Pauline Roussin-Bouchard avouait en 2024 qu’elle était en phase de reconstruction après son échec sur la LPGA. L’ancienne n°1 mondiale amateure y retourne cette saison avec une joie de vivre retrouvée et la fraîcheur qui la caractérise.
Propos recueillis par E.S.
Pas facile d’avoir Pauline Roussin-Bouchard au téléphone. Entre ses entraînements de golf, bien sûr, mais aussi ses séances de musculation, ses courses à pied, ses balades à cheval, ses compétitions de Hyrox (un mélange de course à pied et d’ateliers de CrossFit) et ses combats de MMA… La Montilienne ne manque pas de passions, ce qui explique aussi qu’elle ait envisagé de changer de carrière. Et c’est tant mieux, puisque de son propre aveu cela lui permet d’être plus heureuse – et donc performante – sur les parcours.
Ce jeudi, elle sera de retour sur le LPGA Tour après avoir brillamment terminé à la troisième place des Cartes d’accession le 10 décembre dernier. Elle a répondu à nos questions avec le franc-parler qu’on lui connaît, et un volant dans les mains.
GOLF PLANETE : Vous vous apprêtez à faire votre retour sur le LPGA Tour après une année où vous avez envisagé de tout arrêter… Comment l’abordez-vous ? Est-ce que vous avez de l’appréhension ?
Pauline ROUSSIN-BOUCHARD : Non, on parle de reprise mais je suis dans la continuité de l’an dernier, dans une nouvelle dynamique. Récupérer ma carte sur la LPGA, c’est le fruit de tout un travail de reconstruction, même si je n’avais pas besoin de ça pour être satisfaite de mon année. Je me serais très bien contentée de jouer sur le LET (Ladies European Tour). J’ai hâte de reprendre, dans le sens où j’ai changé beaucoup de choses, je suis plus mature, les bases que j’ai posées sont beaucoup plus solides maintenant. C’est le golf en général qui a causé ça. J’étais sur le LET quand j’ai touché le fond.
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G.P. : Est-ce que votre organisation va être différente cette saison, notamment votre camp de base ?
PRB : Bien sûr, mais pas par rapport à mes deux premières saisons sur la LPGA. Je suis toujours basée en Caroline du Sud, où je peux utiliser les infrastructures de l’université. Si j’ai envie de ne pas avoir trop froid, je peux descendre facilement sur Sarasota (Ndlr, en Floride) m’entraîner dans un golf où David Leadbetter enseigne.
C’est moi qui tire les rênes, qui définis ma dynamique.
G.P. : Comment abordez-vous le fait de jouer sur deux circuits, par rapport aux saisons passées où vous avez évolué sur un seul ?
PRB : Je vais principalement évoluer sur le LPGA Tour mais je ferai le minimum de tournois requis, par rapport à ce que demandent les marques avec lesquelles je suis sous contrat :18. Le LPGA Tour est très fort pour mettre la pression avec les points, dire où jouer, mais je ne ferai plus ça. Le fait d’avoir la carte m’a surtout donné la liberté de faire ce que j’ai envie de faire. C’est moi qui tire les rênes, qui définis ma dynamique.
G.P. : Est-ce que vous avez souffert de vous être pliée aux desiderata du LPGA Tour ?
PRB : J’ai voulu rentrer dans un moule, j’ai trop voulu ressembler aux filles qui performaient. Je me suis perdue, j’en ai perdu mon authenticité, ce qui faisait mon essence. J’ai beaucoup travaillé, sans doute un peu trop à un moment donné, sans résultats qui suivaient donc cela a mis un grain de sable dans l’engrenage. Maintenant, je suis sortie du moule.
G.P. : Et au niveau des tournois ?
PRB : Je vais disputer des tournois qui me tiennent à cœur. Des nouveaux comme celui dans l’Utah (Ndlr, Black Desert Championship), où je ne suis jamais allée. Ceux à New York (Mizuho Americas Open et ShopRite LPGA Classic) aussi, parce j’adore cette ville et ma cousine va me rejoindre. Celui de Los Angeles (JM Eagle LA Championship). Le Dow Championship. L’idée, c’est aussi d’avoir des choses fun à faire à l’extérieur des parcours. Après, en Europe, ce qui est top c’est d’être qualifiée pour l’Evian Championship et le British parce que j’ai fini la saison dans le top 10 du LET (Ndlr, quatrième). L’Open de France ne figure pas dans mon calendrier parce qu’il aura lieu pendant le Walmart NW Ark Championship, un tournoi que j’adore et qui fait aussi plus de sens, géographiquement.
Le LET, c’est une communauté, la LPGA c’est chacun pour sa pomme. Il faut juste l’accepter.
G.P. : Avec Céline Boutier et Adela Cernousek, vous serez trois joueuses françaises avec des droits de jeu pleins sur le LPGA Tour cette année. Vous attendez-vous à ce qu’il y ait une émulation entre vous ?
PRB : Je trouve cela trop bien qu’Adela soit arrivée. Après, on s’est croisées en équipe de France et aux Cartes mais on est de générations différentes donc on ne se connaît pas. Ça va venir, quand on aura commencé à se côtoyer sur les tournois, si on arrive à se planifier des parties d’entraînement ou quelques dîners. Ça peut aller vite. Céline, elle, est discrète. Elle fait son petit bonhomme de chemin et quand on se voit, on se dit bonjour mais c’est tout. Ce n’est pas grave, parce que si l’autre réussit on a envie de monter dans le même train. Chacun fait son truc, en fait. Le LET, c’est une communauté, la LPGA c’est chacun pour sa pomme. Il faut juste l’accepter.
G.P. : Comment on se prépare à ça ?
PRB : On ne peut pas. Il faut le vivre, le prendre en pleine poire. Avoir des bases très solides et ne pas dépendre de ça, en fait. Moi qui me retrouve sur le LPGA Tour, je compte sur les doigts de la main les gens que je vais côtoyer. J’ai décidé de m’entourer de personnes qui ont un rôle important : mon caddie, qui a commencé à m’apporter beaucoup la saison passée, et mon copain, qui caddeye sur les tournois. Il y a quatre ou cinq autres personnes auxquelles je vais aller dire bonjour. Le reste n’a aucune importance.
Je suis focus sur des sports qui nourrissent mon envie de performer dans ma vie de tous les jours et dans mon golf.
G.P. : Vous avez récemment couru un semi-marathon en 1h49, et on peut suivre vos différentes activités sportives sur votre compte Instagram. Est-ce que c’est compatible avec une préparation physique pour le golf, ou complémentaire ?
PRB : Je ne me pose même pas la question, en fait. Je ne fais plus de sport pour le golf. Pas spécifique au golf, en tout cas, parce que ça ne me motive pas, ça ne m’amuse pas. Je suis focus sur des sports qui nourrissent mon envie de performer dans ma vie de tous les jours et dans mon golf. C’est pour ça que je me suis mise au Hyrox et à la course à pied, où j’ai aussi des objectifs. Cela fait plus de dix ans que je fais du MMA, de la boxe thaï, un mixte d’arts martiaux. Dès que je peux, David Baudrier (Ndlr, son préparateur physique) me rejoint sur les tournois et on fait de très belles semaines où on boxe ensemble et on fait des séances de sport.
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G.P. : Vous avez l’énergie, en tournoi, après ou avant une partie ?
PRB : Oui parce qu’en fait ce qui m’intéresse, c’est ça. Que je joue bien ou mal, ma vie à l’extérieur c’est d’être une athlète. Ce qui me fait plaisir et me motive, c’est ça, d’avoir cette discipline-là et cette constance dans la discipline de faire beaucoup de sport. Quand je vais en tournoi, je sais de mieux en mieux ce dont j’ai besoin, ce que je peux faire ou pas. Je ne suis pas figée dans un système. Ça veut dire que des fois, dans un tournoi, il va y avoir trois courses par semaine et quatre sessions en salle de sport. Ça donne l’impression d’être un petit peu chargé mais en fait, même si je suis à 60 % physiquement je serai à 160 % mentalement donc performante sur le parcours.
Photo : Pauline Roussin-Bouchard