La Chronique d’Ivan Morris
Augusta 2021. Parlons d’abord du parcours. Dans ma vie, j’ai eu la chance d’assister deux fois au Masters : en 1966 et en 1981. Lors de ces deux semaines, j’ai dû passer au moins huit heures par jour à marcher sans arrêt, foulant chaque centimètre carré de ce parcours mythique. Je m’en souviens parfaitement. Et j’avoue que ce que je vois à la télévision aujourd’hui est totalement différent. Je ne peux pas m’empêcher de déclarer que je n’aime pas autant le parcours de golf d’Augusta National qu’autrefois : tout cela parce que les arbres ont tout envahi et que trop de trous semblent excessivement étroits et encombrés. Oserais-je dire qu’Augusta est devenu moche ? Pire : Augusta est également devenue trop long et trop artificiel à mon goût. Deux balles peuvent atterrir au même endroit et se retrouver à une douzaine de mètres l’une de l’autre. Les bunkers, surtout à côté des greens, sont trop grands et disproportionnés. En fait, tout est disproportionné. Le conditionnement artificiel est excessif, les arbustes colorées trop voyants et les greens donneraient des cauchemars à n’importe quel champion. Les traits tirés de Justin Rose à la fin de chaque tour en étaient une preuve suffisante. Bobby Jones, réveille toi, ils sont devenus fous !
Mais revenons au Masters 2021 : peut-être ai-je vieilli et je supporte mal les horaires tardifs ? Peut-être avais-je trop marché dans la journée dans la perspective de rester assis plusieurs heures . Mais j’avoue m’être endormi devant la télévision, peut-être fatigué. Un point technique positif : j’ai découvert le mode expert qui m’a permis de suivre le joueur que je souhaitais suivre. Un système pratique qui devrait être généralisé au plus tôt. Quelle merveilleuse innovation qui permet de s’affranchir de commentaires sans imagination ni expertise où l’hyperbole remplace la connaissance.
Bryson DeChambeau pas si intelligent que ça ?
Avant le tournoi, Bryson DeChambeau a dit au monde entier qu’il attaquerait les neuf premiers trous en coupant les trajectoires et jouerait les neuf derniers de manière orthodoxe sur un parcours qu’il a évalué comme un par 67 ! Le parcours s’est retourné contre lui : et si le «savant fou» n’était pas si intelligent après tout ? En fait, il n’est peut-être même pas assez malin pour penser pouvoir intimider un terrain de golf aussi subtil et stratégique qu’Augusta National. Bobby Jones et Alister MacKenzie ont dû bien rire aux frais de DeChambeau.
J’ai également étudié chaque coup que Rory McIlroy a joué lors des deux premiers jours. Et bien, il n’a pas mal joué du tout ! Il n’est vraiment pas si loin de son meilleur niveau. Un putt raté ici ou là et un mauvais coup éliminé auraient suffi à faire une grande différence. Je pense que ce dont Rory a besoin, c’est de se reposer et de discuter en privé avec un gentil mentor qui lui dira de laisser son swing tranquille et de ne plus jouer jusqu’à ce qu’il se sente «affamé de golf». Rory sait jouer au golf. Il n’a pas besoin d’un entraîneur pour lui dire comment frapper une balle de golf ou gagner des tournois. Il a laissé son esprit s’encombrer de trop d’informations inutiles : le mieux pour lui serait de prendre du recul, de se détendre et de revenir la tête vidée de soucis et d’interrogations.
Une victoire japonaise attendue depuis longtemps
La première victoire dans un Majeur de Hideki Matsuyama pour le Japon était attendue depuis longtemps mais Augusta ne couronne jamais ses champions sans les soumettre à une extrême anxiété qui fait partie des droits de passage. C’est vrai que ce n’est pas fini tant que ce n’est pas fini. Peu importe maintenant que Matsuyama ait touché moins de fairways et de greens que presque n’importe quel autre vainqueur. Son 65 du samedi a peut-être été sans bogey mais il n’a touché que cinq fairways et 12 greens.
On a même eu peur pour lui quand dimanche il a fauté sur le 15 et quand il a balancé son deuxième coup au 18 dans le bunker. Un coup qui rappelait le souvenir de l’effondrement terrible d’Arnold Palmer en 1961. N’ayant besoin « que » d’un par pour gagner, Arnie s’est retrouvé dans le même bunker que Hideki et a fini par terminer avec un 6, ce qui a permis à Gary Player d’enfiler la première de ses trois vestes vertes.
Hier, le peuple du Japon passionné de golf ne s’est pas soucié du comment ! Et pourquoi le devrait-il ?
Leur idole porte une veste verte. Avec fierté et classe.
Ivan Morris