“Hole in One”, alias “Ace” aux Etats-Unis, “Trou-en-Un” en francophonie, est l’un des bâtons de maréchal rêvés par les golfeurs du globe prêts à offrir la tournée à toutes les bonnes âmes présentes au club-house à leur retour.
Le Sud-Africain MJ Daffue a signé un trou-en-un au 1er tour du récent Sanderson Farms Championship (PGA Tour), avalant d’un fer 5 les 165 mètres du No 4, déjà battu plus tôt par Brandon Wu. Il ne se rendra compte qu’arrivé sur le green.
🚨 ACE ALERT 🚨
The second ace of the day at No. 4 came as a 𝓿𝓮𝓻𝔂 pleasant surprise for @MJDaffue13 😅 pic.twitter.com/DkzE8ZTkTi
— PGA TOUR (@PGATOUR) September 29, 2022
Fêté au champagne, ce moment de joie est autrement plus arrosé que le vainqueur du tournoi sous sa douche de bulles d’or animées par les copains, autre tradition démarrée en 1967 aux 24 Heures du Mans par Dan Guerney.
C’est le moment où “the man of the day” grimace dans sa barbe, au point d’hésiter à filer à l’anglaise pour éviter une facture salée.
Gros lot
En contrepartie, pro ou amateur, le phénomène du jour aura peut-être remporté un prix spécial sur un trou mis aux couleurs d’un sponsor exposant son dernier modèle de voiture, ou un séjour dans son hôtel de luxe, ou un tour du monde sur sa compagnie aérienne en récompense de l’exploit… Toutes les idées sont bienvenues, en général couvertes par un contrat d’assurance au long de la durée du tournoi. Si un second « ace » est réalisé sur ce même trou, il comptera pour beurre et, sur un autre trou resté neutre, le malheureux n’aura que la facture du club-house à savourer.
Moins triste pourtant que cet autre bienheureux rencontré samedi dernier.
Terrible oubli, procès intenté
Ce coupé rouge 2023, valeur 65’000 euros, est mis en scène au tee No 13 du Morrilton CC (Arkansas) dans le cadre du “Tournoi du Siècle”, un Pro-Am où le ticket d’entrée n’est pas donné.
L’ami Austin y joue le Fer 5 de sa vie. Après les effusions, vient le moment de la poignée de mains, fêtée au champagne par une foule de membres, et de la photo de la remise des clés par le concessionnaire dont l’auto regagnait sa vitrine hors exploit. Il est tout sourire, touchant l’assurance (généralement chère) souscrite par le club organisateur.
Mais que c’est bête, celui-ci a « oublié » de régler la prime voulue, n’imaginant pas un seul instant qu’un trou-en-un était réalisable sur ce difficile No 13. Depuis, le club se trouve confronté à deux plaintes salées et aux dédommagements que les avocats américains savent si bien manier. Placées sous séquestre, les clés de l’exploit finiront peut-être entre les mains d’Austin qui se souviendra longtemps de son « Tournoi du Siècle » et de la jolie facture de la fête célébrant son « ace »…
Ballesteros orphelin
Cet exploit, de nombreux grands noms du golf ne l’ont pas réussi. Seve Ballesteros, absolue icone du golf, est l’une des victimes. Etonnant pour un tel champion. Pro depuis 1977, Nick Faldo n’entre son premier qu’en 1993. Pour le pro McIlroy, ce sera sur un fer 9 au No 15 du parcours d’Abu Dhabi au HSBC 2015 pour des nèfles, Tom Lewis ayant déjà piqué la Cadillac en jeu au 1er tour. Face aux cinq « aces » de Mickelson, Tiger Woods en compte vingt, mais Nicklaus, comme pour le nombre de majeurs, reste en tête avec vingt-et-une réussites, tandis que le roi “Arnie” Palmer compte un trou-en-un sur le même green deux jours de suite.
Une spécialité de quinquas
Alors que le jeune Neil Watts en a entré douze en sept mois, le trou-en-un d’un(e) amateur(e) de niveau moyen est donné à 25’000 contre 1, chiffre tombant à 3’000 chez les Pros. Les américains, experts invétérés en stats de tout genre, disent que, dans un club, on compte un “ace” pour 3500 sorties et que ce sont les golfeurs de 50 à 59 ans qui en signent le plus (25%), 16% du côté féminin, le handicap moyen de ces bienheureux étant 14. Vous avez donc de la réserve.
Et s’il n’y avait que cette piétaille à raconter, on se lasserait très vite, tant ces “aces” ne sont que des eagles avec un faux nez pour la fête.
Albatros et Condor espèces rarissimes
Plus sérieux, l’albatros – trois coups pris au par – est autrement calibré. De toute son histoire, si Woods n’en a entré que deux, le PGA Tour américain n’en compte qu’un seul sur un par 4. Taux de réussite pour avoir son nom en lettres d’or au tableau d’honneur du club: 1’000’000 contre 1. Le jour de cet exploit, on devient une quasi-divinité, un intouchable de la confrérie “Double Eagle” réunissant au mieux deux cents réalisateurs par an.
Reste cet hyper-rarissime Condor souvent évoqué, bien réel, mais quasiment jamais vu comme un monstre du Loch Ness. A quatre coups sous le par, seulement cinq ont été répertoriés, le premier en 1962 sur un par 5 de 440 mètres dans l’Arkansas. Près de trente ans plus tard, à Cristow (Angleterre), Shaun Lynch tapait sans complexe un fer 7 (!) pour les 450 mètres du No 17, par 5 en dog-leg au Teign Valley Golf Club, la balle roulant un bon bout jusqu’au drapeau.
Et alors? Règle d’or du golf : «ce n’est pas comment, mais combien…»
Deux autres, à peu près de la même longueur, étaient enregistrés à Denver et en Australie par Jack Bartlett, un gamin de 16 ans. Et plus unique encore en 2020, Kevin Pon, illustre inconnu, s’offrait un intouchable condor pour l’éternité sur le No 18 de Lake Chabot à Oakland, un par 6 de 600 mètres !
Au train où vont les incessants progrès apportés au matériel de golf d’aujourd’hui, le « Condor Club » cooptera, demain, tout plein de nouveaux membres aux quatre coins du monde si la paire R&A/USGA n’y met pas bon ordre maintenant.
Philippe P. Hermann