Dans ce troisième volet qui clôture notre enquête, force est de constater que si certaines expérimentations ont commencé en France il y a quelques années déjà, d’autres pays en Europe ou ailleurs ont depuis longtemps tranché la question : ils puisent presque sans compter dans cette nouvelle ressource que constituent aujourd’hui les eaux usées afin de satisfaire notamment les besoins en arrosage de leurs structures golfiques.
Même si les problématiques peuvent paraitre différentes, les golfs français commencent eux aussi à comprendre qu’ils feraient bien de changer de paradigme et rechercher les moyens de se procurer de l’eau à « bon » compte, par exemple en faisant appel à la REUSE (réutilisation des eaux usées traitées), sous peine de voir le secteur agricole s’emparer de cette ressource à son seul profit.
Un dossier de Denis et Roland Machenaud
Qui traite et réutilise les eaux usées dans le monde ?
Si Windhoek, capitale de la Namibie, fut le premier cas de REUSE pour l’eau potable en 1969, la Tunisie a défini, dès 1985, une réglementation pour encadrer la pratique et réutilise aujourd’hui plus de 50% de ses eaux usées.
Sans oublier Israël qui réutilise aujourd’hui 91% de ses eaux usées traitées dont 71% servent à l’irrigation des cultures. L’Australie, Singapour où l’on parle de « new water » et où l’on ne tergiverse pas sur la question, les États-Unis dans une moindre mesure sont également régulièrement cités en exemple.
En Europe, seulement 2.4% des effluents de station d’épuration sont réutilisés annuellement ! Cela représente 0.4% des prélèvements. La pratique est très inégalement mise en œuvre à l’échelle européenne. Chypre (90% des rejets utilisés), Malte (60%), l’Espagne (12%), l’Italie (8%) et la Grèce (5%) sont les pays qui ont le plus recours à la REUT.
En France, les projets de réutilisation ont émergé dans les années 80 sur les territoires insulaires (Porquerolles, Noirmoutier). La pratique s’est peu développée avec seulement 0,2 % des eaux usées traitées réutilisées chaque année.
Heureusement, comme on l’a vu précédemment, la réglementation est en train de changer pour encourager le plus possible ce type de pratique, l’objectif fixé par la Commission Européenne étant de multiplier par 6 les volumes d’eaux usées recyclées.
Une trentaine de golfs en France utilisent la ressource
Nous en avons sélectionné quelques-uns, avec chacun une histoire singulière qui montre la diversité des problèmes à gérer. Et qui explique peut-être pourquoi la majorité n’ose pas encore franchir le pas…
Selon un document de la Fédération Française de Golf, les golfs qui ont choisi de réutiliser des eaux traitées sont : Dinard, Pornic, Saintes, Coutainville, Valcros, Saint-Cyprien, Royan, Mazières-en-Gâtine, Oléron, Cap d’Adge, Rhuys Kerver, Baden, Bourgenay, Spérone, Sainte-Maxime, Bigorre, Belle Dune, Tina, Garonne, Les Forges, Saint-Laurent.
À cette liste, on peut ajouter : le golf de Grasse dans les Alpes-Maritimes, les Portes en Ré, la Palmyre à Royan, Montauban, Ginestous à Toulouse et le golf Disneyland en région parisienne qui a la grande chance d’être connecté à la station d’épuration du complexe touristique (voir plus bas).
Également, concernant les projets de REUSE : Cannes Mougins, en cours de finalisation ainsi que la Grande Motte, mais il y en a probablement d’autres.
L’eau, indispensable élément des golfs
Nous avons contacté quelques-uns de ces golfs français, disséminés sur tout le territoire. Remarquons au passage que, très tôt, l’Ouest de la France a compris les enjeux et que le Midi a décidé d’accélérer la cadence pour parvenir à ses fins. D’autres régions sont à la traîne mais le rattrapage devrait s’effectuer à moyen terme.
En Bretagne, le golf de Dinard, naguère, était considéré comme un modèle d’environnement ; il veut le redevenir.
Dans un article fort intéressant paru à la fin de l’été dernier, sous la plume de Marie Lenglet, le quotidien Ouest France a évoqué en détails la situation du golf de Dinard dans la commune de Saint Briac (Ille-et-Vilaine) qui a longtemps fait figure de pionnier en la matière et a dû renoncer en 2010 devant les obstacles de tous ordres.
À Saint-Briac, le REUSE, on connaît, et depuis longtemps !
À tout seigneur, tout honneur ! C’est grâce à la volonté politique de Brice Lalonde, dont on se souvient qu’il fut à la fois maire de cette commune de 1995 à 2008 mais aussi ministre de l’Écologie, que le système fut mis en place en 2003 au golf. Dans les colonnes du grand quotidien régional, il se souvient : « J’ai toujours accordé beaucoup d’attention à l’assainissement. Dès le début de mon mandat, en 1995, j’ai invité le syndicat intercommunal à franchir un grand pas, en allant très vite dans la direction de la réutilisation de l’eau désinfectée. Nous avions auparavant séparé les eaux pluviales des eaux usées, pour décharger la station» Puis, afin de servir d’exemple à d’autres, il décide d’aller plus loin en utilisant l’énergie solaire et un système de traitement tertiaire « efficace et peu coûteux », permettant de filtrer l’eau traitée à travers des petits bassins, et la rejetant à la mer, pour une eau de baignade jugée impeccable par tous les observateurs. Cette politique vertueuse séduisit Jérôme Paris, le propriétaire du golf de Dinard, qui, poursuit l’ancien ministre, « prit à sa charge la moitié de la canalisation et y ajouta un bassin de chloration pour éliminer tout microbe ».
Ainsi, tout baignait dans le meilleur des mondes, jusqu’à ce que… une décision administrative remette en cause son fonctionnement, sous des prétextes totalement fallacieux, comme le risque pour les golfeurs d’être mouillés par de l’eau retraitée, lors des arrosages… qui ont lieu généralement la nuit ! Comprenne qui pourra ! L’affaire connut un dénouement totalement fou, décourageant totalement les instigateurs de ce mouvement « révolutionnaire », pour de nombreuses années…
Aujourd’hui, les méandres d’une administration qui continue d’appliquer à la lettre le sacro-saint principe de précaution, empêchent de reprendre l’expérience qui, chaque nuit, abondait le parcours de ses quelque 400 m³ d’eau filtrées. Autre aberration : le vent ne doit pas dépasser 15km/h pour que l’autorisation soit donnée, ce qui, sur le littoral breton, est une condition quasiment impossible à respecter : tout le monde le sait ! Il reste à espérer que, comme on l’a dit plus haut, les choses changent vite et on peut à cet égard être raisonnablement optimiste.
Nous avons contacté Gilles Paris, le propriétaire actuel et vice-président de la ffgolf, pour connaître plus précisément la situation et voir quels sont les débouchés possibles pour affronter une conjoncture de plus en plus incertaine. « Nous avons pendant dix ans mis en pratique la REUSE, jusqu’à ce qu’en 2010, la réglementation se durcisse avec, en particulier, l’exigence d’une eau de catégorie A, ce que la station d’épuration à laquelle nous étions raccordée ne pouvait garantir. Nous nous sommes donc repliés sur la solution du forage, telle qu’elle fonctionne aujourd’hui. L’utilisation de cette ressource soumise aux restrictions nous fragilise alors que nous avons la chance d’avoir une station à proximité.
Aujourd’hui, à l’heure où les pouvoirs publics sont particulièrement sensibilisés à cette problématique, nous sommes de nouveau dans une phase dynamique. Nous avons engagé des discussions avec l’ensemble des acteurs, la DDTM, l’ARS, l’agence de l’eau, la station de traitement et Véolia pour avancer et trouver une solution.
