Qu’il s’agisse de monter successivement deux divisions pour rejoindre l’élite à seulement 21 ans ou de débriefer ses nouveaux faits d’armes à la grande finale du Challenge Tour, Tom Vaillant ne perd pas de temps. Avant d’étrenner son nouveau statut de membre du DP World Tour sur le plateau de Golf + le Mag sur Canal + où il était invité ce mardi pour revenir sur ses exploits du week-end dernier, le jeune prodige tricolore a accordé un entretien à Golf Planète.
Propos recueillis par Dimitri MARTIN
Qu’est-ce que l’on ressent en tant que nouveau joueur du DP World Tour après une semaine pareille, conclue par une deuxième place à la grande finale du Challenge Tour ?
Je n’imagine toujours pas que je suis sur le Tour. En tout cas, c’est difficile de se le dire toujours à l’heure actuelle… Quand la saison va se lancer, tout va s’enchainer mais avant, quand je me projette un peu, jouer Wentworth par exemple ça serait incroyable. Quand je jette un œil au calendrier j’ai envie de tout jouer, chacun des tournois, chaque semaine. C’est un rêve de gosse qui se réalise de monter sur le DP World Tour.
Racontez-nous cette fameuse scène à la sortie du 18, où vous tombez dans les bras de votre coach Jean-François Lucquin…
Je suis super ému. Pour être honnête, je ne me souviens plus de grand chose. Juste Jeff qui me dit : « Ça y est, on va pouvoir aller à Crans Montana ensemble, et tu vas pouvoir embrasser ma plaque là-bas (Ndlr, là où il gagnait le titre sur le Tour Européen en 2008 devant Rory McIlroy) ».
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Revenons un peu sur votre semaine à Majorque. Vous êtes 33e de la Road au départ. Quel est votre objectif numéro 1 avant ce dernier tournoi de la saison ?
Je voulais vraiment gagner le tournoi. J’ai joué plusieurs fois la gagne cette année sur le Challenge Tour, j’ai gagné les Championnats de France Professionnel au Médoc, donc comme tous les tournois, je voulais gagner. En plus, il n’y avait que 45 joueurs. Je n’étais pas en mode, il faut que je fasse juste 2e ou 3e.
Avec mon coach, on a validé étape par étape. C’était d’abord faire la carte, ensuite jouer la finale et après jouer la montée. Mais au fur et à mesure de la saison, je n’ai jamais trop pensé à la montée. Si j’avais le niveau pour monter alors ça allait se faire tout seul.
Pour que cette montée en puissance se confirme tout au long de la saison, il a fallu dompter un parcours d’Alcanada ultra compliqué, dans des conditions de jeu dantesque…
C’était tellement dur que je n’ai pas vraiment eu le temps de penser à autre chose qu’au golf. Les greens ont énormément accéléré et étaient beaucoup plus fermes de jour en jour. On ne comprenait pas. Tous les joueurs se plaignaient auprès des arbitres. Personne ne se rendait compte à quel point c’était dur.
J’avais deux semaines entre la Chine et la finale. J’ai fait une semaine off et une semaine d’entraînement. J’ai eu de la chance d’ailleurs parce qu’il y avait énormément de vent. Je suis tombé aussi sur une semaine où il y avait tempête à la finale et ça faisait déjà une semaine que j’étais dedans, donc pour varier les coups c’était moins compliqué.
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Malgré cela, à Majorque, vous avez été l’un des quatre seuls joueurs à jouer sous le par, aux côtés notamment de Marco Penge, le futur vainqueur de la finale et de l’ordre du mérite…
On se tirait la bourre. Quand on est aussi peu de joueurs sous le par, c’est qu’on fait les choses plutôt pas mal et qu’on se tire vers le haut. Il y avait une bonne ambiance avec Marco, on avait déjà joué quelques fois ensemble cette saison. On mangeait ensemble le soir aussi avec Matteo Manassero… C’était cool. Le 3e tour, on a bien rigolé ensemble, et puis s’était tellement dur le parcours cette semaine que dès qu’on faisait un truc vraiment bien, on se félicitait tout de suite.
Votre caddie d’expérience a aussi joué un rôle dans cette réussite. En quoi a-t-il été important de l’avoir sur le sac cette semaine ?
Mon caddie (Ndlr, Yann Vandaele) a été bien, il m’a gardé dans le moment présent. Il m’a aidé dans les décisions, même si je suis assez autonome sur le parcours. Il m’a rappelé certaines choses, sans me les imposer. Nous fonctionnons de la manière suivante : je lui décris ce que je vais faire, et la plupart du temps il me confirme ce que je lui dis.
Pendant trois jours vous avez semblé à votre aise sur le parcours notamment sur les greens. Mais à l’aube du dernier jour, la pression est montée d’un cran. Comment aborde-t-on un dernier tour aussi important dans une jeune carrière ?
