195 centimètres sous la toise, Thomas Daniel Weiskopf est, sans aucun doute, le plus grand architecte du golf contemporain… Quant à ses parcours, nombre d’entre eux sont à la hauteur sans faire de bruit. Ça nous change.
Touring pro dans les années 60/70, c’est un sérieux client face à Nicklaus, Player, Miller, Trevino ou Palmer pour les titres majeurs.
Surnommé « Tour Infernale », très imbu de sa personne, Tom Weiskopf pète souvent les plombs, mais se forge un palmarès enviable (25 titres).
Vainqueur de The Open en 1973, quatre fois second du Masters, manquant la veste verte d’un rien en 1975 au 72e trou abordé sur un drive d’une incroyable longueur, après une bagarre sans nom face à Nicklaus et Miller.
Second encore de l’US Open 1976, un podium au PGA Championship et le trophée de l’US Senior Open 1995, mettant quatre coups dans la vue de « golden bear »… avant de tirer sa révérence aux tournois.
Une fidèle compagne
Longtemps Tom Weiskopf n’était pas en odeur de sainteté auprès de la presse et des autorités un peu coincées, sans doute parce qu’il ne leur portait que peu de considération.
Puis, à peine sorti du dernier trou, il filait à l’anglaise retrouver une fidèle compagne, la bouteille d’alcool dont il abusait jusqu’à plus soif, c’est sûr.
Invétéré solitaire, j’ai alors apprécié de travailler en groupe
Mais il ne se mettait jamais dans un état second sur le parcours jusqu’à ce 2 janvier 2000 où, un bout de lucidité retrouvée sans raison précise, il lâchait la bouteille, enfin conscient de l’inutilité de son état.
Nouveau millénaire, nouvelle vie
Cette légende du golf devient enfin sage, l’est toujours et porte joliment ses 79 ans aujourd’hui.
Pour ses 42 printemps, enfin sous contrôle, il imagine son avenir dans la conception de parcours, ne sachant alors que les tutoyer de ses clubs. «Je n’avais rien à perdre. Sans réussite au bout d’une année ou deux, je pouvais toujours revenir en tournoi. Mais j’ai beaucoup aimé. Invétéré solitaire, j’ai alors apprécié de travailler en groupe. Depuis, j’ai signé près de 80 parcours.»
En 1985, sollicité pour produire ses premiers dix-huit trous en Arizona, et se trouvant trop juste, il s’associe à Jay Morrish, longtemps au studio Jack Nicklaus.
Talent imprévu
En une douzaine d’années, ce binôme éclabousse le Top 100 mondial d’un talent rappelant les maîtres Mackenzie et Ross.
Sur sa carte de visite, Weiskopf épingle l’Olympic Club de San Francisco, le TPC Scottsdale et, en 1993, Loch Lomond (Ecosse) canonisé “No 1 inland parkland course” du Royaume Uni.
Jay Morrish, emporté par une crise cardiaque en 2015, Tom Weiskopf s’associe à Phil Smith passé par les studios des Jones, Fazio et Nicklaus.
Parcours pas compliqués mais malins
Depuis, marqué par une démarche sérieuse sans poudre aux yeux dans ses conceptions, la recherche constante de la qualité, le total respect du site, Tom Weiskopf signe une vingtaine de parcours des plus réussis, aussi divers que Pinnacle et Monument à Troon North près de Phoenix, The Dunes (Chine), Castiglion del Bosco, un bijou en Toscane.
Quel plaisir d’entendre ses avis, ses idées ou ses positions tranchées sur nombre de sujets touchant au golf, exprimés de façon simple, sans la langue de bois habituelle de cette profession.
Je n’ai jamais supporté la médiocrité
Tom… Un titre majeur, de nombreux succès internationaux, deux Ryder Cups victorieuses, des podiums à profusion, et vous n’êtes encore pas intronisé au “Hall of Fame”, le panthéon du golf. Vous fait-on la gueule un peu à votre façon dans le temps?
«Je n’ai jamais supporté la médiocrité, ce que j’ai pu exprimer avec émotion et une certaine véhémence à une autre époque. Mes victimes n’ont pas la mémoire courte. A mon âge apaisé, revenir sur cette piteuse attitude pour la corriger est impossible. Idem pour mes grossières erreurs comme le rejet d’une sélection en Ryder Cup 1977, lui préférant une partie de chasse en Alaska, une connerie parmi d’autres que je regrette».
Cette image infernale, l’avez-vous introduite dans la conception de vos parcours?
«Non, je suis plutôt conservateur. 90% des golfeurs ne battent pas 90 sur dix-huit trous et deux tiers d’entre eux rarement 100. Cela laisse un tout petit nombre jouant 80 ou moins. Le golf est très difficile à manier et j’en tiens compte. C’est pour cela que nous en sommes captifs dès qu’un drive, un trou, un parcours, un tournoi nous réussit, nous faisant croire que la quadrature du cercle est réalisée. Dans cet esprit, je ne complique pas, mais fais appel – comme MacKenzie ou Ross avant moi – à des subterfuges, des détails qui interrogent et donnent un profil à part à chacun de mes parcours.»
un 19e trou proche du club-house, un court Par 3 pour disputer un play-off
«Par exemple, j’introduis le plus souvent un “driveable hole”, un par 4 de 270 à 300 mètres qui peut être atteint sur un coup parfait du départ. Une gageure. Autre originalité, je pousse à la création d’un 19e trou proche du club-house, un court Par 3 pour disputer un play-off ou jouer l’apéritif. Un vrai succès! » dit-il. Et quand on s’étonne de ne pas voir son nom cité plus souvent aux premières loges des classements après de tels grands parcours, il sourit. « Je suis très heureux d’être second. Pourquoi être obnubilé par la victoire quand est second? J’adore être second.»
Photo credit: Aidan Bradley, TW, ph.M. Newman