Les 24, 25 et 26 septembre, se déroulera à Whistling Straits dans le Missouri la prochaine Ryder Cup qui réunira les meilleurs golfeurs américains et européens.
Ce golf dessiné par Pete Dye sur les berges du Lac Michigan nous réservera des surprises, ne serait-ce que par la difficulté de ce parcours truffé de pièges et de vastes bunkers.
Le Straits a été ramené à un par 71 pour une longueur totale de 6 757 mètres.
Il semble que les confrontations de la Ryder Cup sur sol américain soient de plus en plus tendues, conséquence d’une attitude souvent déplorable des fans en bleu et rouge.
Notre chroniqueur et écrivain irlandais, Ivan Morris, nous livre son analyse.
Bobby Jones et l’étiquette
D’abord, écoutons le grand, Bobby Jones qui écrivait ceci il y a déjà bien longtemps : « Au golf, les coutumes liées à l’étiquette et au décorum sont tout aussi importantes que les règles régissant le jeu. Il est tout à fait approprié que les spectateurs applaudissent les coups réussis proportionnellement à la difficulté, mais les démonstrations excessives d’un joueur ou de ses partisans ne sont pas appropriées en raison de l’effet négatif possible sur les autres joueurs. Le plus pénible pour ceux d’entre nous qui aiment le golf est l’applaudissement ou les acclamations qui accompagnent un mauvais coup ou une erreur de trajectoire ».
Bien dit, Monsieur Jones ! Bien que je n’aie jamais eu beaucoup d’empathie sympathie pour Bryson DeChambeau, en tant que personne ou dans la façon dont il joue au golf, la façon dont il a été crié, raillé et vilipendé pendant et après le play-off de six trous entre lui et Patrick Cantlay pendant le tour final du championnat BMW à Baltimore étaient totalement inacceptables.
Jay Monahan, le patron du PGA Tour, s’est vanté à plusieurs reprises que le circuit américain avait les meilleurs fans du monde mais, en réalité, c’est exactement le contraire ! Trop d’entre eux sont ignorants, rustres et odieux. Le tournoi BMW aurait dû être considérée comme une merveilleuse rencontre de golf, au lieu de cela, il a été gâché par des imbéciles alcoolisés incapables de contrôler leur langage ou de se comporter avec respect envers DeChambeau. Les foules des grands tournois de golf américains sont incontrôlables. Leur ignorance et leur grossièreté ne provoquent que dégoût et répulsion. Ces « fans » sont incapables de faire la différence entre le golf et le catch. La situation empire depuis que le PGA Tour a commencé à promouvoir les paris en direct : la responsabilité de ce développement repose sur les épaules de M. Monahan. Cela soulève des inquiétudes quant à ce qui pourrait se passer lors des matchs de la Ryder Cup de cette année à Whistling Straits dans le Wisconsin.
Jamais en Europe ou en Asie
Je ne dis pas que tous les spectateurs du PGA Tour sont indisciplinés mais il semble que trop d’entre eux le soient avec leurs cris pathétiques du genre : « Dans le trou », « T’es pas un mec », « Dans le bunker, please », « Tas de m… », ‘Ba-ba-booey’ (quoi que cela signifie) et celui qui est l’un des plus entendus actuellement : « Brooksie ».
Vous n’entendrez jamais de telles absurdités juvéniles sur le circuit européen, ou le tour asiatique, ou encore les circuits japonais et australien. On entend de tels propos uniquement aux États-Unis qui, malheureusement, sont les seuls à étaler de tels comportements odieux. Les spectateurs de golf sont trop près de l’action pour être autorisés à se comporter de cette manière grossière et agressive envers des joueurs. Civilité et respect : ces caractéristiques du golf depuis des siècles doivent être protégées. Malheureusement, trop de spectateurs lors de tournois de golf ne connaissent rien des traditions du jeu. L’attitude partisane et nationaliste des Américains lors de la Ryder Cup est devenue un problème … quand leur équipe commence à perdre et à ne plus gagner. Comme si personne n’avait le droit de vaincre les USA et qu’alors les représailles sont légitimes. La Ryder Cup 2016 me vient ainsi à l’esprit lorsque Danny Willett a été traité de manière inexcusable par des fans qui lui criaient des injures à lui, sa femme et ses parents à cause d’un article écrit dans un magazine britannique par son frère. Il y a eu d’autres incidents horribles cette année-là, notamment contre Rory McIlroy qui avait dû faire expulser un fan américain lui ayant adressé d’ignobles obscénités.
La Ryder Cup 1991 : la plus horrible !
Tout a commencé en 1991, lorsque les États-Unis ayant perdu en 1985 et 1987, puis ayant fait match nul au Belfry en 1989, ont décidé qu’ils gagneraient à tout prix cette année-là.
