Golf Planète a rencontré Jean Garaialde, le jour de son anniversaire, à Chantaco au Pays basque. Le plus grand champion français de tous les temps – avec le Biarrot Arnaud Massy dont le père de Jean fut l’assistant – nous a accordé une interview passionnante que nous avons le plaisir de vous transmettre. Jean Garaialde, après avoir dégusté une omelette aux cèpes de saison et au jambon de Bayonne poêlé accompagnée d’un verre de Bordeaux, s’est échappé au practice pour conseiller les jeunes joueurs de l’école de Chantaco !
Un exemple de gentleman golfeur, discret, passionné et toujours élégant.
Jean Garaialde, 86 ans : passion, travail, discrétion. Les leçons d’une vie du plus grand champion français de golf. On pourrait ajouter « élégance » comme l’aurait suggéré son ami Gary Player, son cadet de 8 mois.
Pour les fans qui habitent en région parisienne, vous pourrez retrouver Jean à l’inauguration du stade d’entrainement du Golf National le mercredi 14 octobre prochain. Allez saluer le plus grand golfeur français !
Je vis à Ciboure où je suis né le 2 octobre 1934
Golf Planète : Jean Garaialde, comment allez-vous ?
Jean Garaialde : Je ne me plains pas. Je viens d’avoir 86 ans, aujourd’hui vendredi 2 octobre, et je profite toujours de la vie au Pays basque. J’ai quitté ma maison d’Ascain pour vivre en appartement, le long de la Nivelle près du golf, à Ciboure qui m’a vu naitre. Je joue encore parfois 9 trous avec des amis. Mais la crise sanitaire nous a perturbés…
J’ai 8 mois de plus que mon ami Gary Player que j’admire toujours pour sa santé physique et mentale. Jack Nicklaus m’a paru plus fatigué ces derniers temps. Je me souviens de Gary arrivant à La Boulie après un cut manqué à l’Open. « J’ai été reçu comme un chien par la presse britannique, m’avait-t-il confié. Elle m’avait jugé sur mes pantalons trop longs, mes pulls démodés etc. Je mettais ce que j’avais, moi le fils de mineur sud-africain ! ». Et il avait ajouté : « John, je vais leur montrer ce que je suis capable de faire ». Et il l’a fait.
Un exemple toujours pour moi aujourd’hui. Se battre avec volonté en travaillant. Cela me rappelle quand mon père Raymond m’a envoyé à 19 ans à Royal Birkdale, suite à une invitation de Henry Cotton, pendant plusieurs mois pour apprendre le golf et la vie… Cette même année, j’ai représenté la France à la Coupe du Monde à Montréal.
Les secrets de ma réussite ? la passion du golf, la ténacité et la discrétion
Golf Planète : Vous restez le golfeur français le plus capé de toute l’histoire : à quoi attribuez-vous cette réussite ?
Jean Garaialde : J’ai emporté effectivement 84 victoires et 17 titres de champion de France. J’ai aussi représenté 25 fois la France au championnat du monde. Petit, mon rêve était de gagner une fois l’Open de France et d’être une fois champion de France. J’ai pu dépasser ce rêve. Et même battre Jack Nicklaus lors de l’Open de Suède en 1970. L’exploit de ma vie !
Plusieurs raisons m’ont permis de réaliser ce palmarès : mais d’abord, et loin devant, je parlerai de ma passion pour le golf. On ne réussit que ce que l’on aime. À 16 ans, j’étais pro et mon premier succès à Valescure a été obtenu avec des clubs … de femmes de marque McGregor que mon père responsable du proshop de La Boulie m’avait donnés en disant « Tu vas jouer et gagner avec ces clubs ».
Mon père Raymond qui, outre son fils, a formé une autre grande vedette du golf : la grande championne Catherine Lacoste vainqueur de l’US Open à 19 ans alors qu’elle n’était qu’amateur. Je dois tout à mon père qui a cru en moi et au club de Chantaco de la famille Lacoste.
Les autres qualités que je me reconnais sont la ténacité et la discrétion. J’allais de l’avant toujours, avec une volonté farouche et une réserve naturelle.
Laissez-moi citer encore Gary Player qui m’avait dit un jour : « John, tu es le meilleur joueur français. Tu as porté les couleurs de ton pays dans le monde. Tu n’as pas besoin de te présenter : les gens savent. Et en plus, tu es le plus élégant ! ».
Je ne connais pas de sport plus exigeant, plus ingrat
Golf Planète : Si vous deviez présenter le golf à quelqu’un qui le connaît pas ou peu, que lui diriez-vous ?
Jean Garaialde : Je lui dirais que le golf c’est, avant tout, un sport. Rien ne me fait plus sourire que les réflexions banales affirmant que c’est un sport de vieux. Je ne connais pas de sport plus exigeant, plus usant et fatigant sur le plan physique et psychologique quand on le pratique en compétition. Jouer pendant 4 jours, 4 heures à la suite, sachant que chaque coup compte ! Trouvez-moi un sport plus difficile ! Il faut se donner à fond en permanence sans jamais se débarrasser d’un coup. Ce qui donne des fins tragiques parfois : comme ces derniers putts de 70 cms manqués à l’Open ou au Masters pour enlever un Majeur !
Un sport ingrat : on ne sait jamais au départ ce qu’on va faire. Croyez-vous que Rory McIlroy, chez lui à Portrush, lors d’un récent Open, aurait imaginé une seule fois que le premier jour, sur le trou n°1, il allait mettre deux balles dehors et faire 8 sur un par 4.
Un sport ingrat ! Pour lequel nous avons la plus grande passion….
Vous comprenez alors mes 40 ans passés dans des compétitions nationales et internationales auxquelles j’ai mis fin lors du dernier Lancôme.
Le travail, le travail, le travail
Golf Planète : Quelle est votre vision de l’évolution du golf ?
Jean Garaialde : Tous les sports évoluent. Le golf aussi. Dans le bon sens parfois : les parcours n’ont jamais été aussi beaux, aussi praticables. Il y a également de plus en plus de compétitions et tant mieux pour les joueurs pros qui gagnent bien leurs vies.
Sur d’autres plans, on peut se poser des questions sans que l’on ait aujourd’hui des réponses. Jusqu’où pousser la recherche de la performance en matière d’équipements, en apports nutritifs ou para-médicaux extérieurs ? Il y aura toujours des DeChambeau : mais qu’on se rassure, ils resteront toujours des êtres humains et ne réussirons pas à devenir des machines. Et c’est bien comme ça. DeChambeau est un très bon joueur mais ce n’est pas un exemple pour moi. Qu’est-ce que sera DeChambeau dans 20 ans ?
Comme dit encore Player, les trois conditions pour réussir seront toujours : le travail, le travail, le travail.
Les joueurs d’aujourd’hui, trop entourés, ne sont pas assez seuls
Golf Planète : Et le golf professionnel français ?
Jean Garaialde : À mon âge, je peux me permettre de parler. J’ai dit très récemment à Pascal Grizot : le golf moderne exige toujours et d’abord un amour de ce sport, une volonté personnelle accompagnée d’humilité.
Bien entendu, c’est bien d’avoir comme tous les joueurs aujourd’hui, des entraineurs, des préparateurs physiques, des coachs mentaux, des kinés, et d’autres personnes chargées de leur préparation… Les joueurs oublient alors de se regarder, de se retrouver face à eux-mêmes, de s’endurcir… On apprend à gagner d’abord seul. Les joueurs d’aujourd’hui dépendent trop des autres. Il faut savoir se corriger tout seul. Le clé de la réussite est là.
Mais bizarrement, dans ma vie, la Fédération ne m’a jamais demandé mon avis ou mes conseils en la matière.
Je suis admiratif d’un pays peu peuplé comme la Belgique qui nous donne des Pieters, des Detry ou des Colsaerts… Comment font-ils ?
Old Course, Kingbarns, Cypress Point
Golf Planète : Quels sont le parcours que vous aimeriez rejouer ?
Jean Garaialde : Deux parcours me viennent à l’esprit : l’Old Course de Saint-Andrews où j’avais rendu une carte de 64 lors du premier tour d’un Open pour prendre la tête du tournoi !
Et le magnifique Kingbarns dessiné par Kyle Phillips qui n’est pas loin..
J’ajouterai Cypress Point pour son exceptionnel trou n°16, un par 3 de plus de 200 mètres où l’on doit prendre un drive pour sauter l’océan en cas de vent… Le plus beau trou du monde.
Propos recueillis par Roland Machenaud
Photos : DR. Jean Garaialde à Chantaco