Un reportage de Kristel Mourgue d’Algue
Flâner sur l’Avenue Alvear en plein cœur du quartier de la Recoleta de Buenos Aires et se transporter près d’un siècle en arrière…
Cinquième puissance mondiale au début du 20ème siècle, l’Argentine se remet progressivement de dictateurs corrompus qui s’évertuèrent à la ruiner. Les nombreux parcours de golf présents, véritables oasis plantées dans un univers parfois irréel, s’inscrivent en témoins de ces années fastes, gages d’espoir d’un retour à la normale dans un pays si attachant.
« Un argentin est un italien qui parle espagnol mais réfléchis comme un anglais »
La création de clôtures barbelées, de l’éolienne de pompage et du bateau réfrigéré au début des années 1900 contribua à développer les exploitations agricoles et à faire de ce pays le 2ème exportateur de viandes au monde après les USA. Une immigration européenne alors soutenue venue sur des embarcations de fortune à la recherche de la terre promise, explique son influence culturelle, ressentie encore aujourd’hui. Pour beaucoup, « un argentin est un italien qui parle espagnol mais réfléchis comme un anglais ».
Si l’Argentine obtint son indépendance de l’Espagne le 25 mai 1810 et devint une République en 1816, le premier coup militaire eut lieu en 1930 et marqua la fin de son Age d’Or. Les différents despotes successifs se révélèrent autant de catastrophes annoncées dont le Président Mauricio Macri s’évertue tant bien que mal de se relever depuis 2015.
Encore un Écossais
Fort heureusement un écossais (encore un !), Henry Smith, posa un pied en Argentine en 1890 et y introduisit le golf pour la première fois. Quelques décennies plus tard, le génial architecte écossais, Alister MacKenzie (1870-1934), infatigable globe-trotter, navigua sur les océans pendant deux semaines depuis la Californie pour bâtir des tracés fer de lance de tout un continent. Alors que les Etats-Unis se remettaient péniblement de la crise de 29, MacKenzie saisit l’opportunité de démontrer son talent dans un pays en plein essor! Ainsi le magicien des parcours, spécialiste du camouflage, y réalisa quelques parcours avec l’aide de son fidèle disciple, l’ingénieur américain Luther Koontz, tel que le Jockey Club ou encore Los Olivos, à quelques encablures de la capitale. A l’heure actuelle, 320 golfs se déploient sur le territoire, soit le plus grand nombre d’Amérique latine, assortis de 100,000 aficionados. Des tracés modernes ont vu le jour mais aucun n’égale le brio du « Good Doctor* » MacKenzie. L’ingéniosité de ces dessins établirent les fondements de l’architecture golfique dans cette partie du monde, comme en témoigne le remarquable trou numéro 10 du Jockey Club. Par 5 apparemment indolore, le golfeur peut se retrouver fort agréablement au bord du green en deux et ressortir avec un douloureux double bogey après avoir tenté l’ascension de l’Aconcagua ! Et puis il y a le charme désuet du plus ancien club du pays, San Andrés ou l’humble réplique de St Andrews. Oeuvre de l’écossais Mungo Park (1877-1960) en 1907 dont les greens ont été repensés par… Luther Koontz. Niché au milieu d’un des quartiers les plus mal famés de la banlieue, la légende veut que le club ait improvisé un « accord » avec les trafiquants locaux pour une libre circulation des golfeurs… Le temps est suspendu à la grille de l’entrée, Roberto de Vicenzo (1923-2017), membre honoraire et argentin le plus titré avec 250 victoires à travers le globe dont un British Open en 1967, pourrait encore se trouver au départ du 1…
Les trois gloires du golf argentin
De Vicenzo fut la tête de prou du golf professionnel argentin même si la signature d’une carte incorrecte l’empêcha de prétendre à un play-off lors du Masters de 1968. Eduardo Romero et Ángel Cabrera firent également belle figure sur le circuit américain avec notamment une victoire à l’US Open en 2007 et au Masters en 2009 pour ce dernier. La jeune génération est bien représentée en la personne d’Emiliano Grillo, 26 printemps et 55ème au classement mondial.
Quant au Latin America Amateur Championship, créé en 2015 à l’instar du tournoi en Asie-Pacifique pour favoriser le développement de ce sport, il constitue de nouveau une initiative brillante du triumvirat R&A, USGA et Augusta National. Le vainqueur peut ainsi prétendre au départ du 1 du Masters, du British et de l’US Amateur et échapper aux redoutables pré-qualifications de l’US Open et de l’Open.
Le panache argentin
Le panache argentin se retrouve de même dans le polo ou encore le tango qui célèbrent l’élégance sportive. Mais une pratique plus large du golf, symbole de réussite de la classe moyenne, serait révélatrice du redressement du pays et gage de confiance pour des investisseurs dont les capitaux ont trop souvent fui le territoire. ¡Vamos Argentina!
*1 Alister MacKenzie avait été médecin pendant la 2ème Guerre des Boers (1899-1902) auprès des britanniques.