Pour rendre hommage à Denis Lalanne, nous avons demandé à deux journalistes de nous offrir quelques lignes en guise d’adieu à leur ami.
Voici les textes émouvants de Pierre-Michel Bonnot, de Nicolas Jeanneau et de Denis Machenaud :
UN LIÈVRE MAJUSCULE
Par Pierre-Michel Bonnot, journaliste à l’Équipe
Quand un gamin demandait à Denis Lalanne, ce qu’il fallait pour devenir reporter sportif, il répondait, amical « il faut du bol, voilà tout »
Mais pour être Denis Lalanne il fallait bien plus que cela.
Pour avoir eu le bol immense de marcher à sa suite, un jour enchanté d’avril 1997, à la découverte d’Augusta National, du petit coin de tribune d’où les reporters ont le privilège de ne rien rater des drames de « l’Amen Corner » jusqu’au dernier casier aux trésors de la cave des membres, jalousement gardée par un grand black de sommelier qui l’appelait « Deniss », on peut attester de la confraternité de terrain sans chichis du phare du journalisme sportif français.
Mais son vrai tour de force c’est d’avoir inspiré des générations de jeunes confrères sans jamais donner la leçon.
Ne croyant pas plus aux écoles de journalisme que Michel Bouquet à celles du théâtre, il précisait d’ailleurs dans « Trois balles dans la peau » (l’autobiographie qui retrace sa longue passion pour le golf – « jeu féodal et de plein vent qui fait couler la bière et le pure Malt » – le rugby et le tennis) «pour ma part, je ne voudrais jamais apprendre le job à un autre. J’aurais trop peur, avec le virus, de lui refiler mes manies, de le troubler dans ses propres dispositions, sa trempe personnelle.»
Sauf qu’être embauché à « L’Équipe » c’était se retrouver naturellement placé en bas d’une échelle de valeurs littéraires au sommet de laquelle trônait Denis Lalanne, Pierre Chagny et, un peu plus haut encore, Antoine Blondin, sorte de Bon Dieu de la littérature sportive posé sur un petit nuage aux teintes anisées.
Et comme si ça n’était pas assez compliqué comme cela, il fallait en prime tâcher de se montrer pertinent techniquement, neutre en toutes circonstances, objectif si cela se trouve et pince sans rire par-dessus le marché.
Qu’on ajoute que Denis Lalanne possédait un sens inné du titre qui accroche l’œil sans le blesser et d’inépuisables réserves d’indignation pour voler au secours des causes perdues et vous aurez compris qu’il fallait bien toute une carrière pour tenter de rattraper un jour ce lièvre majuscule. Sans espoir sérieux d’y parvenir, mais avec l’immense fierté d’avoir foulé la même piste que lui.
UN HOMME BIENVEILLANT
Par Denis Machenaud, ancien rédacteur en chef de France Golf
Denis Lalanne restera une des plumes sportives les plus agréables à lire : souvent inspirée, toujours fraîche et musicale . J’ai pu le vérifier à de nombreuses reprises, non seulement en lisant sa prose sur le rugby et le tennis dans « L’Équipe » mais aussi dans les colonnes du magazine France Golf où il eut longtemps sa chronique .
Parmi les belles rencontres qu’il m’a été donné de faire, il y a eu celle d’un journaliste américain, Loran Smith, originaire de Géorgie, et spécialiste de football américain et de golf .. J’eus le plaisir de lui présenter Denis lors d’une édition du Masters. Très vite, les deux compères, avec l’élégance qui les caractérisait, furent très proches et ne se quittèrent plus. Je pense d’ailleurs qu’ils y ont été pour beaucoup dans le jumelage entre le prestigieux golf d’Augusta et celui du Phare à Biarritz .
Denis aimait particulièrement le bon vin. Ce fut d’ailleurs souvent un bon moyen pour moi de le remercier de ses « papiers » toujours vivants qu’il livrait parfaitement à l’heure à la rédaction du magazine. Ainsi, le nectar du château Latour n’eut rapidement plus de secrets pour lui. Denis était un vrai amateur de bons vins …
Par contre, je ne l’ai pas vu souvent pousser la chansonnette, sauf à l’Open des Rugbymen organisé par son fidèle ami Robert Paparemborde dans son fief de La Boulie. Après moult verres, Denis se levait et, de sa voix profonde, murmurait les paroles du « Métèque », la fameuse chanson de Georges Moustaki .
Denis était un homme bienveillant, toujours heureux de vivre et qui a rendu heureux toute une génération de sportifs, qu’ils soient rugbymen, tennismen ou golfeurs . Ce n’est pas rien !