Les critiques sur le jeu lent ont été ravivées lors des quatre derniers tournois du PGA Tour au cours desquels à chaque fois les premiers tours n’ont pas pu aller à leur terme. Interrogé sur ce fléau, Gary Young, l’arbitre en chef du circuit américain, a botté en touche…
La vitesse de jeu a été celle que nous attendions, mais il y avait trop de joueurs et trop de parties.
Cette réponse “lunaire” est signée Gary Young, l’arbitre en chef du PGA Tour tentant de justifier de façon pour le moins surprenante les problèmes à répétition provoqués par le jeu lent.
Alors que le débat sur le sujet est une vieille litanie dans le golf professionnel, il faudrait être aveugle pour nier que la situation a empiré de façon spectaculaire ces dernières semaines sur le circuit américain.
Quatre à la suite
Pour la quatrième semaine de suite, sans que le jeu ait été perturbé par les intempéries, les premiers tours des tournois n’ont pas pu être bouclés dans les temps imparti.
Ce fut le cas au Phoenix Open, au Genesis Invitational, au Honda Classic et donc au Players Championship.
À chaque fois, les dernières parties du jeudi et du vendredi ne sont pas parvenues à rallier l’arrivée avant la nuit et à chaque fois le cut n’a pu être établi que le samedi matin.
Temps de jeu record
Sur chaque tournoi, les parties dépassent en moyenne les 5h15, mais cela ne choque plus les responsables du Circuit US, surtout pas les officiels du corps arbitral.
Seuls le public et les médias, qui se déchaînent sur les réseaux sociaux pour dénoncer cette gabegie et sensibiliser le PGA Tour pour agir.
Pace of play at the Players Championship, per PGA Tour chief referee Gary Young, has been between 4:55 and 5:30.
Young says that’s in line with expectations, but still. Woof.
— James Colgan (@jamescolgan26) March 10, 2023
« La vitesse de jeu au Players Championship, selon le chef des arbitres du PGA Tour, Gary Young, a été en moyenne entre 4h55 et 5h30. »
I fail to understand how play gets suspended every week due to darkness when there are no delays. The Tour is either not starting early enough, Has too many players, Or the pace of play is too slow. They weren’t even close to finishing either. Last group only got thru 14.
— Liam Charles (@LiamCharles2000) March 10, 2023
« J’ai du mal à comprendre pourquoi le jeu est suspendu par l’obscurité chaque semaine alors qu’il n’y a pas de retard lié à la météo. Soit les premiers départs sont programmés trop tard. Soit il y a trop de joueurs. Soit le jeu est trop lent. Les dernières parties n’ont pu aller seulement jusqu’au trou n°14… »
Un règlement inappliqué
À défaut d’être une règle officielle du golf il existe un règlement interne au PGA Tour datant de début 2020 qui stipule que les joueurs doivent taper leur balle dans un délai de 60 secondes lorsque vient leur tour de jouer, mais impossible de trouver trace d’une sanction provoquée par sa mise en application.
Il prévoit d’abord de placer sous le contrôle du chronomètre un groupe signalé lent ou en retard, puis d’infliger un coup de pénalité à un joueur reconnu coupable de dépassement du délai imparti, et cas de récidive le joueur risque la disqualification.
Porteuse d’espoir en son temps, cette politique semble être totalement ignorée par les stars du PGA Tour qui continue d’agir à leur bon vouloir sans jamais être pénalisées.
Ainsi, devant les caméras de télévision et donc devant les spectateurs du monde entier, Justin Thomas a mis 2’50 » pour taper son 2e coup sur le dernier trou de son 2e tour au TPC Sawgrass, puis encore 2’15 » pour déclencher son chip depuis le bord du green… En toute impunité.
Ce que le PGA Tour semble oublier, c’est que le golf professionnel vit un moment charnière de son existence.
L’arrivée du LIV Golf et son format exhibition est une menace pour les tournois traditionnels. Pour leur attrait. On n’ira pas jusqu’à dire que le concept du “Golf, but louder” est attractif (loin s’en faut !), mais le circuit financé par le Fonds Public d’Investissement saoudien a incontestablement “décapité” le circuit américain de plusieurs de ses têtes d’affiche.
