Victor Perez revient cette semaine sur les lieux de ses exploits aux Jeux olympiques au début du mois d’août. Un souvenir impossible d’effacer pour le Tarbais malgré une 4e place au goût forcément amer. A lui de surfer sur cette inoubliable vague alors que sa présence au début du mois de novembre à Abu Dhabi, où il s’était imposé en janvier 2023, est loin d’être acquise.
Propos recueillis par Lionel VELLA, au Golf National
Entre deux rendez-vous avec des télévisions, c’est un Victor Perez détendu et souriant qui a pris le temps de décortiquer sa saison 2024, d’abord sur le PGA Tour, d’évoquer bien sûr sa 4e place aux Jeux olympiques ici au Golf National avant d’enchaîner sur une fin d’exercice délicate sur le DP World Tour où sa position inconfortable à la Race (156e au 8 octobre) ne lui permet pour l’instant pas de défendre son titre à Abu Dhabi du 7 au 10 novembre. Il a deux tournois en deux semaines devant lui, le FedEx Open de France puis l’Andalucia Masters, pour inverser le processus. Verbatim.
Retour au Golf National après sa 4e place aux Jeux olympiques
« C’est très rare de revenir au même endroit, la même année, quelques semaines ou quelques mois plus tard, souligne-t-il doucement. Habituellement, il faut attendre au moins douze mois, sauf s’ils changent la date. Le cadre est forcément différent cette semaine avec le FedEx Open de France mais on ne peut pas oublier ce qui s’est passé ici aux Jeux olympiques. »
« Est-ce que cette 4e place reste un bon ou un mauvais souvenir ? On va dire les deux. En tant que compétiteur, je vais dire un mauvais. Mais en expérience de vie… (il s’arrête, ému) Avoir 30 000 personnes qui me pousse pour essayer d’aller chercher cette médaille sur le retour quand d’un coup les birdies s’enchaînent… (il s’arrête de nouveau) Ce sera difficile de retrouver 30 000 fans français sur n’importe quel autre tournoi, même ici (pour l’Open de France). Ce ne sera jamais pareil. Bref, c’est quelque chose que je ne suis pas près d’oublier. Ce sera à jamais gravé dans ma mémoire. En termes d’émotion, de sensation sur le parcours, c’est peut-être ce que j’ai vécu de plus fort. Sentir ce que j’ai senti, au-delà du résultat, on est presque en train de se dire que l’on vit un autre sport, avec tout ce public derrière vous. »
« Beaucoup de gens se souviennent de ces Jeux olympiques à Paris. Cela montre que cet événement touche beaucoup plus de monde que peut-être le DP World Tour ou le PGA Tour, où il faut être un peu plus connaisseur pour avoir cet œil-là. Alors que là, aux Jeux, on se dit : « Là, il y a un Français qui a une chance de médaille, on va regarder. Quel que soit le sport… »
Son meilleur souvenir à l’Open de France
« (Longue réflexion) C’est probablement 2018. C’était encore un Rolex Series à l’époque. On l’avait joué en juillet. Le parcours mérite une date différente. Ça ne rend pas justice au parcours d’avoir cette date en octobre. Et de voir le parcours trempé alors que tout le monde connaît la qualité du terrain, comme on l’a vu aux Jeux olympiques. Quand c’est plus ferme, qu’il fait beau, qu’il y a plus de monde… C’est toujours une atmosphère différente. En 2018, le parcours était béton, en plein juillet, il faisait 30 degrés, avec le rough comme ça (il lève la main en l’air) alors que c’était hyper ferme. Et de me dire ça, c’est un vrai parcours. Même si j’avais joué horrible (Ndlr, cut manqué avec deux cartes de 77 et 80), c’est celui qui m’a le plus marqué, plus que ceux de fin de saison, où on arrive déjà un peu rincés. Là, c’était en pleine période British Open et tout ce qui va avec, donc ce serait vraiment top si ce tournoi pouvait revenir plus tôt dans la saison mais ce n’est jamais évident avec le PGA Tour qui va jusqu’en août d’avoir cette date avec un gros sponsor et pas forcément les joueurs qui vont avec. »
Le golf français vainqueur sur le PGA Tour et le DPWT
« C’est venu par les résultats, avec la victoire de Matthieu (Pavon), dans la foulée de tout ce qui s’est passé avant. Ça amène les joueurs français à se dire « et pourquoi pas moi ? et pourquoi pas moi ? » Fred Lacroix gagne au Danemark, David Ravetto la semaine d’avant, à Prague, ce n’est pas étonnant que ce soit deux semaines d’affilée. On voit quelqu’un gagner, on se dit pourquoi pas moi et au final c’est toi. C’est tout bénéf pour tout le monde et j’espère que ça va durer. »
Même s’il y avait plus de points, j’ai préféré faire l’impasse sur l’Ecosse (au Dunhill Links). Avec la météo qu’ils ont eue, je pense avoir fait le bon choix tactique.
