Magnolia Lane, le « Par 3 Contest » du mercredi, la clameur du public, la cave à vins aux mille trésors ou encore l’écrin merveilleux que représente l’Augusta National Golf Club… La poignée de joueurs français ayant disputé le Masters n’ont pour la plupart que des étoiles dans les yeux quand ils évoquent leur passage en Géorgie. Souvenirs, souvenirs.
Lionel VELLA
Le jeudi 11 avril 2024, premier tour de la 88e édition du Masters, Matthieu Pavon deviendra officiellement le douzième golfeur français à fouler l’Augusta National Golf Club dans le cadre du plus mythique des quatre tournois du Grand Chelem. Un par 72 long cette année de 7 555 yards (6 908 mètres) et qui n’a pas franchement porté bonheur à nos rares représentants depuis la création de l’épreuve en 1934.
Après les tentatives infructueuses d’Albert Pélissier (1952), de Henri de Lamaze (1958), de Jean Garaialde (1964 et 1966) et de Philippe Ploujoux (1982 et 1983), il faut en effet attendre Jean Van de Velde en 2000 pour voir un Français passer enfin le cut (instauré en 1957). Une date symbolique qui va, heureusement, bouleverser quelque peu la donne puisque Thomas Levet, en 2005, signe quasiment dans la foulée la meilleure performance tricolore en prenant la 13e place finale (record toujours à battre), lui offrant de facto la possibilité de revenir l’année suivante.
Si Julien Guerrier et Grégory Havret, le premier en 2007, le second en 2011, échouent après deux tours, trois autres réussissent à jouer le week-end en Géorgie – Victor Dubuisson et Romain Langasque en 2016, Victor Perez en 2020 – mais aucun ne parvient à se hisser aux avant-postes, terminant respectivement 42e, 39e et 46e.
Moquette épaisse, l’Arnie’s Army, une cave à vins somptueuse…
Tous, à travers les époques, ont néanmoins conservé des souvenirs vivaces de leur passage au Masters. Soixante ans après, Jean Garaialde, invité en 1964 en tant que n°1 de l’ordre du mérite continental européen, se souvient encore de l’organisation du premier Majeur de la saison digne d’un « hôtel 5 étoiles ».
« A mon arrivée, à l’enregistrement des joueurs, on m’a proposé pour toute la semaine une voiture qui n’avait pas 100 kilomètres au compteur. J’ai le souvenir de vestiaires magnifiques avec une moquette épaisse. Il y avait des téléviseurs partout et on pouvait nous servir à manger à n’importe quel moment de la journée. Des prestations uniques à l’époque. »
On vous fait comprendre qu’il faut descendre très bien habillé dans la salle de restaurant et ils vous facturent le repas. De mémoire, c’était je crois 4,20 dollars. A ce prix-là, j’ai décidé d’arroser mon dîner avec un Château Petrus
Philippe Ploujoux
Vainqueur du British amateur en 1981, Philippe Ploujoux a eu le privilège de jouer en 1982 puis en 1983 ses deux premiers tours avec Arnold Palmer, légende du golf mondial, quatre vestes vertes au compteur (1958, 60, 62 et 64).
« Ce n’était d’ailleurs pas facile car il fallait gérer l’Arnie’s army aussi, commente-t-il dans un sourire. Vous vous retrouvez avec 3 à 4 000 personnes au départ du 1 et si jamais il se mettait à bien jouer, vous finissiez entre 10 à 15 000 personnes au 18. C’est ce qui est d’ailleurs arrivé la deuxième année. Il a fait 68 (-4) et disons que j’ai vite déblayé le terrain (rires) pour laisser la place libre à Mr Palmer. Je me souviens aussi des dîners au club-house. On vous fait comprendre qu’il faut descendre très bien habillé dans la salle de restaurant et ils vous facturent le repas. De mémoire, c’était je crois 4,20 dollars. A ce prix-là, j’ai décidé d’arroser mon dîner avec un Château Petrus (rires). »
Jean Van de Velde, présent en 2000 grâce à sa 2e place à The Open 1999 à Carnoustie, peut confirmer que les caves du très select et très hermétique club d’Augusta regorgent d’incroyables millésimes, dont plusieurs Bordeaux et autres Bourgogne.
« J’ai eu cette chance incroyable de pouvoir visiter la cave du club d’Augusta où de nombreux trésors dorment à la bonne température, souffle le Landais, malicieux. J’ai même eu le privilège d’ouvrir une ou deux bouteilles. Mais je ne vous dirais pas de quel genre de vin il s’agissait (rires) ! »
Une balle qui finit dans la bière d’un spectateur…
A l’instar de Philippe Ploujoux, Julien Guerrier a lui aussi remporté le British amateur. En 2006. Il est donc convié à l’édition de 2007 (les vainqueurs amateurs ne sont alors plus invités qu’une seule fois au lieu de deux auparavant). Il a l’honneur de partager ses deux tours avec le Sud-Africain Gary Player, trois fois vainqueur, mais son souvenir le plus marquant demeure le concours de Par 3 organisé le mercredi.