Avant que le premier tee-shot soit tiré, les Américains appelaient à la guerre, enflammés l’opération Tempête du désert du général Swarzkopf au Koweït qui atteignait son apogée ! Certains joueurs américains ont alors fait preuve d’un sens erroné de patriotisme en portant des casquettes de combat comme s’ils allaient eux aussi à la guerre. Le public américain a vite adopté le même état d’esprit. L’attitude enthousiaste et le langage du capitaine des États-Unis, Dave Stockton, étaient en grande partie responsables de l’aggravation des relations d’avant-match, même s’il a admis qu’une bande vidéo projetée par la PGA of America lors du banquet de la cérémonie d’ouverture était de «mauvais goût». » Le pasteur qui a ouvert le banquet d’ouverture a clairement prié pour une victoire des États-Unis et n’a eu aucun mot de salutation pour l’équipe européenne. Nick Faldo était fou et a voulu quitter la salle aussitôt. Bernard Gallacher, le capitaine européen, a réussi à l’en dissuader et à contenir la fureur de son équipe face à une telle insensibilité grossière.
Le pire était à venir. Le premier soir, le sommeil des joueurs européens a été largement perturbé lorsqu’une radio de Charleston qui avait déniché les numéros de téléphone des chambres de l’équipe européenne a organisé une campagne d’appels téléphoniques au milieu de la nuit ainsi que des vagues de cris et de chants à l’extérieur de l’hôtel . Welcome to USA, Europa !
Le parcours de Pete Dye à Kiawah Island
L’Ocean Course conçu par Pete Dye à Kiawah Island en Caroline du Sud était probablement le parcours le plus difficile sur lequel la Ryder Cup n’avait jamais été jouée : spectaculairement beau mais sauvagement difficile.
À peine ouvert, il avait un aspect rugueux qui le faisait ressembler … à un champ de bataille. Après le premier jour d’entraînement, il avait été décidé d’abandonner l’utilisation des back tees car certains joueurs n’étaient pas en mesure d’atteindre tous les fairways avec leurs meilleurs coups !
Les installations du club-house n’étaient pas prêtes non plus. Les joueurs devaient se contenter de se changer et de manger dans des cabanes temporaires. Augmentant ainsi encore les comparaisons avec le fait d’être en guerre. La bataille était engagée prématurément : cela n’avait rien à voir avec le golf et s’inscrivait dans l’attitude de la cérémonie d’ouverture. Par malheur, une des limousines transportant des membres de l’équipe américaine a été impliquée dans un accident de la circulation mineur causé par l’un des joueurs européens. Steve Pate a été blessé et bien qu’il ait réussi à jouer dans les quatre balles du premier après-midi, il était clairement inapte et s’est retiré de la compétition. Qu’il y ait eu 11 rencontres en simple au lieu de 12 a encore bouleversé davantage la compétition, notamment pour David Gilford qui est devenu l’Européen malchanceux à laisser de côté.
Seve au cœur des tensions
Dès le début des matchs remplis de tension, Seve Ballesteros a jeté de l’essence sur des flammes frémissantes en exigeant un drop gratuit illicite lorsque sa balle franchit un obstacle d’eau. Ensuite, il y a eu un moment de tension extrême suivi d’un long retard dans le jeu lorsque Olazabal a accusé Azinger d’avoir enfreint la règle « une balle ». Azinger aurait changé de balle sans raison valable au cours de sa partie. L’Américain – qui aurait changé trois fois de balles ! – a nié dans un premier temps avant d’avouer. Cependant, comme la question n’avait pas été résolue avant de jouer le trou suivant, la requête européenne a été déclarée nulle par l’arbitre du match. Évidemment, la tension et les mauvaises relations ont persisté.
Après les foursomes du matin lors du deuxième jour, les Américains détenaient un avantage décisif de trois points. Un sursaut courageux dans l’après-midi a permis à une Europe déterminée d’effacer le retard et d’affronter ainsi les matchs en simple à égalité avec les Américains.
Tôt dimanche, il semblait que l’Europe était sur le point de remporter une deuxième victoire consécutive sur le sol américain. Faldo n’est jamais meilleur que lorsqu’il est sous la pression la plus forte. Parti en premier, l’Anglais s’est battu contre l’un des joueurs américains les plus coriaces de toutes les époques, Raymond Floyd, et l’a battu 3/2.
David Feherty, qui jouait là sa première et dernière Ryder Cup, a été stupéfait par les attitudes des supporters US: » Cela ressemblait à la guerre et était rempli de haine ; j’ai passé mon temps à essayer de contrôler la panique qui m’envahissait « , a-t-il déclaré par la suite. Personne avait imaginé la façon clinique dont il s’est débarrassé de Payne Stewart qui a perdu contre toute attente.
Un scénario de fou
Dans la troisième partie, Colin Montgomerie qui jouait également la Ryder Cup pour la première fois semblait dépassé. Après neuf trous, Mark Calcavecchia le menait +5, et alors qu’il ne restait que quatre trous à jouer, le Floridien menait +4… avant de s’effondrer de façon inexplicable de manière incroyable et de partager le match. Monty a ramené un demi-point inattendu et par la suite, n’a jamais perdu un match en simple lors de ses neuf apparitions en Ryder Cup !