Victor Perez
Absent au Dunhill Links malgré sa victoire en 2019
« Je ne me suis pas aligné en Ecosse la semaine passée (au Dunhill Links) car ça fait beaucoup en termes de tournois puisque je vais aller aussi au Japon, au ZOZO Championship, sur le PGA Tour, après l’Andalousie. Si j’avais été en Ecosse, ça aurait fait BMW PGA Championship, Open d’Espagne, Dunhill Links, Open de France, Andalucia Masters et le Japon… Vu que j’ai déjà joué 24 tournois cette saison… Je n’ai jamais joué autant. Il y avait forcément un tournoi qui devait être écarté. Même s’il y avait plus de points, j’ai préféré faire l’impasse sur l’Ecosse. Avec la météo qu’ils ont eue, je pense avoir fait le bon choix tactique. Il n’y a pas eu de vent, il fallait faire -24 pour gagner. Si au premier tour, on joue dans le par, on est presque mort… »
Objectif Abu Dhabi et le top 70 à la Race
« Cela a toujours été dur pour les joueurs de jouer sur les deux tableaux, surtout quand les performances n’ont pas été bonnes en Majeurs. Ce qui a été mon cas cette année. C’est quelque chose sur lequel je pensais m’appuyer pour m’offrir des points à la Race et être ainsi en position plus favorable en fin de saison sur le Tour européen. Cela n’a pas été le cas. Idem sur le PGA Tour d’ailleurs. Si j’avais été bon dans les Majeurs, ça m’aurait permis de finir également mieux que cette 70e place (à la FedEx Cup). »
Si au Japon je fais une contreperformance, la saison sera sans doute terminée et j’essaierai de profiter de ce temps pour m’entraîner, récupérer un peu aussi…
Victor Perez
Le ZOZO Championship, seul détour sur le PGA Tour en fin de saison ?
« Si je fais une bonne performance et que je me donne une chance de finir dans le top 50 et 60 de la FedEx Cup, j’irai peut-être faire le tournoi suivant, peut-être le RSM Classic (21-24 novembre) ou le tournoi aux Bermudes (14-17 novembre). C’est possible. Je sais que pour finir entre le top 50 et 60 (Ndlr, qualificatif pour l’AT&T Pebble-Beach Pro-Am et le Genesis Invitational), je dois faire une très grosse performance ou deux bonnes… Si j’arrive à faire un top 20 ou un top 15, en marquant des points et en m’assurant le top 60, ce serait bête de ne pas y aller. Si au Japon je fais une contreperformance, la saison sera sans doute terminée et j’essaierai de profiter de ce temps pour m’entraîner, récupérer un peu aussi… C’est une chose d’essayer de chasser quelques tournois en fin de saison mais dès que janvier arrive, on repart pour 24 tournois en sept mois. Et le rythme reprend… »
Une saison 2024 éprouvante
« Je me sens plus fatigué, avec plus de petits pépins physiques, des petits trucs à gérer en dehors aussi… C’est le rythme. On n’est pas les seuls en golf. Dans les autres sports aussi, que ce soit au tennis, au football, au rugby, tous les joueurs se plaignent de cette charge de travail. On voit dans d’autres sports ces blessures de plus en plus fréquentes. Nous, on a la chance d’être dans un sport sans « mouvement violent ». On est un peu protégés par rapport à ça mais les semaines sont plus longues, plus de voyages, moins de temps de récupération… C’est un compromis à faire. Le côté nutritionnel devient plus important, bien dormir aussi, plein de choses sont mises en place… L’équilibre est un peu différent. »
Les enseignements de la saison
« Je n’ai pas fait le meilleur début de saison. J’ai eu des petits pépins aux épaules et quelques petits soucis. Il faut remettre les choses dans leur contexte et ne pas chercher midi à quatorze heures non plus. Ça reste une saison positive. J’étais peut-être à un bon résultat d’être dans les tournois signature où on aurait dit tout d’un coup que c’était une bonne saison. Quand on fait un bilan de saison, il faut faire attention de ne pas trop vouloir chercher la petite bête. Ce sont les hasards du golf et des tournois. Je n’ai pas encore fait mon bilan, mais je ne pense pas que beaucoup de choses changeront l’an prochain à part la connaissance des parcours sur laquelle on peut s’appuyer. Est-ce que ça ne suffit pas pour faire une meilleure saison sans trop changer ? »
Le calendrier 2025
« Ça va être probablement comme cette année avec le Players Championship en plus que je ne pouvais pas jouer cette année. Sinon ça va être un peu la même chasse aux tournois signature avec les mini-rankings. Beaucoup de joueurs se plaignent de ce format parce que c’est plus dur de planifier. Ce sont les joueurs qui jouent mieux qui ont le luxe de choisir leur calendrier. Si je joue mieux… Comme on dit en anglais, « play better » et tu pourras faire ton calendrier comme tu en as envie. »
Vers un accord avec le LIV Golf ?
« Beaucoup de joueurs commencent à être un peu fatigués (de parler de ça). Matt Fitzpatrick la semaine dernière a dit qu’on ne parlait que de ça et c’est dur de trouver les mots dans cette discussion continue depuis tellement longtemps maintenant. Certains joueurs sont revenus, tout le monde était ravi de voir Jon Rahm jouer à Madrid, à Sotogrande, Tyrrell Hatton qui gagne la semaine dernière, premier vainqueur du Dunhill à gagner trois fois, donc il y a des choses qu’on ne peut pas oublier. Ces joueurs-là apportent quelque chose. Nico Colsaerts contre Hatton qui bataillent sur les trois derniers trous pour essayer de gagner le Dunhill Links, c’était quand même top en termes de télé, c’est indéniable. »
Photo : Jonathan Bachman / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP