Consultant international de golf qui a notamment travaillé avec des grands architectes comme Robert Trent Jones ou Kyle Phillips, notre ami a bien connu Pete Dye qui vient de mourir en Floride à l’âge de 94 ans. Il nous aide à mieux le connaitre.
Pendant ma carrière de consultant international, j’ai participé à la création de vingt-sept parcours de golf dans le monde entier sur des sites très variés entre les Caraïbes et l’Inde.
La mort de Pete Dye m’a particulièrement touché dans la mesure où je l’ai bien connu alors que j’étais conseiller de la Fondation Rothschild lors de la rénovation complète du golf de Césarée, le seul golf qui existe en Israël.
Trois architectes de golf s’étaient présentés pour obtenir le contrat : Jack Nicklaus, Greg Norman et Pete Dye. Mon choix s’est porté vers l’architecte de métier plutôt que vers un des anciens pros.
Ma première rencontre avec Pete Dye s’est déroulée lors de vacances en République Dominicaine. J’ai informé le directeur du Club où je séjournais de mes activités dans le golf. Il m’a répondu que Pete Dye qui avait une belle maison face à la mer serait heureux de me recevoir.
Pete est arrivé dans sa voiturette pour me faire visiter son parcours favori. Derrière lui se trouvait son fidèle labrador. En apprenant que j’étais directeur attaché au cabinet Robert Trent Jones Jr, lui qui était très porté sur les titres pompeux, il m’a présenté son chien en l’appelant son « assistant personnel » !
Le travail avec Pete était différent et c’est le moins que l’on puisse dire. Pete n’avait ni téléphone portable ni ordinateur. Aucun plan ne sortait de son cabinet. Ainsi l’entreprise de construction et tous les corps de métier restaient souvent dans un brouillard écossais en attendant les instructions sur site soit de Pete soit de son collègue Tim Liddy (photo ci-dessous).
Un jour, lors d’une de ses visites à Césarée, Pete s’est agenouillé pour gribouiller dans le sable ses objectifs. J’ai dit à mon client que c’était le seul plan que j’ai vu dessiner par Pete !
Pete Dye était très focalisé sur le chantier. Les relations publiques ne l’intéressaient pas. Le client avait invité M. l’ambassadeur des États-Unis pour l’Israël pour un déjeuner avec Pete et Alice, sa femme et partenaire. L’objectif était une belle couverture dans la presse israélienne. « Je lui donne vingt-cinq minutes » a répondu Pete et il est retourné rapidement sur le terrain pour suivre les travaux !
Pas de plans, tout dans la tête
Le palmarès de Pete Dye dans l’architecture du golf n’a pas besoin d’introduction. La plupart des 80 parcours qu’il a réalisés sont légendaires : parmi les plus célèbres, on citera le TPC Sawgrass en Floride célèbre pour son green en forme d’île au 17ème trou, Whistling Straits dans le Michigan qui accueillera la prochaine Ryder Cup au mois de septembre ainsi que le spectaculaire Casa de Campo « Teeth of the Dog » en République Dominicaine.
Son imprimatur sur la génération moderne des architectes est solidement établi. Mais quel est son secret pour créer de tels ouvrages d’art ? J’ai eu le rare privilège de le voir travailler de très prêt pendant qu’il se consacrait à la rénovation du parcours créé à Césarée en Israël par la famille Rothschild dans les années 60 et qui reste aujourd’hui le seul parcours dans ce pays de six millions d’habitants. Quand je l’ai rencontré chez lui dans l’Indiana, Pete m’a dit que jusqu’alors, il avait construit des parcours pour des promoteurs mais jamais pour tout un pays !
La Fondation Rothschild avait préparé un emploi du temps pour sa visite qui incluait du tourisme ainsi que du temps sur le chantier. Ce fut loin des objectifs que s’était fixés Pete Dye. Il a éliminé toute idée de passer du temps à visiter des antiquités au musée et s’est focalisé exclusivement sur le travail à accomplir sur le site.
Littéralement dès le lever du soleil jusqu’au crépuscule, il marchait sur la totalité du site sans imaginer une seconde rejoindre le confort de la voiture Land Rover et son air conditionné. Pendant cinq journées pleines, cet homme fougueux à 82 ans s’est plongé dans la conception du parcours tout en donnant des instructions à son équipe sur place.
Dye ne travaillait pas de façon conventionnelle : il n’utilisait pas de plans de cheminement du parcours et des dessins de construction détaillés. Il semblait concevoir l’ensemble comme un puzzle en trois dimensions en utilisant sa matière grise pour que tous les éléments se mettent ensemble comme les plaques tectoniques qui glissent progressivement dans une position harmonieuse.
La nature sablonneuse du site était idéale pour accueillir une telle liberté de pensée. Le parcours émergeait de cette procédure mystérieuse, trou après trou. La stratégie apportée par Dye devenait petit à petit plus évidente au spectateur. Le paysage doté de montagnes de sable entassées de façon aléatoire n’avait aucune ressemblance avec un parcours de golf ; transformé par des bulldozers de taille légères, il devenait soudain un parcours de championnat pour les générations futures.
Les méthodes de Dye évoquent les tout premiers architectes de golf qui ne disposaient que d’équipement rudimentaires pour déplacer le sol. Des chevaux transportaient des pelles à travers le site selon les instructions de l’architecte. Seul, le résultat final importe et la preuve du génie remarquable de Pete Dye se trouve dans les résultats accomplis de façon répétée par ce concepteur unique.
Pour citer Polonius dans Hamlet : «Ça a l’air d’être de la folie mais la méthode y est présente » !
Richard Wax
Extraits d’un article paru dans Golfers&Co en avril 2008. Merci à Philippe Hermann de son autorisation de publication.