La veille d’un dernier tour comme ça avec autant d’enjeux, c’est très compliqué. On dort très mal voire pas du tout. Il y avait pas mal de tension au petit-déjeuner quelques heures avant de prendre le départ. Comme je suis fan de comédie française, mon coach a mis OSS 117 sur le téléphone pour détendre l’atmosphère. Ça a fonctionné, et après une fois arrivé sur le parcours, je suis rentré dans ma routine et ça j’en ai l’habitude.
J’ai des modèles comme Tiger Woods et Rafa Nadal, donc je ne lâche jamais.
Le début de partie a été compliqué le dimanche, avec notamment quelques trois putts pour la première fois de la semaine… C’est la pression qui se fait sentir d’entrée ?
C’est surtout que j’ai très mal putté. Quand j’y repense, je n’ai eu quasiment que des putts en descente avec le vent. Le putting green n’allait pas du tout à la même vitesse, donc on arrivait un peu dans l’inconnu au début. Je commence à ne pas perdre la vitesse sur les petits putts, je suis plus hésitant, c’était moins franc. Mais je me suis habitué et le plus important c’était la réaction. Dans l’ensemble, c’était trop rapide pour être offensif, alors que les autres jours, quand les greens étaient lents je pouvais attaquer plus.
Vous vous êtes ensuite accroché, le mental a été votre force durant ces quatre tours. Cela vous a-t-il aidé à rester concentré sur l’objectif de montée le dimanche ?
J’ai des modèles comme Tiger Woods et Rafa Nadal, donc je ne lâche jamais. Et oui, sur le parcours, tous les 3-4 trous, il y avait des leaderboards, donc je savais où j’en étais par rapport au classement. Mais il n’y avait pas les projections pour la Road to Mallorca. A un moment, il parait que j’étais même en dehors du top 20. Jeff m’a dit que j’étais 3e ex aequo projeté 22e. C’est là où les gens peuvent se rendre compte du stress que ça peut se représenter. Un joueur devant moi, Brandon Robinson Thompson, sort du 18, sa famille l’arrose de champagne pour le féliciter, et en fait il termine premier non qualifié.
Je n’arrivais pas à me dire que je l’avais fait. Que j’étais sur le Tour. Et encore maintenant.
Heureusement, ça s’est bien terminé pour vous. Quand avez-vous compris que ça allait le faire ?
Quand ma balle était sur le green au 18. Dans le public, quelqu’un qui parlait français m’a dit : « C’est bon, tu peux respirer Tom« . Je lui ai répondu : « Viens jouer à ma place et tu verras si tu vas respirer » (rires).
Une fois que la balle est dans le trou du 18, qu’est ce qu’on se dit ?
Je n’arrivais pas à me dire que je l’avais fait. Que j’étais sur le Tour. Et encore maintenant. Si je vais jouer demain avec Antoine Rozner et Romain Langasque, je vais me dire « waouh trop stylé » mais après je sais que quand le premier tournoi va arriver je ne vais pas être là pour les regarder.
A vôtre âge les frères Højgaard ont déjà gagné plusieurs fois sur le Tour européen. Peut-on aussi se dire qu’on monte pour gagner directement ?
Je n’arrive pas pour être le petit nouveau qui regarde tout le monde. J’aime tellement jouer la gagne sur les tournois que pour moi il n’y a aucune raison de monter juste pour observer. Si j’ai le niveau de jeu pour gagner, je gagnerai. Là, j’ai le niveau pour monter, donc je monte. Mais quand j’y serai, le but sera bien sûr de m’imposer. Je ne serai pas là pour les applaudir le dernier tour parce que j’ai manqué le cut, ça c’est hors de question.
Je ne suis pas Hulk, par contre je suis conscient de mes forces.
Cette montée est toute fraîche, mais avez-vous déjà eu le temps de penser à la suite du programme ?
Je vais me reposer et reprendre le sport fort, parce que sur le Challenge Tour il n’y a pas trop d’infrastructures, donc il faut que je me remette à niveau. Je suis conscient de mes forces. Je ne suis pas Hulk mais je pense être dans le fourchette haute du Challenge Tour question longueur. Quand je vois les classements de distance des Langasque ou autre avec qui je joue souvent et où je me trouve par rapport à eux, je me dis que je ne fais pas la course contre la distance. La longueur c’est important, avec l’âge et l’entraînement je vais prendre de la distance mais ce n’est pas mon objectif premier.
Tout s’est enchainé très vite, la montée, le retour en France… Avez-vous quand même eu le temps de fêter tout cela ?
Non pas encore. Je n’ai pas encore eu le temps de rentrer chez moi. Mais je ne suis pas forcément quelqu’un qui fait trop la fête. Je vais passer du temps avec mon staff pour débriefer parce que le but, c’est progresser. Si je reste à ce niveau-là, ce n’est pas suffisant. La finalité, ce n’est pas seulement de monter sur le Tour.
Photo : Angel Martinez/Getty Images