Notre ami irlandais Ivan Morris, un des plus grands spécialistes du golf – avec un handicap à un chiffre depuis 60 ans : qui dit mieux ?? -, nous emmène aujourd’hui dans le nord de l’Espagne, sur la côte cantabrique près de Santander, à Pedreña où est né et mort Seve Ballesteros.
Hommage 10 ans après la disparition à 54 ans de l’immense champion admiré sur tous les continents par les passionnés de ce jeu qu’il a commencé à pratiquer sur la plage avec un vieux fer 3 rouillé offert par son oncle.
En guise de reconnaissance éternelle.
Mon pèlerinage à Pedreña
Par Ivan Morris
Certains vont à la Mecque, d’autres à Lourdes, d’autres encore à la Chapelle Sixtine ou à Saint Jacques de Compostelle en suivant « le camino ».
Ma femme et moi, nous préférons nous rendre à Pedreña, ce petit village de pêcheurs du nord de l’Espagne qui abritent 1 500 âmes à 18 kilomètres de Santander par la route et bien moins par la mer. La baie de la ville portuaire se cache à l’abri des montagnes cantabriques.
Avril 1957 / Mai 2011
C’est ici à Pedreña qu’est né, en avril 1957, Seve Ballesteros, où il a grandi, où il est allé à l’école et où il a appris à jouer au golf. Il n’a jamais vécu nulle part ailleurs tout au long de sa vie.
La plage de sable doré s’étend sur des kilomètres. Le voyage en bateau à travers la baie depuis Santander a été pour nous une expérience émouvante car on savait que Seve avait fait exactement le même voyage si souvent le long de la cote à bicyclette.
Après la mort de Seve en mai 2011, à l’âge relativement jeune de 54 ans suite à une lutte brutale et rendue publique contre un cancer du cerveau, ma femme et moi avons ressenti le besoin d’accomplir ce voyage nostalgique pour rendre un dernier hommage à un golfeur qui nous a fascinés comme nul autre.
Fermier, voleur de balles et joueur de nuit
Incroyablement beau, doté d’un sourire malicieux, Seve a illuminé les fairways du monde . N’allez pas toutefois croire qu’il était un saint ! Notamment aux yeux des membres de l’ultra-privé Real Pedreña Golf Club, souvent énervés par ce jeune garçon, ce petit voisin fermier qui cherchait les balles de golf dans les buissons ou se faufilait la nuit sur le parcours pour jouer quelques trous.
Même aujourd’hui, une certaine ambivalence que certains jugeront sociale envers Seve perdure : pas de musée, une seule statue mal exécutée, presque rien à l’intérieur du club-house… Rien ne rend justice aux réalisations d’un champion hors-pair. La « Seve Room », peu achalandée, présente un collage sans imagination de photographies banales dont aucune n’est liée à la terre de Seve. Tout cela est difficile à croire dans un pays où l’art est généralement si flamboyant. Seul le parcours de golf dessiné par Harry Colt, vallonné, bien entretenu, plaisant, est à la hauteur de la réputation de Seve Ballesteros.
Roi d’Espagne et Roi du monde
Depuis des siècles, la famille royale espagnole possède un superbe palais de l’autre côté de la baie de Santander. Aucun membre de cette famille royale n’a imaginé un seul instant que sous leur nez, l’un des éternels rois du golf serait le fils d’un voisin fermier, qui avait appris seul à jouer sur son propre parcours imaginaire qu’il dessinait sur la magnifique plage cantabrique. En frappant des balles de golf abandonnées avec un fer 3 rouillé que lui avait donné son oncle Ramon Sota. C’est sur cette plage que Seve a construit son jeu de golf qui allait lui offrir cinq majeurs entre 1979 et 1988. Son style et son panache lui ont valu une popularité et une renommée mondiales qu’une vie trop courte n’a pas entamées : son impact sur le jeu de golf reste à tout jamais.
De nombreux habitants de Pedrena vivent dans des maisons bien aménagées, d’apparence chère et magnifiquement décorées qui sont empilées en terrasses au-dessus de la baie de Santander.
Celle de Seve a trois étages de stuc rouge, de bon goût et de bois sombre, mais ne se démarque pas particulièrement. Construit sur un promontoire au-dessus du golf (près du point le plus élevé de Pedreña) et surplombant la plage, il n’est qu’à quelques centaines de mètres de la simple ferme où il est né. Un bronze patiné, de la célèbre silhouette de Seve, secouant son poing en triomphe dans une réaction inoubliable après le putt gagnant lors de l’Open 1984 à St.Andrews est monté sur la porte d’entrée. Ballesteros l’a appelé El Momento, « le plus grand moment de ma carrière » : il n’avait alors que 27 ans.
Des coups miracles tout le temps
Ce qui a rendu Seve Ballesteros si unique, c’est sa capacité à se connecter avec des fans qui l’adoraient. Il les a hypnotisés quand l’un de ses drives survolait leurs têtes ou quand il sortait ces coups magiques aussi improvisés que réussis.
Peter Alliss avait déclaré que Seve était l’homme des «coups miracles». Ballesteros lui-même n’était pas d’accord. « Les miracles n’arrivent pas très souvent ; par contre, je frappe ces coups tout le temps ! ». Seve et son «El Momento» sont inscrits pour toujours dans l’Histoire et je suis heureux que nous ayons fait notre pèlerinage à Pedreña.
Ivan Morris
Photos Golf Planète