Olazabal et Steve Richardson ont ensuite perdu respectivement contre Azinger et Corey Pavin avant que Seve ne passe Wayne Levi au fil de l’épée et que l’Europe soit à nouveau devant. Le jeu régulier de Chip Beck a eu raison de Ian Woosnam (qui n’a jamais remporté de match en simple en Ryder Cup), Paul Broadhurst a battu Mark O’Meara. Fred Couples et Lanny Wadkins ont battu Sam Torrance et Mark James, laissant les États-Unis en tête avec un petit point et un match à jouer.
Il incombait aux deux joueurs les moins extravertis de chaque côté, Bernhard Langer et Hale Irwin, de défendre l’honneur de leurs continents.
Quand Langer a raté le trou 14 pour se retrouver à +2 avec quatre trous à jouer, l’Europe semblait condamnée. Irwin a admis plus tard qu’il était habitué à faire partie des équipes américaines qui dominaient ; mais là, c’était un scénario différent et il avait du mal à se ressaisir. Irwin a mal drivé sur le 15 et a perdu le trou. Le par 5 du16 est devenu une guerre d’usure ; les deux joueurs ont héroïquement réalisé des pars improbables en alternant des coups de récupération fantastiques et des coups simples. Au 17, un long par 3 qui oblige à survoler des marais et de l’eau, les nerfs d’Irwin ont cédé et l’Américain a fait trois putts qui a donné un point à Langer. Au départ du 18, USA et Europe se retrouvent à égalité. Si on en restait là, ce match nul permettait à l’Europe de conserver le trophée.
Langer/Irving pour une fin dramatique
Entourés de leurs coéquipiers anxieux et de fans indisciplinés, alcoolisés et bruyants, les deux joueurs se dirigent vers le dernier départ. Langer fait un drive puissant et droit, plein fairway de ce trou 18, un long par 4 doté d’une pente de droite à gauche se terminant par une zone mal entretenue. Irwin fait un hook de folie qui part vers les spectateurs : la balle touche une femme… ce qui lui évite de se retrouver vraisemblablement injouable L’Américain réussit ensuite à se mettre à une trentaine de mètres du green ; le deuxième coup de Langer est emporté par la brise marine et sa balle termine sur une butte à côté du bord du green, à environ 9 mètres du trou. L’approche de Irwin grimpe sur une petite pente du fond du green et redescend vers le trou avant de s’immobiliser à 60 cms. Le putt de Langer en forte descente se retrouve à 1,50 m du trou. Irwin rentrera le putt alors que Langer échoue à rentrer ce dernier putt diabolique, de gauche à droit, de plus gêné par des marques de clous sur sa ligne[1]… Au milieu de ses coéquipiers et des spectateurs à peine capables de contenir leurs émotions,
Tout le monde connaissait le passé de Langer au putting. À certains égards, il était le dernier homme que Gallacher aurait nommé pour cette tâche ; il était aussi le joueur le plus stoïque qui pouvait accepter la pression sans se flétrir. Bernhard Langer a, par ailleurs, sous-estimé le grain : sa balle a été déviée et est passée à côté du trou. Des hurlements de joie ont explosé du côté américain alors que le silence et les mots d’amitié envahissaient le camp européen.
« Je ne souhaiterais jamais, jamais à quiconque de se retrouver un jour à jouer ce dernier trou », dit Irwin soulagé.
« Ce n’est pas juste qu’un joueur doive faire face à une telle situation sur un terrain de golf », a déclaré Stockton avant d’être emporté par les membres délirants de son équipe qui lui ont fait prendre un bain forcé dans l’océan. Dans la victoire, les Américains ont enfin trouvé un brin d’empathie et de magnanimité !
« Il n’y a aucune raison de verser une larme », a simplement déclaré Gallacher.
David Feherty a brisé la tension en déclarant : « La dernière fois qu’un Allemand a subi une telle pression, il s’est tiré une balle dans un bunker ! ».
Ce n’est qu’une partie de golf
Heureusement, la solide peau de Bernhard Langer lui permet de résister à de telles situations et bien que visiblement brisé, il a accepté son sort sans amertume et en sachant qu’il avait fait de son mieux.
Il est rentré chez lui en Allemagne et a remporté le Linde Masters la semaine suivante !
Le meilleur moyen d’éliminer une telle déception.
Après tout, ce n’était et ce ne sera toujours qu’une partie de golf.
Ivan Morris
[1] NDLR. Je me trouvais assis au bord du green à ce moment-là près de Seve Ballesteros. Avant que Langer ne putte, Seve m’a dit : « Tu vois, des putts comme ça, Bernhard en a rentré des milliers. Mais celui-là, il est impossible de le rentrer… ». Roland Machenaud
Photo David Cannon Collection / Getty Images via AFP