Au-delà des dissensions entre les joueurs et les circuits, le séisme que provoque le coup d’envoi des LIV Golf Invitational Series constitue une sérieuse menace pour tout l’avenir du golf professionnel et plus globalement pour les valeurs fondatrices de notre sport. Nous avons demandé au Président de la Fédération française de golf (FFG), Pascal Grizot, de nous livrer son éclairage.
GP : Bonjour Pascal, le premier tour des LIV Golf Invitational Series vient de s’achever. Il marque un tournant important dans l’histoire du golf professionnel et forcément pourrait impacter durablement son écosystème. Que cela vous inspire-t-il ?
Tout d’abord, je trouve qu’on parle trop d’argent, de dizaines, de centaines de millions de dollars. On veut changer l’image du golf considéré comme un sport élitiste mais les sommes évoquées depuis l’irruption des Saoudiens renvoient une image très négative auprès des Français.
Je trouve également dommage que le PGA Tour et le DP World Tour n’aient pas trouvé une entente avec les Saoudiens quand ceux-ci ont manifesté leur désir d’investir dans le golf pour faire de la diplomatie par le sport.
Cela conduit à une situation conflictuelle qui ne va pas dans le sens de l’intérêt général du golf.
GP : Concernant les choix des joueurs de quitter les circuits historiques, ne pensez-vous pas qu’ils piétinent les valeurs, les traditions de notre sport pour privilégier égoïstement leurs propres intérêts ? Plus généralement peut-on considérer ces tournois comme des épreuves sportives ou comme un show ?
J’ai du mal avec le format sur 54 trous mais pourquoi pas. J’avoue que le concept par équipes n’est pas vraiment lisible.
Du point de vue des joueurs, je comprends que certains au crépuscule de leur carrière puissent faire ce choix. Ce sont des professionnels. Ils ont une vision court-termisme et vont là où ils ont la sensation de pouvoir le mieux pratiquer leur métier. Ce qui me gênent c’est les gesticulations. Les joueurs qui annoncent vouloir rester et qui changent d’avis.
Le PGA Tour n’a peut-être pas mesuré la puissance de son adversaire
Ce qui est plus choquant encore une fois, c’est l’argent. La façon dont les Saoudiens procèdent est très irrespectueuse des traditions de notre sport, des valeurs, de l’histoire. C’est très irrespectueux des tournois majeurs, des instances.
Tout n’est pas parfait mais il y a un équilibre établi avec les tournois majeurs, les tournois réguliers. Il me semble qu’ils agissent pour être simplement disruptifs sans réalité économique. Ils multiplient par 2 les dotations d’un tournoi majeur, par 3 voire par 6 celles des tournois classiques sous prétexte qu’ils ont de l’argent. C’est un manque de respect pour nos traditions. Mais c’est un état souverain, un royaume, le Prince fait ce qu’il veut sans avoir à rendre de compte à personne et ils ont beaucoup d’argent.
Le PGA Tour n’a peut-être pas mesuré la puissance de son adversaire. Les Saoudiens ont même des parts dans certaines sociétés qui sponsorisent le PGA Tour, leur influence est colossale.
GP : Que peuvent faire les instances ? Doivent-elles exclure les joueurs des Majeurs ? Existe-t-il des solutions selon vous ?
Les Majeurs n’ont pas pris de décisions à l’heure actuelle. Les instances comme le Royal And Ancient doivent discuter avec les Saoudiens, ils le font déjà au travers de programmes de développement. En tant que président de Fédération, je voudrais qu’il y ait des discussions dans l’intérêt général du golf.
GP : Êtes-vous inquiet pour la Ryder Cup ?
Oui, clairement !
Photo ©Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP