Parmi les nombreuses règles qui régissent le jeu de golf, il y en a une très simple. La règle 4.1b stipule que le joueur ne doit pas avoir plus de 14 clubs dans son sac. De quand date cette obligation et pourquoi a-t-elle été instituée ?
Fin 2021, un vieux cador du circuit s’alarme sur l’évolution du jeu. L’Espagnol Miguel Angel Jimenez, qui fait aujourd’hui les beaux jours du Champions Tour à 58 ans, n’aime pas la robotisation de ses jeunes collègues. En clair il n’y a plus de manieurs de balles capables de soulever les foules en jouant des coups improbables.
Jimenez souhaite une limitation à 10 clubs
Pour « El Mecanico » (rien à avoir avec son swing) une solution existe : réduire à 10 le nombre de clubs autorisés contre 14. Le joueur serait ainsi amené à réfléchir et à jouer le coup différemment. Pas sûr que les équipementiers soient d’accord… En tout cas, l’USGA et le R&A, qui régissent les lois du jeu, n’ont pas réagi. Il est difficile de changer, même une règle qui date « seulement » de 84 ans !
Que dit exactement la règle ?
La règle 4.1b a pour objet de limiter à 14 le nombre de clubs dans son sac, putter compris. Le joueur peut en avoir moins et en rajouter pendant le tour.
Par ailleurs, le joueur ne peut partager un club avec un partenaire ni remplacer un club endommagé sauf s’il n’a pas été à l’origine des dommages.
Quelle pénalité encourue ?
L’infraction à la règle 4.1b entraîne une pénalité. Celle-ci dépend du moment où le joueur s’aperçoit de sa faute. Il encourt alors deux coups de pénalité par trou avec un maximum de quatre coups (donc sur deux trous). En match-play, la pénalité est la déduction d’un trou dans le score avec un maximum de deux trous.
Jack Nicklaus n’est pas la légende des caddies !
Sensés connaitre les règles, les champions et leurs caddies ont parfois la tête en l’air et l’enfreignent. En 1983, Jack Nicklaus caddeye son fils Gary pour les qualifications à l’US Open. Il s’aperçoit un peu tard qu’il a deux fers 4 dans le sac. Le sien et celui de son fils. Résultat : 4 coups de pénalité… et le fiston éliminé.
Woosie perd toutes ses chances à l’Open 2001
Le cas le plus célèbre est celui du Gallois Ian Woosnam à l’Open 2001 au Royal Lytham & St.Anne’s. En tête lors du dernier tour, il frôle le trou-en-un sur le premier trou : birdie. Au départ du trou 2, son caddie, Myles Byrne, tout gêné, le prévient qu’il a deux drivers dans son sac… Ses deux coups de pénalité lui coûteront la victoire. Son caddie ? Viré deux semaines après pour être arrivé en retard à un départ.
La généralisation des fers en acier
Pendant des décennies, les golfeurs avaient pour seule arme des clubs en bois sans que leur nombre ne soit limité. Tout commence lorsque que les clubs en acier furent autorisés en 1929. La plupart des champions ont hésité à changer leur équipement. Dans le doute, il n’était pas rare de voir leurs caddies porter un savant mélange de clubs en hickory et en acier voire même deux sacs à la fois !
Lawson Little aimait avoir le choix
Parmi les champions les plus emblématiques de cette dérive, l’Américain Lawson Little ne s’inquiétait guère de l’état du dos de son caddie. Le double vainqueur des US et British Amateur 1934 et 1935 avait l’habitude de disposer jusqu’à 31 clubs dont 7 wedges et un club de gaucher ! Or un sondage réalisé lors de l’US Open 1935 montrait que la moyenne des clubs utilisés par les joueurs était de 18. Pour l’anecdote, Francis Ouimet a remporté l’US Open 1913 avec 7 clubs…
Le R&A et l’USGA déjà inquiets de l’évolution du jeu
Pour les instances britanniques et américaines, « enough is enough ». Le matériel ayant évolué trop vite à leurs yeux, elles commencent à réfléchir sur la limitation du nombre de clubs. Comme… Jimenez aujourd’hui, le R&A et l’USGA considèrent que le maniement de la balle est en péril et que le golf risque de ne plus être un jeu d’adresse. Autre considération, sociale celle-ci : les riches seraient avantagés par rapport aux classes les plus pauvres pour l’achat de matériel.
Une règle instituée en 1938
Ainsi, la règle des 14 clubs est discutée dès 1936. L’USGA officialise sa décision en 1938, suivie un an après par le R&A. Pourquoi 14 alors ? Aucune explication n’est fournie, mais les séries les plus vendues à l’époque étaient souvent composées de 4 bois, 9 fers et un putter.
Une autre théorie est avancée sans preuves et pour cause : il s’agit de l’influence du plus grand champion de l’époque : le retraité Bobby Jones.
L’influence de Bobby Jones et Tony Torrance
Lors de la Walker Cup 1936, la légende américaine Bobby Jones est sidérée de voir certains évoluer avec une trentaine de clubs. Il s’en émeut auprès de son ami écossais Tony Torrance, plusieurs fois vainqueur de l’épreuve. En comparant leurs équipements (16 clubs pour Jones et 12 pour Torrance), très influents auprès de leurs instances respectives, ils seraient tombés d’accord sur une moyenne de 14.
Toujours est-il que la limitation à 14 clubs n’a pas soulevé un vent de contestation auprès des champions et, a fortiori, des caddies. Même Lawson Little est parvenu à s’en accommoder en remportant l’US Open 1940.
©Sam Greenwood/Getty Images/AFP