Les dernières réunions ont été très positives et j’ai bon espoir qu’on parvienne à débloquer enfin la situation. Cela
consisterait à court terme à installer une REUSE Box permettant de traiter entre 100 et 200m3/jour d’eau.
Il faut savoir qu’actuellement l’eau est rejetée directement en mer.
L’objectif à plus long terme – 3 à 4 ans – étant de rénover la station d’épuration, ce qui résoudra tous les problèmes du moment. Dans tous les cas, il y a urgence, surtout si l’été 2023 ressemble à celui de l’an passé…
Il reste encore quelques contraintes à lever: si des critères encore en vigueur aujourd’hui devraient disparaître, comme, par exemple, la limite liée à la vitesse du vent, il reste à aménager la période réglementaire de test de 6 mois pour pouvoir utiliser le nouveau dispositif en grandeur réelle dès cet été. Ce qui nous permettrait de faire face à une sécheresse estivale.
On est encore au stade des négociations et je reste optimiste sur l’issue. »
Au golf de Ploemel, c’est parti
Depuis cet été, un dispositif permet de réutiliser les eaux traitées de la station d’épuration de Plouharnel, pour arroser le golf de Ploemel. Le golf de Saint-Laurent – c’est son nom – s’étend sur 80 hectares, dont 30 hectares sont arrosés durant la période mars à octobre. Depuis le 9 août 2022, un dispositif a été développé par la communauté de communes, Aqta, permettant de réutiliser les eaux traitées de la station d’épuration de Kernevé, à Plouharnel, pour arroser ce golf. Saint-Laurent est un équipement communautaire, géré par Aqta et la société ex Bluegreen en Société d’économie mixte à opération unique (Semop).
A Baden, on ne badine pas
Les 70 hectares du golf sont la propriété de « golfe du Morbihan Vannes agglomération « et sont gérés en délégation de service public par Bluegreen.
Depuis 2022, on utilise les eaux usées et retraitées de la station d’épuration du Bono, située à 2,5 kilomètres. L’eau est analysée en permanence. Le golf de Baden n’utilise pas d’eau potable et a abandonné un forage présent sur le golf.
400 m³ d’eau seulement – et c’est volontaire – sont récupérées en moyenne par jour. Celle-ci est stockée dans des plans d’eau sur le golf. Sur une réserve de 24 000 m³ d’eau. Une démarche sobre et qu’il faut encourager.
En Sud Bretagne, au golf de Pornic, également
Depuis sa création au début des années 90, le golf de Pornic en Loire-Atlantique dispose d’un système d’alimentation en eaux usées retraitées depuis la station d’épuration voisine. Résultat: moins d’eau ponctionnée sur le réseau ordinaire de cette station balnéaire, et un parcours qui ne grille jamais, y compris en période de sécheresse et de restriction.
Disneyland, du parc au golf
Le golf Disneyland profite du complexe de loisirs. La REUSE est en fonctionnement depuis 2013. Avec succès.
Grâce au célèbre parc à thème qui a installé la station d’épuration dans l’enceinte même du site mais invisible des visiteurs.. En presque dix ans, le parc , golf inclus, a pu économiser plus de 2 millions de mètres cubes d’eau potable.
Sainte Maxime précurseur
Golf Planète avait publié un article l’an dernier sur le golf de Sainte-Maxime qui est précurseur en la matière. En voici des extraits :
« Depuis 2006, Veolia accompagne la commune de Sainte-Maxime dans la réutilisation des eaux usées traitées (REUSE) pour l’arrosage de son golf et de ses espaces verts. La solution idéale pour en finir avec le stress hydrique saisonnier de la ville…
… Lors des vagues de sécheresse, la ville se voit même dans l’obligation d’imposer des restrictions d’eau aux habitants, tandis que le golf, élément d’attractivité touristique clé, doit continuer d’arroser ses greens. Un vrai potentiel de tension, car chaque année, ce sont 300 000 m3 qui sont nécessaires pour irriguer les 60 hectares du golf !
