Dernier club “Men only” aux Etats-Unis (avec Butler National, Chicago) à une demi-heure de l’aéroport de Philadelphie, Pine Valley n’ouvrait son parcours aux golfeuses que les dimanches sur invitation de leurs membres de maris…
Enfin, comme Augusta National, Muirfield ou Troon, cet interdit d’un autre temps vient d’être levé à l’unanimité d’une assemblée générale des membres, faisant aussi penser que la porte sera moins close aux candidats visiteurs dans l’avenir.
Pour être tout à fait vacciné au golf, le passionné devrait passer par Saint Andrews et l’Old Course, suivre le Masters à Augusta et jouer Pine Valley près de Clementon (New Jersey).
Quel que soit son score sur ce par 70, avoir joué le plus grand et le plus difficile des parcours restera un souvenir indélébile, encore plus savoureux pour ceux qui mettront ou auront mis à leur tableau le No 12 d’Augusta National et le No16 de Cypress Point, autres habitués du top 3 mondial.
PV pour les intimes
Pour y arriver, il s’agit de ne pas manquer le petit chemin vicinal débouchant sur un vieux passage à niveau et une cahute où le garde montre vite la porte de sortie si on n’est pas attendu. Pine Valley, c’est une commune de quelques habitations et résidents sur 250 hectares, un maire, et un club qui, en cent ans, n’a connu qu’une poignée de présidents agissant de façon quasi-discrétionnaire. Aujourd’hui, jusqu’à l’admission des dames, 350 membres en auraient le sésame, comme des internationaux invités en raison de services rendus au golf.
Propriété idéale
Tout a commencé en 1912. George Arthur Crump cherche avec des amis de Philadelphie un bon terrain pour “leur golf” et trouve la propriété idéale peuplée de pins sur un sol sablonneux très ondulé à portée du centre-ville. Onze trous sont officieusement ouverts en février 1914, trois autres en 1915.
Avec talent, Crump conçoit un parcours exceptionnel sur 80 hectares entièrement clôturés depuis.
La chasse bannie, une faune abondante accompagne le jeu sur 6300 mètres féroces marqués par les changements d’élévation, des fairways étroits enserrés entre plages de sable, plantes grasses et forêt, agrémentés d’une myriade de bunkers peu commodes, de plans d’eau et de greens aux pentes insidieuses.
Crump’s Folly
Sur le Crump’s Folly, surnom du parcours à ses débuts, il faut être droit et précis, rester en jeu en sautant d’un îlot de gazon au suivant. C’était le vœu de Crump, disparu en 1918 à 46 ans, avant d’avoir joué le parcours fini auquel Harry S. Colt contribuera également lui donnant ce goût de links qui s’en dégage.
Zones sableuses non ratissées
Pine Valley offre des similitudes avec Merion et Pinehurst N°2, souvent hôtes d’US Open. On ne joue jamais deux trous de suite dans la même direction.
Les longs coups trouvent de grands greens et les petits coups des petits greens dressés au bout de fairways envahis par des nappes de sable omniprésentes que personne ne ratisse, sauf à la veille d’une Walker Cup (1936 et 1985 avec Colin Montgomerie et Davis Love III) ou de l’annuelle Crump Cup.
Club-House resté en l’état
Rien n’a bougé depuis 1921. Chaque trou est un monstre, du N°1, dogleg conçu pour départager les éventuels play-offs, au N°18 attendu avec soulagement.
Il est dit que le joueur moyen ne fera jamais moins de 100 à son premier passage, qu’une bonne 1ère série devra se satisfaire d’un 80 et que le grand Bobby Jones scora 88 à sa première visite.
Ebloui par le parcours et déprimé par son score, l’invité se consolera d’une Guinness et d’une célèbre soupe de tortue servies au club-house/proshop suranné.
D’autres préféreront corriger leurs errements sur les dix trous du parcours annexe de Tom Fazio. Ce sont les copies conformes des zones d’où sont joués les coups d’approche sur huit trous du grand parcours. A s’y méprendre!
L’invité chanceux pourra même passer la nuit dans une chambrette spartiate du vieux “dormitory”au-dessus du bar avant de quitter cette icône avec peine et nostalgie, prêt à raconter à qui veut l’entendre “son” PV, comme un ancien soixante-huitard sa nuit des barricades.
Ne pas confondre
Pine Valley… Il existe une pléthore de clubs éponymes dans le monde, comme l’extravagant Pine Valley de Pékin, mais ils n’ont rien à voir.
C’est seulement dans ce coin perdu du New Jersey où, invité à défaut d’être membre, qu’on passe un véritable examen d’entrée dans les ordres du golf, en commençant à appréhender le comment et le pourquoi des parcours signés par les architectes contemporains les plus notoires qui, on le constate alors, n’ont finalement plus inventé grand-chose après George A. Crump.
Philippe P. Hermann