« L’atmosphère, le monde, les gens qui ont leurs chaises au bord des greens avec les pieds quasiment dessus, se remémore le Rochelais. Le vent qui tourbillonne, tu l’imagines soufflant dans une direction et tu vois ta balle partir dans l’autre sens. Bref, tout ça pour dire qu’en attaquant un drapeau, je me suis trompé sur le vent et ma balle a terminé dans… la bière d’un spectateur. Quel moment ! »
Tout ça a un peu explosé à ma figure alors que je ne m’y attendais pas trop. C’est un endroit paradisiaque…
Grégory Havret
Sensations identiques pour Grégory Havret, présent à Augusta en 2011 en raison de sa superbe deuxième place l’année précédente à l’US Open à Pebble Beach (Californie).
« Si je devais ne retenir qu’un seul souvenir d’Augusta, ce serait la découverte de ce fameux « Par 3 Contest », le mercredi. Je ne m’attendais pas à ça du tout. J’avais juste entendu que l’ambiance était sympa, bon enfant, que les familles participaient beaucoup, que l’atmosphère était différente de celle des quatre jours de tournoi. Et puis je suis arrivé sur le tee du 1 et que j’ai découvert ce petit coin de paradis, avec une succession de trous aussi magiques les uns que les autres, avec ce public complètement différent du reste de la semaine parce que très joyeux, très demandeur, très dynamique… Et ces positions de drapeaux qui annonçaient énormément de bons coups puisque placés dans des cuvettes propices à beaucoup de spectacle et à un maximum de trous en un. J’avais juste devant moi Jack Nicklaus, Arnold Palmer et Gary Player… A ce propos, j’ai dans mon téléphone une vidéo magique de ces trois-là. Bref, tout ça a un peu explosé à ma figure alors que je ne m’y attendais pas trop. C’est un endroit paradisiaque et le vivre avec des garçons aussi délicieux que Jerry Kelly et Steve Stricker, c’était génial. Ce fut un moment unique dans ma vie ! »
C’est magique là-bas car le parcours est petit, les greens sont petits, ils sont les uns près des autres et, donc, on entend tout. C’est assez incroyable comme sensation.
Thomas Levet
Engagé à trois reprises dans le Masters – 2003, 2005 et 2006 – Thomas Levet garde en tête cette fameuse clameur du public retentissant à chaque exploit d’un golfeur tout au long des quatre tours du tournoi.
« J’ai eu la chance en 2005 de ne pas trop mal jouer, souligne-t-il fièrement. Je me suis donc retrouvé dans les dernières parties et à tous les trous ou presque il y avait subitement cette clameur qui s’élevait au-dessus d’Augusta parce qu’un joueur avait rentré son putt ou l’avait manqué de peu… C’est magique là-bas car le parcours est petit, les greens sont petits, ils sont les uns près des autres et, donc, on entend tout. C’est assez incroyable comme sensation. C’est ce qui fait selon moi la magie de ce tournoi si particulier… »
Un coup de wedge mémorable au 15…
Magique aussi comme l’entrée du site réservée aux joueurs depuis Washington Road, en franchissant la grille par Magnolia Lane. Romain Langasque, encore amateur et victorieux du British 2015, a savouré ce moment.
« En fait, j’ai deux souvenirs très forts de mon passage au Masters, résume l’Azuréen. C’est d’abord cette remontée pour la première fois de Magnolia Lane quand on découvre les lieux. Tout simplement extraordinaire ! Et puis je ne peux pas oublier mon coup de wedge rentré au 15 lors du 2e tour. Les émotions, c’était quelque chose de grand, d’incroyable, de fou. C’est très certainement mon plus grand souvenir ! »
En novembre, à huis clos et en plein Covid…
Victor Perez, présent en 2020 pour le seul Masters décalé du 12 au 15 novembre en raison de la crise du Covid et se disputant à huis clos, a, lui, gardé en mémoire l’extrême complexité du parcours, notamment lors de sa seconde visite en 2021.
« Ce qui m’avait marqué, c’était le changement radical du parcours entre le mercredi et le jeudi. Ils avaient actionné les « sub air » sous les greens (Ndlr, système d’aération variant la vitesse des greens) et ce n’était plus du tout le même parcours. Plutôt souple le mercredi, c’était devenu très ferme et donc beaucoup plus rapide le lendemain, rendant de facto le tracé bien plus compliqué. »