Appelée de « dernière minute » pour disputer son 5e Evian Championship, Pauline Roussin-Bouchard avoue qu’elle est en phase de reconstruction après son échec sur le LPGA en 2023 et son « exil » sur le Ladies European Tour cette saison. Sans le moindre regret, l’ancienne n°1 mondiale amateure entend prendre beaucoup de plaisir cette semaine à Evian.
Propos recueillis par Lionel VELLA, à Evian
Arrivée dimanche en milieu d’après-midi à Evian, Pauline Roussin Bouchard, 24 ans, nous a retrouvé en milieu de journée, non loin du putting-green, à l’ombre d’un soleil généreux au-dessus de l’Evian Resort Golf Club. Un entretien où elle n’a, à aucun moment, utilisé la langue de bois. La preuve ci-dessous…
GOLF PLANETE : Vous faites partie des six joueuses ayant bénéficié d’une invitation pour disputer cet Amundi Evian Championship 2024. Quand avez-vous reçu le fameux sésame ?
Pauline ROUSSIN-BOUCHARD : Tardivement ! Je n’étais pas censée jouer cette année. Ce n’était pas grave. Et puis, en dernière minute, j’ai finalement reçu cette invitation. Et j’ai dit oui…
G.P. : Ce n’était donc pas programmé d’être au départ de ce 4e Majeur de la saison…
PRB : Non. Je m’étais organisée pour effectuer une semaine d’entraînement, de régénération, faire du sport… En tout cas, pour faire un gros travail et préparer les tournois d’après. Cela allait avec la dynamique, dans le sens où les dernières semaines n’ont pas été toutes rigolotes. Mais ça me coupait un peu l’herbe sous le pied de ne pas jouer cette semaine. A l’arrivée, ce n’est que du bonus car ça me donne du temps de jeu supplémentaire et surtout, les choses arrivent pour une raison. Tout simplement.
G.P. : Abordez-vous donc ce tournoi sans la moindre pression ?
PRB : Jouer un tournoi sans pression, ça n’existe pas. Surtout pour un sportif de haut niveau. On va dire que c’est une semaine bonus. Il y a forcément des attentes, j’espère pouvoir performer. Mais je vais essayer que tout ça me donne un peu de légèreté aussi.
J’aime beaucoup ce parcours mais il ne correspond pas à mon jeu. Bref, c’est un vrai challenge !
Pauline Roussin-Bouchard au sujet du Champions Course d’Evian
G.P. : Vous allez prendre part à votre 5e Evian Championship. Que retenez-vous des quatre précédents ?
PRB : (Elle réfléchit longuement) Chaque année, je modifie deux-trois trucs… Comment dire ? On va dire que je développe des habitudes. La première fois que je suis arrivée ici (en 2019), il y avait le bac français… Ce n’était pas terrible. Chaque année, je note quelques petites leçons mais qui ne me servent pas uniquement que pour Evian. Je construis à chaque fois. Mais si on parle d’Evian, je sais ce qu’il faut faire pour performer.
G.P. : Vous le connaissez bien ce parcours du Champions Course. Vous l’avez encore affronté au Jabra Ladies Open sur le Ladies European Tour à la fin du mois de mai…
PRB : C’est un parcours très difficile. Il n’est pas fait pour les gros frappeurs. Il n’y a pas beaucoup de marge d’erreurs sur les départs. Même sur les coups de fers. Je joue avec mes souvenirs aussi, ce qui n’est pas facile à gérer. Mais j’apprends. J’essaie de me détacher de chaque année, en faisant quelque part à chaque fois un reset… Afin de ne pas être polluée. J’aime beaucoup ce parcours mais il ne correspond pas à mon jeu. Bref, c’est un vrai challenge !
G.P. : Quel est votre meilleur souvenir ici à Evian ?
PRB : La Haribo Kids Cup. En 2010, 2011 et 2012. Avec les fontaines en chocolat, des pyramides de bonbons partout. Des tentes avec des jeux vidéos. C’était incroyable. J’avais gagné à chaque fois les trois années. Mais sinon, en mode Majeur, je dirais la deuxième fois, en 2021. Le fait d’avoir passé le cut, c’était quand même cool. Entre finir dernière et passer le cut, ça m’avait pompé pas mal d’énergie (Ndlr, elle avait pris la 38e place à -3 total). En 2019, pour ma première, je n’avais pas joué quasiment un mois avant. Parce que j’avais mon bac de français à ce moment-là. Le Ministère de l’Education n’avait pas fait grand-chose pour aider les sportifs de haut niveau à faire leur sport. C’est un message que je passe là, comme ça (rires). Je n’étais pas arrivée avec une préparation idéale. Et puis il y avait eu la pression, c’était mon premier Majeur…
L’atmosphère est beaucoup plus tendue… On est dans un milieu de requins entre guillemets, et ça laisse moins la place pour s’exprimer.
Pauline Roussin-Bouchard
G.P. : Quand on est jeune Française jouant en France, la pression est-elle décuplée ?
PRB : Bien sûr ! Après cela donne aussi de l’énergie. Dans les bons et les mauvais moments. Personnellement, je prends beaucoup de positif dans ce cas-là. J’aime beaucoup quand il y a du monde comme ça autour de moi.
G.P. : Vous êtes revenue cette année sur le Ladies European Tour (LET). Comment pourriez-vous qualifier votre saison ?
PRB : Il y a eu des hauts et des bas. Je continue de peaufiner mon jeu, la manière dont je veux travailler avec mon staff. Et puis j’ai retrouvé un peu l’essence de pourquoi j’aime jouer au golf.
G.P. : Vous aviez perdu cette sensation ces derniers mois ?
PRB : Oui. Sur le LPGA, c’est sûr. Parce que passer vingt tournois aux Etats-Unis… On est dans la redondance américaine, ce n’est pas ce que je préfère. La dimension voyage me plait beaucoup. Aux Etats-Unis, si on ne fait pas attention, ça peut être très redondant.
G.P. : Et puis on est souvent seule avec soi-même, non ?
PRB : L’atmosphère est beaucoup plus tendue… On est dans un milieu de requins entre guillemets, et ça laisse moins la place pour s’exprimer.
Il a fallu que je trouve mon opposé pour pouvoir identifier ce que j’aime.
Pauline Roussin-Bouchard
G.P. : C’est un peu marche ou crève ?
PRB : C’est un peu ça. Il y a beaucoup plus de jugements… Il y a moins de liberté. J’ai beaucoup apprécié sur le LET le fait de côtoyer des copines avec qui j’étais à la fac, avec qui j’étais en tournoi quand j’étais plus jeune. Et surtout, le côté voyage, les différentes cultures, les différents parcours, les différentes herbes… Et voir des pays différents aussi… L’Australie, l’Italie, la Corée, la République tchèque… On a une culture en Europe et dans le reste du monde… Je prends beaucoup d’énergie de tout cela, je m’en inspire aussi. Il a fallu que je trouve mon opposé pour pouvoir identifier ce que j’aime.
G.P. : Vous comptez malgré tout retourner aux Etats-Unis ?
PRB : (Catégorique) Oui ! Complètement. Les Cartes en fin d’année, c’est l’objectif. Mais pas forcément en faisant une full saison sur le LPGA en 2025 mais d’avoir surtout la liberté de faire ce que j’ai envie de faire. Faire des stretchs… Il y a des tournois cette année qui me tenaient à cœur, comme le Scandinavian Mixed avec les garçons, sur le DP World Tour. J’ai joué avec l’Anglais Matthew Southgate notamment…
G.P. : Votre objectif cette semaine, c’est de prendre d’abord du plaisir ?
PRB : Oui, c’est surtout ça. Beaucoup de plaisir. Passer le cut aussi, évidemment, mais je suis en train de suivre mon petit bonhomme de chemin. J’essaie de construire des choses sans laisser le résultat et mes propres déceptions entacher tout cela. Je bosse beaucoup là-dessus. J’ai forcément des attentes, des objectifs mais les choses sur lesquelles je vais en priorité me concentrer, c’est de faire de bons coups de golf et de prendre un maximum d’énergie. Je suis encore en construction parce qu’il y a eu beaucoup de destruction. Je me suis détruite toute seule. Et je suis en train de mettre les choses en place pour revenir au niveau et d’optimiser.
Photo : Philippe Millereau / KMSP