Plus rapide avec un champ réduit ? Pas sûr !
Pour contrer cet exode, Jay Monahan, le boss du PGA Tour et le comité des joueurs où Rory McIlroy se montre très actif, ont décidé la mise en place de tournois à champ réduit sans cut et richement dotés en 2024.
Mais même si les premiers tours de ces épreuves se finiront sûrement avant la nuit, puisqu’il y aura moins de concurrents sur la ligne de départ, les joueurs continueront à n’en pas douter de dépasser allègrement les 5 heures de jeu.
Or, le spectacle en souffre beaucoup. Jay Monahan a reconnu que la réalisation proposée par NBC lors du Honda Classic avait été problématique. Trop de publicités, pas assez de coups de golf alors qu’une bonne dizaine de joueurs se disputait la victoire le dimanche. «A l’avenir, nous allons nous assurer que les fans de golf puissent voir un maximum de coups importants, en direct. »
C’est bien… Mais pas suffisant…
Même les puristes, les plus mordus finissent par se lasser de suivre des parties de golf qui durent 5h30 et des retransmissions à rallonge.
Une conversation entre le joueur et son caddie peut parfois se révéler intéressante, mais il est inconcevable que celle-ci s’éternise comme ce fut le cas entre Jim Bones Mackay et Justin Thomas la semaine passée. Ce ne doit pas être un prétexte pour autoriser ce genre de palabres.
Un spectacle télévisuel en baisse
D’un point de vue mathématique : 5h30 de jeu, c’est 330 minutes, divisées par 3 joueurs, soit 110 minutes par joueur pour, disons, 72 coups : cela fait une moyenne de 1’30 » par coup. Bien sûr il ne faut pas omettre le temps nécessaire pour se rendre d’un point à un autre mais on peut imaginer que ce temps consacré au trajet est compensé par les quelques “tap in”… (les putts très courts que les joueurs jouent dans la foulée de leur putt précédent.)
Si les progrès de la technique (tracers, drones, images 3D) ont rendu le spectacle devant son petit ou grand écran plus attrayant, ce rythme du jeu interminable est parfois insupportable.
Des joueurs déconnectés
L’ancien directeur de l’European Tour George O’ Grady au début des années 2010 expliquait régulièrement que le “Slow Play” allait tuer le jeu. Il n’avait pas tort. Avec John Paramor le célèbre arbitre récemment décédé il s’était fixé comme objectif de sensibiliser les joueurs sur les bonnes pratiques. Que ce temps semble loin.
Qu’il s’agisse du vent “tourbillonnant”, du toujours plus précis calcul des distances (autorisez les jumelles SVP !), l’attaque des par 5 en “sur-régulation” ou des forts enjeux tout est prétexte à autoriser les officiels à se montrer “coulant”.
Le PGA Tour n’est pas le seul coupable, puisque le record en la matière a sans doute été atteint lors du dernier Open britannique avec plus de 6h de jeu pour 18 trous ! Mais le circuit américain, qui dans cette période troublée se vante de “laver plus blanc que blanc” et d’être le grand défenseur des valeurs et de l’histoire du golf, ne fait rien pour endiguer un fléau qui a aussi un impact important sur le golf amateur.
L’exemple du tennis
En se dressant contre le jeu lent et en se montrant plus inflexible avec les joueurs le PGA Tour redoute-t-il d’encourager leur départ sur le LIV ? C’est possible mais reconnaissez que ce serait dommage car des solutions existent.
Elles sont même assez simples à mettre en oeuvre.
Un préposé au chronomètre pour chaque joueur (il y a bien des spotters, pourquoi ne pas imaginer des bénévoles suivant chaque partie avec des panneaux sur lesquels défilerait le temps qu’il reste au joueur pour jouer son prochain coup ?). Des sanctions automatiques : un avertissement puis des coups de pénalité.
En tennis le pas a été franchi il y a bien longtemps avec l’instauration du chronométrage entre chaque service. Pourquoi ne pas s’en inspirer ? Le PGA Tour a largement les moyens de mener cette lutte aussi cruciale pour sa survie que le combat qu’il a engagé contre le LIV. Ne manque qu’une véritable volonté.
©PGA Tour