Barrés par la présence de joueurs du LIV Golf au départ du prochain BMW PGA Championship à Wentworth, ils sont nombreux à manifester leur mécontentement accusant notamment l’état major du DP World Tour de passivité vis-à-vis de joueurs ayant enfreint le règlement. Parmi eux, Julien Brun (photo), relégué sur la liste des réservistes avec d’autres joueurs issus du Challenge Tour, alors qu’il pouvait légitimement prétendre à disputer pour la première fois le tournoi porte-étendard du Tour Européen.
Philippe Hermann, à Crans-sur-Sierre (Suisse)
Ça va jaser dans le Surrey. Les premiers éclats de voix ont d’ailleurs déjà commencé à troubler les eaux d’habitude paisibles de Virginia Water, le lac qui a donné son nom à cette bourgade huppée de l’Ouest de Londres.
En découvrant la liste des joueurs inscrits au départ du tournoi emblématique du DP World Tour qui se tiendra du 8 au 11 septembre au Wentworth Golf Club (Angleterre) où siège depuis des lustres l’European Tour, les joueurs du circuit européen ont cligné des yeux.
Ce qui m’insupporte, c’est de voir arriver des joueurs Américains bannis chez eux, s’accaparer des places destinées aux jeunes européens.
Matthieu Pavon
Talor Gooch, Patrick Reed, Kevin Na, ou encore Jason Kokrak. Des joueurs américains, bannis du PGA Tour après leur décision de s’acoquiner avec Greg Norman et ses tournois exhibitions des LIV Golf Invitational Series, qui viennent prendre la place de plusieurs jeunes espoirs du Challenge Tour promotion 2021. La pilule ne passe pas.
Keith Pelley parle plus qu’il n’agit. Ce n’est pas sérieux et, quand j’apprends qu’une réunion de membres du circuit européen pourrait se tenir dans quinze jours en préambule du BMW PGA Championship pour recadrer ce qui mérite de l’être, ça me séduit.
Julien Brun
Dans cette liste des participants, d’autres “rebelles” du LIV Golf qui ont fait les grandes heures du Tour Européen et de la Ryder Cup : Lee Westwood, Martin Kaymer, Sergio Garcia, Graeme McDowell et, bien sûr, Ian Poulter qui avait même mené une action en justice en dernier recours pour jouer l’Open d’Ecosse le mois dernier.
Être payé avant même de jouer, ce n’est pas sain. “L’appearance money” que nous connaissons ne s’adresse qu’à quelques joueurs qui ont prouvé leurs talents sur des années, pas aux jeunes pousses.
Mike Lorenzo-Vera
S’ils reconnaissent que Garcia, Westwood, Poulter, Kaymer et McDowell, compte tenu de leur contribution à faire rayonner le golf européen, méritent leur place, deux Français sont les principales victimes de cette situation. Frédéric Lacroix et Julien Brun.
« C’est difficile à avaler de constater que je ne suis plus dans l’Entry List du BMW PGA Championship. En principe, j’avais ma place comme plusieurs joueurs promus du Challenge Tour. Aujourd’hui, je suis relégué 5e ou 6e réserve. Pourquoi ? Parce que le DP World Tour a décidé d’ouvrir grandes ses portes à des pros de renom pour satisfaire le sponsor principal », peste Brun, qui digère mal que ces joueurs interdits de jeu sur le PGA Tour se rabattent sur les tournois du DP World Tour entre deux épreuves du LIV.
« A Wentworth, dommage que Keith Pelley parle plus qu’il n’agit. Ce n’est pas sérieux et, quand j’apprends qu’une réunion de membres du circuit européen pourrait se tenir dans quinze jours en préambule du BMW PGA Championship pour recadrer ce qui mérite de l’être, ça me séduit », ajoute le Français domicilié à Prague, en République tchèque.
Le Challenge Tour, cinquième roue du carrosse ?
Brun et Lacroix font partie des 20 joueurs qui ont gagné leur place dans l’élite en brillant l’an passé sur le Challenge Tour mais qui ne découvriront pas l’atmosphère si particulière de Wentworth cette année. Ils peuvent toutefois compter sur leur compère de la Saint Laurent Golf Team, Matthieu Pavon, pour tenter de prendre leur défense.
« Je râle ferme quand je note que des membres du Challenge Tour ne peuvent plus entrer dans le très grand tournoi qu’est le BMW PGA Championship à cause des sièges occupés par des joueurs tagués LIV Tour, explique le Bordelais, qui blâme principalement le DP World Tour. Je n’ai rien contre ces joueurs personnellement, bien sûr. Je ne suis pas dérangé par la présence des Européens qui ont participé au succès de l’European Tour… Ce qui m’insupporte, c’est de voir arriver des joueurs Américains bannis chez eux, s’accaparer des places destinées aux jeunes européens parce que le DP World Tour laisse faire. »
L’abandon des valeurs et du mérite
Cependant, l’attitude ces derniers mois des anciennes gloires de l’European Tour interroge. Comment peuvent-ils à ce point renier et participer à la destruction d’un circuit dont ils ont porté si fièrement les couleurs ? L’argent bien sûr, mais cela ne justifie pas tout selon Mike Lorenzo-Vera, très attaché aux valeurs et au mérite.
« Les règles sont encore trop floues. C’est à nous, les joueurs, de montrer aux joueurs du LIV qu’ils ne sont pas les bienvenus. En tant que membres de notre association, nous en sommes aussi les « décideurs ». Il nous faut nous réunir vite pour disséquer le sujet “Norman”, on y travaille pour cette année. Il y aura aussi un petit tour de table à Wentworth lors du prochain BMW PGA Championship où la présence de joueurs LIV Tour va provoquer des remous. Tout ça me met hors de moi. Mais il faut garder son calme et trouver des solutions juridiques pour voir comment réagir. »
« J’entends dire que certains parmi nous ne se sentent pas concernés par la situation. Bizarre… C’est comme si un patron ne s’intéressait pas au futur de sa boîte. Par ailleurs, je ne pense pas que le boss du PGA Tour envisage un dialogue de fond avec celui du DP World Tour, Keith Pelley. Et Greg Norman est là pour détruire, c’est une sorte de revanche après l’échec de son projet de circuit mondial dans les années 90. »
« Être payé avant même de jouer, ce n’est pas sain, conclut le Basque. « L’appearance money » que nous connaissons ne s’adresse qu’à quelques joueurs qui ont prouvé leurs talents sur des années, pas aux jeunes pousses. Je m’exprime car je considère que l’on doit se montrer reconnaissant vis-à-vis du circuit qui nous nourrit depuis si longtemps. J’ai ce respect. »
©DAVID CANNON / David Cannon Collection / Getty Images via AFP