aussi. Très fatigant, certes, mais un moment de sport qu’on aime voir à la télévision quand on est spectateur.
Quand vous vous retournez sur votre incroyable longévité, de quoi êtes-vous le plus fier ?
Je dirais ma régularité. Et puis j’ai su m’entourer d’une équipe. Toute la famille a su rester solidaire tout au long de ma carrière. Tout le monde a suivi. J’ai su rester fidèle également, même quand ça n’allait pas aussi bien… J’ai trouvé mon fonctionnement, celui qui m’a permis de durer aussi longtemps. J’aurais bien sûr aimé faire mieux mais je suis assez fier de ce que j’ai fait.
Des regrets ?
Non, là, il n’y a que des sourires. Peut-être ne pas avoir pu jouer le Masters… Mais je n’ai pas eu vraiment la chance de pouvoir le jouer. J’ai été 55e mondial mais ce classement, je l’ai eu après la clôture. Mais j’irai là-bas avec grand plaisir car ça semble être un endroit magnifique. J’espère que l’un des joueurs que je coacherai m’emmènera. C’est ce que j’ai dit à Julien (Guerrier) hier : « Bouge-toi, il faut que tu m’emmènes » C’est le seul regret finalement parce que la Ryder Cup, je n’ai jamais eu le niveau pour me qualifier. J’ai été ravi de l’avoir vécu ici en 2018, sans être joueur grâce à Thomas (Björn). En plus, l’Europe a gagné.
Photo : ROSS KINNAIRD / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP