Ambiance exceptionnelle, tournoi hyper relevé avec la présence des meilleurs joueurs mondiaux au sommet de leur art, le tout sur un parcours de classe mondiale, la recette de la 5e édition de l’épreuve olympique de golf des jeux olympiques de l’ère moderne a définitivement et indiscutablement fait entrer la discipline dans la grande famille des sports olympiques. Explications.
G.B., avec Lionel VELLA au Golf National
Et si Matthieu Pavon avait raison ? Et si remporter une médaille d’or olympique pour son pays avait plus de valeur que de s’imposer dans un des 4 tournois Majeurs comme l’affirmait le Bordelais en préambule du tournoi olympique de golf ?
On le dit tous les quatre ans, la magie des Jeux olympiques permet à certains sports d’avoir une fenêtre médiatique immense. Et le grand public de se passionner pour le tir au pistolet, le tir à l’arc, la lutte gréco-romaine, le taekwondo, le trampoline, le canoë-kayak… Des sports “mineurs”, médiatiquement parlant, qui profitent de la “hype”, le temps d’une course à la médaille ou plus si affinité.
Le golf, lui, fait partie d’une autre caste. Il n’est pas très ancré dans le monde olympique, après une longue pause (de 1904 à 2016 !), mais il est très populaire à travers le monde. On parle de l’un des sports les plus joués, sur tous les continents, un sport dont on estime le nombre de fans à 450 millions.
En France, c’est un cas particulier : il est l’une des disciplines sportives les plus pratiquées, avec un nombre élevés de licenciés (près de 450 000). Mais dans notre pays, notre sport souffre assurément d’une image un peu élitiste et semble difficile d’accès pour le béotien.
La Ryder Cup, les Jeux Olympiques des épreuves à part
La Ryder Cup 2018 a eu un bel effet pour gommer cette image de sport feutré, mais au Golf National, pendant la compétition masculine des Jeux olympiques, on a peut-être assisté à un début de transformation. Les quelques 30 000 spectateurs quotidiens ont assuré une ambiance incandescente encore différente de celle de la compétition biennale quand le public joue un rôle plus partisan.
Le succès a donc largement dépassé les espérances. Ils étaient peu à penser que le tournoi rencontrerait un tel engouement.
Le président de la Fédération française de Golf, Pascal Grizot, lui s’y attendait et savoure cette réussite même s’il a un peu (beaucoup) regretté que la jauge fixée par le COJOP ait empêché de faire venir plus de monde. « On aurait pu accueillir le double », nous a-t-il assuré.
Thomas Bach, Michael Phelps, tous adhèrent
Avec un tournoi masculin complètement réussi et une effervescence autour de l’épreuve littéralement planétaire, à l’image de la légende Michael Phelps, épaté par la Marseillaise entonnée pour le départ de Matthieu Pavon, le golf a donc gagné ses lettres de noblesse dans le concert olympique.
Une impression confirmée par Thomas Björn, le capitaine de la Ryder Cup 2018 à Paris qui fut littéralement enthousiasmé par cette 3e édition du tournoi depuis le retour du golf au programme des jeux en 2016.
Golf in @Olympics is proving to be a great success.
It’s a pleasure being here to feel the atmosphere from the sold out crowds but more importantly the atmosphere amongst the players.
Most of the worlds best taking each other on for Olympic gold. Sport in its purest form. 🇩🇰— Thomas Bjørn (@thomasbjorngolf) August 3, 2024
« Le golf aux Jeux olympiques a démontré qu’il pouvait être un immense succès. C’est un plaisir d’être ici et de ressentir l’ambiance. Mais le plus important c’est ce que nous montrent les meilleurs joueurs du monde en se battant pour une médaille d’or. Le sport dans sa forme la plus pure », a écrit le Danois.
Quant à la présence du président du Comité international olympique (CIO), Thomas Bach, dithyrambique sur l’organisation des Jeux de Paris, venu humer l’atmosphère de l’épreuve masculine au Golf National ce dimanche, elle n’est pas anodine.
En attendant, on l’espère, une ferveur au moins aussi forte pour l’épreuve féminine, le tournoi olympique a fait mouche. Elle a emballé les pontes du CIO, les joueurs et a provoqué un réel engouement chez les athlètes des autres disciplines. Ainsi le tennisman norvégien Casper Ruud a tout fait pour obtenir des places… Et il n’a pas été le seul.
Des billets peu onéreux, une ambiance nouvelle
Pour Paris 2024, le système de billetterie par “packages” (il fallait lors de la première phase de vente réserver un minimum de trois sessions) a conduit de nombreux Français à se procurer des places pour le golf, parfois peut-être par “défaut”, puisque les prix étaient très accessibles (24 Euros).
Et ces possesseurs de billets peu onéreux ont voulu “voir” ce à quoi pouvait ressembler le golf, un parcours, une compétition avec les meilleurs joueurs du monde et ses codes.
« J’ai eu la chance de venir une fois au Golf National, c’était pour la Ryder Cup 2018, témoigne Laure, une spectatrice du tournoi masculin. J’avais vraiment adoré. Je trouvais que ça pouvait être très sympa de revenir aujourd’hui (samedi 3 août) pour les JO. Je ne joue pas au golf. J’ai déjà essayé, plein de fois (rire). L’ambiance ? Complètement différente de la Ryder Cup. Les gens se sont vraiment lâchés, il y a toutes les nationalités possibles…. »
« Je ne joue pas au golf, avoue un autre spectateur français qui a lui aussi découvert le golf en tant que spectateur lors de la Ryder Cup 2018. J’ai essayé mais seulement sur un practice. L’ambiance ici, c’est top. On entend beaucoup les Français. La Ryder, c’était franchement électrique. Il y avait beaucoup d’Américains. Là, je trouve que c’est plus festif, plus grand public… »
Ils en ont profité pour amener leur bonne humeur et sont venus encourager Matthieu Pavon et Victor Perez par esprit olympique, guidés par l’élan de ferveur et de fête du sport qui a agité toute la France dès les premiers jours de ces J.O. de Paris 2024. Par curiosité et par opportunisme, aussi.
« J’ai acheté mes places sur la plate-forme de revente en ligne (24 euros avec des frais de dossier), confirme une autre spectatrice. Aujourd’hui, j’ai suivi Rory McIlroy, qui est connu. Et Victor Perez pour le côté French Touch. Et aussi quand on s’est placés sur le 18, j’étais très contente de voir Tommy Fleetwood. J’aime bien ce joueur, il a un côté sympa. »
Beaucoup de passionnés et de connaisseurs de golf étaient bien sûr présents autour du parcours de l’Albatros pendant ces quatre jours de la compétition masculine. Mais il y avait aussi beaucoup de “supporters” de l’équipe de France olympique et des spectateurs novices qui se sont pris au(x) jeu(x). Le silence a été le plus souvent respecté au moment des coups, mais les encouragements, les chants (combien de Marseillaises ?), les vivas de la foule en ont surpris plus d’un.
Le Golf National is the place to be in Paris!#Paris2024 | #Olympics pic.twitter.com/8FVrjO4HT9
— Olympic Golf (@OlympicGolf) August 3, 2024
« J’ai entendu pas mal de gens qui connaissaient un peu les noms des joueurs, les règles aussi, raconte Patrick, un joueur venu du Golf Club de Kaya, dans le Puy de Dôme. Ici, il y a énormément de nationalités. Chacun soutien le golfeur de son pays.
Les joueurs et les observateurs du golf professionnel ont apprécié cette ferveur que l’on n’avait sans doute jamais vu sur un parcours de golf auparavant.
Ce qui m’a surpris, c’est la réaction des golfeurs qui sont assez fermés, dans leur bulle, alors que les volleyeurs ou les tireurs à l’arc réagissent avec la foule.
Julien, spectateur au Golf National
Matthieu Pavon, Victor Perez, Rory McIlroy, Jason Day, Scottie Scheffler, tous ont encensé ce public qui a donné “une vraie atmosphère olympique”, comme l’a résumé Tommy Fleetwood. Une ambiance sans doute jamais vue ou entendue sur un parcours de golf et qui “casse avec les codes” comme disent les spécialistes du marketing…
« Ce qui m’a un peu surpris, c’est la réaction des golfeurs en général. Ils étaient assez fermés, dans leur bulle, même Victor Perez, un signe ou deux de la main mais c’est tout, raconte Julien, un autre fan venu en curieux. Pas de geste pour haranguer la foule alors qu’elle était à 100 % pour lui. Au beach volley, les volleyeurs réagissent avec la foule, au tir à l’arc, ils réagissent aussi avec le public. J’aurais aimé qu’ils participent plus… Mais je pense que c’est aussi lié à la discipline. Toute l’année, ils sont comme ça les golfeurs. »
Le souvenir embarqué par quelques témoins (témoignages qui plus est recueillis le samedi, avant la charge héroïque de Victor Perez le dimanche) est en tout cas indélébile et pourrait les inciter à suivre davantage le golf.
« C’est une journée réussie en tout cas, apprécie un autre témoin. Pour ceux qui aiment le sport, c’est une chance. »
Si j’ai la possibilité, je reviens la semaine prochaine pour les filles, l’ambiance des Jeux est énorme, sur n’importe quel site.
Une spectatrice au Golf National
« Si j’ai la possibilité, je reviens la semaine prochaine pour les filles, annonce notre premier témoin. J’ai eu la chance d’aller sur le site du beach volley, au Champ de Mars. J’ai adoré. L’ambiance des Jeux, elle est énorme j’ai l’impression. Sur n’importe quel site… Cela prouve qu’on aime le sport en France, et qu’on aime aussi les Jeux olympiques. »
Ces Jeux olympiques ont semble-t-il redonné le sourire à de nombreux Français et les ont rapproché du sport. Pour certains, ils les ont même rapproché du golf. Et ils ont aussi bousculé (gentiment) les habitudes des joueurs du PGA Tour et d’ailleurs. « Une expérience de dingue » , a résumé Matthieu Pavon.
Packed house for Scottie Scheffler off the first!#OlympicGolf | @TeamUSA | @USAGolf pic.twitter.com/fxqtFyEoDf
— Olympic Golf (@OlympicGolf) August 4, 2024
Seul regret ? Une couverture déplorable de France Télévisions
Cela fait donc plusieurs bonnes nouvelles qui tombent en même temps. La magie des Jeux on vous dit.
Dans ce ciel tout bleu subsiste cependant un nuage. Un gros point noir même. La quasi totale absence de couverture de l’évènement par les chaines gratuites du service public qui avait pourtant à disposition trois canaux (France 2, France 3, France 5) et une plateforme digitale dédiée.
20 min le premier jour sur France 3, à peine plus le vendredi. Et puis le néant. Un putt ou deux tout au plus de Perez le dernier jour quand le ping-pong, le judo, l’escrime, le tir à l’arc, le basket, le triathlon, le cyclisme pourtant pas en manque d’exposition ont eu droit à des heures entières de retransmission.
Même sur la plateforme digitale de France TV rien n’avait été prévu alors que le dénouement et la performance de Victor Perez en course pour une médaille dans le dernier tour méritaient évidemment mieux.
Il est inquiétant que le diffuseur officiel des Jeux en France, qui compte pourtant de nombreux fans de golf dans sa rédaction, fasse preuve à ce point de partialité.
C’est surtout triste pour le 7e sport avec le plus de licenciés en France. Il a fallu s’en remettre au canal dédié d’Eurosport MAX, une chaine payante !
©Emmanuel DUNAND / AFP