Par Denis Machenaud
Il ne se passe pas une semaine sans qu’un problème de règles, plus ou moins aigu, ne se produise. La couverture médiatique du Golf étant ce qu’elle est aujourd’hui, toutes les caméras sont fixées sur les joueurs et ce serait folie de leur part que de se livrer à de la triche. La plupart, disons la quasi totalité, ne s’y risque pas. Mais il y en a toujours qui essaient de passer au travers, on les connaît sur le circuit mais la loi de l’omerta est… la règle !
Pourtant, des «affaires» sortent de temps en temps, éclaboussant jusqu’aux plus grands, l’unique Tiger Woods, pour ne pas le nommer, ayant été lui-même confronté à ce genre de situation. S’agissant seulement de lui, comment peut-on imaginer qu’il se soit laissé aller à un comportement fautif alors qu’il est littéralement cerné, du premier au dernier trou d’un tournoi, par les caméras télé et une horde de journalistes attachés à ses basques.
Étant tout sauf inconscient et respectueux de son sport, je ne pense pas que Woods ait commis sciemment une action fautive. Je pense également que les responsables de tournoi l’ont toujours sanctionné avec une certaine indulgence, une disqualification étant synonyme de cataclysme pour le golf professionnel.
Disons que, plus généralement, les stars du circuit n’ont jamais eu trop à se plaindre des décisions arbitrales.
Certains n’hésitent pas à rompre le silence, Brooks Koepka, lui-même, dont les déclarations sans ambiguïté ont provoqué une onde de choc.
On ne mesure sans doute pas encore tous les effets de ces affirmations mais on espère qu’elles auront des conséquences positives pour l’avenir du golf mondial.
Enfin, comment ne pas évoquer le dernier ouvrage d’un journaliste très connu aux États-Unis, qui étrille littéralement le Trump-golfeur… Mais ne soyons pas naïfs, ce type de manipulation balle en main n’est pas l’apanage du seul Président américain. D’autres s’y sont livrés, de façon plus habile sans doute, évitant toute publicité, alors que le locataire actuel de la Maison Blanche, lui, prend un malin plaisir à montrer son pouvoir et sa force, qui est aussi sa faiblesse.
Quand Koepka accuse Reed droit dans les yeux !
L’histoire d’une dispute entre deux grands champions américains et l’avis d’Alistair Tait, un des meilleurs journalistes, spécialistes du golf outre-Manche.
D’abord les faits : lors d’un tournoi de la PGA américaine, Patrick Reed a, à la vue de tous, amélioré le lie derrière sa balle. Il a écopé de deux points de pénalité alors qu’on aurait pu penser qu’il serait disqualifié. D’où la réaction sans ambiguïté de l’ex-numéro un mondial et vainqueur de quatre titres du Grand Chelem, Brooks Koepka, lors d’une déclaration qui a marqué les esprits des observateurs et, en particulier, le journaliste d’origine écossaise Alistair Tait, l’un des meilleurs experts du monde professionnel.
Déclaration de Koepka : «Oui, il a triché. Il a aplani le sable dans le bunker à deux reprises.» A-t-il vraiment triché ? lui demande le journaliste. «Bien sûr, rétorque Koepka, je me demandais ce qu’il faisait, il construisait un château de sable ? Quand on joue, on sait où se trouve son club, aucun doute là-dessus. J’ai arrêté le golf pendant trois mois et je peux vous garantir que je sais quand je touche le sable. Regardez bien la vidéo et vous constaterez comme moi qu’il écarte le sable deux fois puis, à nouveau, l’aplatit. Lorsque vous êtes golfeur, professionnel en plus, vous connaissez les règles. Vous savez qu’il n’y a pas la place pour s’arranger avec elles.»
Sauf que, commente Alistair Tait, précisément, «certains joueurs accommodent les règles à leur façon, d’autant plus facilement que les arbitres ne sont pas toujours très regardants et ne punissent pas les tricheurs comme il le faudrait, craignant pour l’image du golf qui doit être toujours radieuse».
Pourtant, le champion américain sait pertinemment ce qu’il risque en proférant des critiques contre le système. Un autre champion, certes un peu moins titré que Koepka, Cameron Smith, en a fait l’amère expérience lorsqu’il visa lui aussi Reed durant la Presidents Cup.
Il a quelques années, le grand Ecossais Colin Montgomerie fut soupçonné à l’open d’Indonésie 2005 d’avoir là aussi amélioré son lie en replaçant sa balle sur l’avant-green du trou n°14 après une interruption de jeu. Il argua d’une simple faute d’étourderie et fit seulement l’objet d’une réprimande sans conséquence. Classé 4e, Montgomerie eut l’élégance de faire don de ses gains (environ 35 000€) à une œuvre de charité. L’Anglais Gary Evans, qui avait été témoin de la scène, osa critiquer son comportement, il fut sévèrement châtié par le responsable du PGA Tour de l’époque, George O’Grady, lequel indiqua avec autorité que «le linge sale se lavait en famille».
Rideau. Enfin presque, un autre champion écossais, Sandy Lyle, remit le couvert quatre ans plus tard, tancé lui aussi par ses pairs Bernard Gallacher et le même O’Grady.
Et Alistair Tait de poser clairement la question : «Triche-t-on au golf ?» Réponse : «oui». «Le mal est-il répandu ?». Réponse : «Absolument pas». La preuve : on relève des cas –très rares cependant !- de joueurs exclus d’un tournoi. Mais l’affaire ne doit pas trop s’ébruiter pour l’image du golf qui doit rester celle d’un «sport propre», le plus honnête de tous.
Et, pour cela, on ne doit pas mordre la main de celui qui vous nourrit.
Et le journaliste de conclure : pourquoi le monde du golf professionnel a- t-il si peur du «C World», le «C» étant en anglais la première lettre du mot «triche» (cheating), comme si ce vocable signifiait la honte tout simplement ? Pour toutes les raisons évoquées plus haut bien sûr !
Les affaires qui ont secoué le monde du golf
Le premier d’entre eux : Tiger Woods en personne !
Comme une petite tempête qui s’abat et revient de temps à autre, le circuit PGA aux États-Unis et parfois européen, doit essuyer quelques déboires, l’obligeant à faire le gros dos en attendant des jours meilleurs. Ce fut le cas lorsque l’immense champion qu’est Tiger Woods fut soupçonné en 2013, alors même qu’il venait de remporter cinq tournois et être sacré «joueur de l’année»… une fois de plus ! L’affaire qui prit vite la tournure d’un scandale et faillit tourner au vinaigre pour l’ensemble des parties en présence, aurait pu être «une affaire parmi d’autres», sauf que, en l’espèce, on s’attaquait à l’icône, Tiger Woods en personne.
Au début de la saison, lors d’un tournoi à Abu Dhabi, Woods avait considéré qu’il pouvait bénéficier d’un «free drop», sa balle étant placée dans un endroit sablonneux. Erreur ! L’arbitre, en effet, considéra que Tiger n’avait pas droit au «free drop» et lui infligea deux points de pénalité. Un détail qui n’en est pas un : du coup, l’Américain rata le «cut».
Mais ce n’était rien par rapport à ce qui allait se passer quelque temps plus tard, au Masters précisément, lorsqu’au trou n°15, le champion droppa sa balle au mauvais endroit. Là encore, Woods passa près de la correctionnelle, subissant deux points de pénalité –mais non la disqualification- qui eurent pour effet très probablement de le priver de la victoire. Il est savoureux de noter qu’il avait déjà signé sa carte, fausse donc, lorsque la pénalité lui fut adressée !
Et comme «jamais deux sans trois», à l’automne, lors d’un tournoi à Chicago, Woods commit une nouvelle erreur «de débutant» en faisant malencontreusement bouger sa balle, faisant le vide autour d’elle. Pour sa défense, il invoqua le fait que la balle, certes, avait bougé mais qu’elle était revenue à son point de départ. Un point de vue différent de l’arbitre qui lui infligea là encore deux points de pénalité. Tiger Woods réagit vertement à cette sanction. A posteriori, on peut penser que sa réaction négative voulait démontrer qu’on le traitait comme un golfeur lambda, un tricheur véritable et ça, lui l’incontestable numéro un mondial, il ne pouvait l’accepter.
Alors, si même les plus grands champions font parfois preuve d’une grande légèreté, comment ne pas comprendre et souvent excuser les erreurs commises par les amateurs dans le même type de situation.
«Il y aurait un tricheur notoire sur le circuit américain et tout le monde le connaît.»
C’est ce que prétendait déjà en 2017 un joueur pro du circuit de la PGA américaine dans un billet anonyme publié sur le site de Golf Digest.
Cette année là, Lexi Thompson avait été sanctionné encore une fois pour un mauvais replacement de sa balle. Le gaucher Mickelson renchérissant en disant qu’une vingtaine de golfeurs faisaient régulièrement de même –bonjour l’ambiance !-
Ce golfeur anonyme prétendait qu’il y avait une «pomme pourrie sur le circuit… Et tout le monde sait de qui il s’agit ; » Diantre !
Ce joueur utiliserait une «technique ultra rapide» lui permettant de replacer sa balle sans être vu. Pour semer quelques indices, ce joueur porte des pullovers amples et à l’aide d’un long fer utilisait la technique de «l’anchoring» qui permet d’enfoncer la manche du club dans son estomac pour mieux le fixer. Technique désormais interdite.
Alors, à vos jeux pour trouver le nom de cet illustre joueur à la réputation sulfureuse parmi ses pairs, sans jamais avoir été dénoncé ouvertement.
Du côté des pros français
Raphael JACQUELIN
« Le problème de la triche est, disons, un sujet délicat ! Pour ma part, je n’ai jamais eu à me plaindre de ce côté là ni confronté à une histoire lors d’une partie. Je sais qu’l y a eu des histoires dans différents tournois où j’étais présent mais je n’en ai jamais été témoin.
Concernant une règle, j’ai toujours pensé qu’une balle plantée dans un divot sur le fairway pourrait être replacée, ne pas pouvoir le faire ne me paraît pas très fair-play mais c’est un avis personnel »
Patrick BARQUEZ
Joueur professionnel de circuit /Responsable du Golf Professionnel à la FFG / consultant Canal Plus
«Chez les pros, il n’y a pas que la triche de jeu, il y en a bien d’autres»
Golf Planète : Quel est votre avis sur les diverses affaires qui ont récemment traversé le circuit Pro international ?
Patrick Barquez : Je ne vais pas vous parler des triches de joueurs sur les différents circuits professionnels, sur des triches réelles ou suspicion de triche ; dans tous les cas, le joueur ou les joueurs incriminés ne sont pas épargnés par le microcosme du golf professionnel.
Disons que, pour la plupart, ils ont une étiquette à vie, certains continuent de faire leur métier sans complexe et sans doute !! Mais j’imagine, cela n’est pas simple !!
Le cas le plus récent sur le Tour Européen est le cas de Simon Dyson (joueur anglais) sanctionné par le Tour Européen de 6 mois de purgatoire en attendant de dénouer l’histoire. Il était accusé de ne pas avoir remis sa balle au même endroit après l’avoir marquée sur le green. Cela s’est reproduit plusieurs fois !
Il a été dénoncé par la télévision et aussi par certains collègues.
Mais, pour nous, les triches les moins visibles et les moins concrètes sont deux triches différentes.
La première est sur le physique où l’on voit clairement des changements importants dans la morphologie de certains joueurs en quelques mois. La mentalité et les règles ne sont pas les mêmes en Europe et aux USA. On le sait, il y a des produits autorisés aux Etats Unis et interdits en Europe (en France en particulier).
Ces produits permettent de prendre du volume physique et de supporter plus de charge de travail, ils procurent aussi un supplément de valeur mentale qui transcende, vous vous sentez fort en vous-même ! Néanmoins, il faut rester modéré car il n’est pas prouvé qu’être un « golgote » en golf fait de vous le meilleur, il y a d’autres facteurs qui entrent en ligne de compte. Mais la réalité est ainsi : Brooks Koepka a longtemps été numéro un mondial !!! De là à dire, encore une fois, on ne peut rien affirmer sans preuves…
Le deuxième concerne le matériel, les joueurs peuvent être manipulés par les marques et leurs équipementiers. Eux aussi toujours à la course de la dernière technologie et, parfois, aiment flirter avec les règlements élaborés par le R&A et l’USGA afin de normer les règles, normer tous les matériels afin que chacun puisse avoir sa chance et jouer a égalité !
On se souvient du bois 3 de Phil Mickelson avec effet trampoline non autorisé par le règlement, comme récemment le «pauvre» Xander Schaufelle qui jouait un driver non homologué, à son insu, lui procurant plus de puissance !! Au passage, un tournoi qu‘il a gagné.
Golf Planète : Avez-vous en mémoire une anecdote savoureuse qui vous soit arrivée personnellement ?
Patrick Barquez : Il m’est arrivé de jouer un jour avec une personne qui, dès le premier trou, a enroulé sa balle sur une mise en jeu dans une zone boisée, il n’a pas souhaité remettre de balle provisoire. Nous partons donc à la recherche de cette balle. Après quelques minutes (à l’époque on avait 5 minutes) il trouve sa balle, j’étais à 20 mètres devant et en marchant je tombe sur une balle, c’était sa propre balle, même marque et même numéro !!! Je n’ai rien dit, je vous laisse imaginer ce qui s’est passé ! Pour l’anecdote, j’ai tout de même remporté le match, l’honneur était sauf…
Du côté des Médias
Christian LEDAN
Journaliste CANAL PLUS
Nous lui avons posé également quelques questions. Il a bien voulu nous répondre :
«J’ai bien pris connaissance de vos questions mais après réflexion je ne me prononcerai pas sur ce sujet… Je n’ai pas la légitimité pour le faire car je ne suis ni joueur ni caddy ni arbitre et encore moins organisateur de tournoi.
Même si mon rôle de journaliste et d’observateur privilégié de premier plan m’a permis d’assister à certaines situations ainsi qu’à entendre quelques témoignages depuis 22 ans dans cet univers, je crois, en toute humilité, que c’est un sujet sur lequel il faut investiguer pour avoir un tout petit aperçu de la situation… »
Les révélations sur le Président des États-Unis golfeur
La compétition entre l’ancien président Bill Clinton et Donald Trump pour le titre envié de «plus grand tricheur sur un parcours de golf» est à la fois surréaliste et pleine d’enseignements.
De nombreux Présidents américains ont taquiné la petite balle blanche, aussi bien côté républicain que démocrate d’ailleurs. L’ancien gros frappeur, John Daly, précise que «Bill Clinton est plus fort dans cet exercice que Donald Trump». Peut-être mais cela se sait moins…
En toute hypothèse, personne plus que l’actuel locataire de la Maison Blanche, Donald Trump, n’a fait autant parler de lui en tant que golfeur. Pourtant, il avait promis qu’il ne passerait que peu de temps sur les fairways durant sa mandature. Un pari difficile à tenir puisque l’on sait aujourd’hui qu’il a joué pas moins de 173 fois –et probablement plus au moment où l’on écrit ces lignes– ce qui lui permet d’avoir un bon niveau probablement, peut-être pas assez cependant pour laisser croire qu’il a battu Tiger Woods en personne ou d’autres partenaires de jeu.
Cette médiatisation du Président par rapport à son sport favori est-elle un bon signe pour le Golf en général ? A vous de juger. Par contre, les frasques dont il serait l’auteur sur les greens sont nettement moins à son avantage et pour tout dire devraient contribuer à la détérioration de son image. Le livre «Commander in Cheat» (le Commandant en triche) allusion au «commandant en chef», récemment publié par un journaliste du magazine sportif numéro un outre Atlantique, Sports Illustrated, le dénommé Rick Reilly, est un énorme pavé dans la mare, décoiffant devant tant de cynisme affiché sans vergogne. Rien n’est épargné au président. Contentons-nous d’une seule anecdote : lors de sa partie avec Woods, Donald Trump rate son départ –personne n’est parfait !- et met sa balle dans l’eau. Il en remet une, même échec. Sans perdre son calme, il prend le volant de son buggy, et, l’air de rien, sort discrètement une balle de sa poche. On ne connaît pas le résultat de la partie mais le joueur Trump indiqua avoir joué «comme Tiger Woods»…
Bien d’autres histoires sont racontées démontrant à l’envi que le Président ne peut pas perdre, fut-ce au golf et que tous les moyens sont bons pour parvenir à ses fins ! Bon…
Il n’en fallait pas plus pour que Donald Trump soit affublé du titre de «vilain petit canard du golf». Le sobriquet était tentant. Mais, en fin de compte, faut il en rire ou en pleurer ?
Terminons en disant que le Président Trump a joué avec de nombreux champions, tous très heureux et très fiers d’avoir partagé une partie avec le premier personnage de l’État. Koepka est le dernier à avoir répondu à son invitation, après Tiger Woods, Jack Nicklaus, Rory McIlroy, Dustin Johnson, Annika Sorenstam, Gary Player, Lexi Thompson, Justin Thomas, Ernie Els, Bryson DeChambeau, Hideki Matsuyama et John Daly. Preuve du respect que la fonction inspire toujours. «Peu importe vos choix politiques, c’est le Président des États-Unis. Je respecte l’homme élu, quel qu’il soit. L’homme le plus puissant du monde. Respect… » a conclu Koepka (voir son interview lors de notre précédente édition).
Donald Trump n’est pas le premier à agir de façon très «personnelle» sur les greens. On se souvient naguère d’un certain roi du Maroc, golfeur également qui, outre qu’il faisait fermer totalement le parcours de Morfontaine lorsqu’il venait avec ses affidés, ne prenait jamais la peine de putter à moins d’un mètre, «donné» était toujours la réponse. Idem pour quelque président français, comme si putter n’était pas au moins aussi important que le reste du jeu. De là à parler de triche, non, disons qu’il s’agit plutôt d’un comportement peu convenable, à proscrire pour le golfeur «normal».
A suivre prochainement le troisième volet de notre grande enquête avec une histoire incroyable racontée par sa victime, Richard Wax, grand connaisseur de golf. A ne pas rater !