Très tôt, Sainte-Maxime a cherché des solutions pérennes pour gérer cette problématique. C’est ainsi qu’elle a décidé, accompagnée par son partenaire Veolia, de réutiliser une partie des eaux usées traitées issue de sa station d’épuration pour arroser quelques espaces verts et le golf. A la suite de travaux de mise aux normes de la station d’épuration, une unité de traitement tertiaire pour la réutilisation des eaux usées traitées a été mise en place en 2006 et des canalisations ont été posées pour acheminer ces eaux « tertiaires » vers les lieux d’arrosage…
Depuis, le golf de Sainte-Maxime a complètement changé de ressources hydriques : historiquement arrosé avec de l’eau potable, il est désormais alimenté par de l’eau traitée recyclée issue de la station d’épuration, stockée dans un bassin de 10 000 m3 puis acheminée par pompage sur le parcours.
La collectivité ambitionne d’augmenter son périmètre d’arrosage des espaces communaux. Des perspectives tout à fait réalisables, puisque à ce jour, seul 20 % du flux rejeté par la station d’épuration est traité.
Le dispositif REUSE de Sainte-Maxime s’apprête à célébrer son quinzième anniversaire ».
Au Cap d’Agde, ça marche
Depuis 2021, le golf du Cap d’Agde, ouvert au public, est arrosé avec les eaux usées traitées par la station d’épuration Posidonia d’Agde. Malgré les difficultés d’application de la réglementation déjà évoquées, la région du Languedoc-Roussillon a fait ce qu’il fallait et a pu obtenir l’arrêté préfectoral d’autorisation pour doter les 115 hectares (et les 36 trous) des installations nécessaires. Ce qui permet aujourd’hui d’économiser plus de 200 000 m³ d’eau potable par an, dont près de 60 000 m³ par mois en haute saison. Les produits fertilisants économisés sont de 3 500 kg/an. Claude Goudard, le directeur du golf, ne regrette pas cette conversion :
« Les travaux ont réellement débuté en 2018 et se sont achevés en 2021 ; notre choix a été de les étaler sur les périodes hivernales afin de ne pas trop impacter le fonctionnement du golf en haute saison !
Nous sommes satisfaits de ce choix et j’encourage les golfs à le faire, si la REUSE n’est pas trop éloignée. Il faut savoir cependant qu’ un changement de ressource en eau implique forcément des ajustements quant à l’entretien du parcours mais rien d’insurmontable ».
Une indéniable réussite obtenue grâce à la volonté d’élus et de divers responsables, qui ont su anticiper la sécheresse que nous connaissons aujourd’hui.
Très bientôt, au tour de Cannes-Mandelieu
Sur le site internet de la Fédération, à la rubrique «Golfs en transition », on peut lire :
« Dès cet été, au Old Course du Golf de Mandelieu, on se raccordera à une usine de traitement des eaux. L’Old Course de Cannes-Mandelieu, en partenariat avec les collectivités locales du secteur, va mettre en place, en juin 2023, un nouveau système d’arrosage utilisant les eaux usées retraitées d’une station d’épuration voisine. Le but : ne plus utiliser un seul mètre cube provenant du réseau d’eau potable. Et pour ceux qui pourraient se plaindre d’une utilisation trop importante par le golf – environ 230 000 m³ d’eau par an-, il faut savoir que le volume prélevé dans les eaux usées retraitées ne représentera que 1,3 % du total sortant de la station d’épuration.
De plus, cette eau ne sera plus rejetée en mer et bénéficiera d’une qualité comparable à celle exigée pour les eaux de baignade, sans aucun risque sur le plan sanitaire.
Comme le soulignait David Lisnard, président de l’Agglomération Cannes-Lérins : « l’urgence climatique est bien réelle et nous ne pouvons nous permettre d’attendre encore des années pour réagir. »
À La Grande-Motte , l’affaire traîne un peu mais devrait avancer rapidement
Le 19 octobre 2022, le journaliste Thomas Pinaroli annonçait sur France Bleu Hérault que « le golf de La Grande-Motte (Hérault) va être en partie arrosé à partir du printemps 2023 par les eaux usées traitées dans la station d’épuration voisine. Le dispositif doit permettre de baisser la consommation en eau de la station balnéaire. Il pourrait être élargi à d’autres usages ».
La station balnéaire La Grande-Motte et l’agglomération du Pays de l’Or ont présenté leur dispositif de réutilisation des eaux usées traitées. Il prévoit d’arroser, en partie, le golf municipal . Et d’ajouter : « Ce sont au moins 250.000 mètres cubes d’eau traitée par la station d’épuration qui vont être utilisés », détaillait Sylvain Ribeyre, directeur général adjoint au pôle Eau de l’agglomération. Elle sera mélangée avec de l’eau du Bas-Rhône afin de réduire sa salinité, trop élevée pour faire pousser la pelouse.
Les travaux ont débuté en octobre 2021 et seront bientôt terminés. Un bassin de 1.700 mètres cubes pour stocker l’eau est en construction, ainsi qu’un raccordement de 2,5 kilomètres de tuyaux jusqu’au golf.
Le dispositif mis en place arrosera une seule partie du golf le temps de l’expérimentation, puis sera élargi à l’ensemble des 100 hectares », conclut Sylvain Ribeyre.
Sauf que, pour deux raisons au moins, les travaux prévus n’ont toujours pas commencé en raison d’une rupture dans la chaîne d’approvisionnement : « nous avons besoin de 3 500 arroseurs » explique Jean-Christophe Mathieu, le directeur du golf, qui poursuit : « et ce n’est pas tout ; le budget a littéralement explosé, passant de 1,6 à 3,4 millions d’euros, ce qui oblige à quelques négociations ».
A Saint-Cyprien (66), on reste optimiste
Si l’on en juge par les propos des responsables locaux dans le Quotidien « L’Indépendant » du 7 Février 2023, le projet de réutilisation des eaux usées de la station de dépollution de Saint-Cyprien vers le golf éponyme, dans les tuyaux depuis pas mal d’années, semble avancer rapidement. Il n’a même jamais été aussi proche de devenir réalité. C’est en tout cas ce que confirment Thibault Lormand, le président du golf et Thierry Del Poso, le président de Sud Roussillon et maire de Saint-Cyprien dans ce même journal, qui concluent : « On a retravaillé le dossier depuis un an avec l’État, la région, Sud Roussillon, Veolia et un bureau d’études. On a relancé la procédure d’autorisation avec l’espoir de décrocher un feu vert. Nous sommes en tout cas agréablement surpris par la position de l’État dans l’accompagnement du projet ».
En Corse, le Golf de Spérone irrigué grâce à la REUT de Bonifacio
La REUSE avait été inaugurée en 2018 par le Ministre de l’Écologie de l’époque, Nicolas Hulot, mais il a fallu quelque temps pour mettre définitivement au point le dispositif. Suite à l’infiltration d’eaux salées, l’arrosage du golf de Spérone était impossible. Aujourd’hui, les choses sont rentrées dans l’ordre, comme l’a annoncé récemment Jean-Charles Orsucci, le maire de Bonifacio, Lequel ajoutait qu’il comptait bien utiliser cette eau traitée également pour l’arrosage des parcs publics et l’entretien des rues notamment.
Dans le Sud-Ouest, les golfs ne pratiquent pas la REUSE
On imagine – et on espère – que suite aux incendies de l’an passé, la prise de conscience va s’accélérer…
En effet, hormis le golf de Bigorre à Bagnères-de-Bigorre, celui de Montauban et ceux de Charente et Charentes Maritimes, la région Sud-Ouest traîne les pieds, laissant aux agriculteurs puissants la faculté de puiser dans cette ressource, alors même que, là comme ailleurs, les nappes phréatiques se vident et qu’il n’y a plus de temps à perdre.
Quelques exemples à l’international
EN ESPAGNE
Sur la Costa del sol
Nous l’avons déjà souligné : l’Espagne a depuis longtemps décidé de recourir à la REUSE, en particulier dans cette région où le soleil brille presque tout le temps…
Ainsi, 70 % des golfs sont arrosés avec de l’eau recyclée , dont 37 sur 53 pour la partie ouest. Historiquement, les golfs se sont créés dans des zones touristiques qui ont souffert et souffrent de plus en plus du manque d’eau. En Andalousie, 25 parcours sur 60 utilisent ce système. La REUSE a fait tache d’huile, puisque dans la région de Madrid par exemple, 10 golfs sur 36 font appel à cette technique.
Il reste que là comme ailleurs, cela ne suffit pas toujours. D’autres solutions comme les bassins de rétention, la récupération des eau pluviales, sont aussi à l’ordre du jour.
Sur la Costa Brava
Le Camiral Golf & Wellness fait figure d’exemple !
On ne peut qu’être jaloux du fameux PGA Catalunya Golf Club rebaptisé il y a peu « Camiral Golf & Wellness » situé à proximité de Gérone, qui répond à toutes les cases du parfait « resort ». Et dont la politique pour préserver l’environnement et la biodiversité est saluée depuis longtemps déjà. Il y a longtemps que l’exemple des eaux usées recyclées ne fait plus débat et que les moyens ont été pris pour optimiser cette pratique, avec succès.
Nous reviendrons bientôt sur ce golf exceptionnel dans une enquête consacrée aux « resorts ».
Aux Baléares
A Minorque, en particulier, où on se soucie également beaucoup de protection de l’environnement, il y a longtemps qu’on ne se pose plus la question !
(voir notre reportage paru en janvier 2023)
AU ROYAUME-UNI
Circulez, n’y a rien à voir !
Il semble que cette question ne soit pas « à la une » ni même à l’ordre du jour des responsables de golf outre-manche. Ce qui est paradoxal dans la mesure où le nombre de parcours est très élevé. Manifestement, le dérèglement climatique avec l’augmentation de la température moyenne est moins important que par nos contrées et n’a pas franchi la Manche, pour le moment du moins. C’est pour cette raison probablement que les clubs sont moins sensibilisés au problème de consommation d’eau. À moins que l’opacité des informations les serve, eux qui rechignent à communiquer ainsi des données pas toujours très positives.
L’organisation GEO, leader en matière environnementale et spécialisée dans les golfs de Grande-Bretagne, avoue d’ailleurs son incapacité à produire la moindre statistique. Ce qui nous a particulièrement surpris de la part d’une structure qui se réclame au fait de ces questions et dont le siège est au cœur même du golf mondial, à North Berwick en Écosse. Peut-être aussi une façon de nous dire « Circulez, il n’y a rien à voir ! »
Cela nous rappelle l’incident dramatique qui s’est produit au cours de l’été 2022, durant lequel, afin d’éviter les inondations en ville et dans les immeubles, les eaux usées et les eaux pluviales mélangées ont été sciemment déversées depuis les côtes anglaises dans la Manche et la Mer du Nord, du moins c’est ce que laissent entendre si l’on en croit certains responsables politiques européens, en l’occurrence Français. On a vu en effet arriver sur nos côtes des effluents d’eaux contaminées, entraînant des effets désastreux sur la biodiversité marine, la qualité de l’eau et des restrictions de baignade. Certes, ce scandale n’a aucun lien avec le manque d’informations déploré plus haut mais il démontre cependant une certaine absence de volonté d’utiliser dans un domaine plus large que les golfs proprement dits toutes les possibilités qu’offre le recyclage des eaux usées traitées.
Lagunage aux Pays Bas
Comme l’expliquait le président Grizot récemment « Dans certains pays comme la Hollande, aucun parcours n’est arrosé avec de l’eau propre, seulement avec de l’eau de stockage ou même avec leur propre eau recyclée grâce à des systèmes de lagunage (ndrl : technique naturelle d’épuration des eaux). L’eau est filtrée naturellement en circulant dans des cailloux, du sable », précisait Pascal Grizot.
AU MAROC
Le Roi Mohammed VI lui-même l’a décidé
Pour se donner toutes les chances de capter la clientèle golfique internationale, Sa Majesté le Roi du Maroc a demandé à tous les responsables politiques, économiques de recourir à la REUSE, ce qui a été fait. Nous avons sélectionné quelques exemples situés sur l’ensemble du territoire qui sont des exemples de réussite incontestable.
L’exemple d’Agadir
Dans ses colonnes du 12 Septembre 2021, le journal marocain la VIE ECO avait largement commenté l’information. En voici quelques extraits : « Les golfs du Grand Agadir sont les premiers à avoir été au réseau de distribution d’eaux usées épurées. «Les quantités d’eaux épurées utilisées par les golfs pour l’irrigation de leurs greens durant l’année 2020 sont de l’ordre de plus de 3,54 millions de m3», est-il précisé auprès de la RAMSA… Mais dans cette transition écologique, il reste à assurer une bonne maintenance des systèmes d’irrigation qui est vitale dans la gestion des greens des golfs. Dans ces infrastructures, ce sont de gros investissements en termes d’équipements qui ont été consentis et réalisés par leurs propriétaires pour switcher vers l’arrosage avec des eaux usées épurées.
Dans l’état d’avancement du projet de réutilisation des eaux usées, il est souligné que les ouvrages du réseau de réutilisation alimentant le golf royal Agadir Ait Melloul sont pour leur part réalisés à 90%. Le réseau de distribution de la Commune Inezgane, d’une longueur de 4 km et 400 mm de diamètre, est de son côté aménagé complètement. »
Les bassins filtrants de Mogador à Essaouira
La célèbre ville de l’ouest du pays a déployé maints efforts pour une gestion optimale de la ressource en eau.
Ouvert en 2009, le golf de Mogador à Essaouira sur la côte atlantique, dans un domaine vaste de 580 hectares, entre dunes et forêt, domine l’océan et les plages. Le panorama est vraiment fascinant. Doté de deux parcours remarquablement dessinés par Gary Player, Il se distingue par un circuit d’arrosage couplé à un système de bassins filtrants qui traite les eaux usées. Ici comme ailleurs, un soin particulier a été apporté à la gestion de la ressource en eau, si précieuse.
À Marrakech, la capitale touristique, a enfin tout misé sur l’option « REUSE »
Près d’une vingtaine de parcours, en incluant les projets, font de Marrakech une destination incontournable pour les golfeurs avides de sensations fortes. Ces mêmes golfeurs qui, souvent, ignorent par quel miracle ces golfs ont trouvé les moyens de vivre malgré les difficulté liées, là encore plus qu’ailleurs, à la sécheresse. Ce sont près de 20 millions de m3 qui y sont consommés chaque année.
Une goutte d’eau par rapport aux 1 600 millions de m³ nécessaires à la région mais très symbolique de l’implication nécessaire des golfs auprès de la population.
Afin de préserver la nappe phréatique, la régie locale de distribution d’eau, la RADEEMA, utilise toute la potentialité de la station d’épuration, la Step, indispensable pour traiter les eaux usées du million d’habitants que compte l’agglomération de Marrakech. Il est désormais loin le temps où ces mêmes eaux grises étaient déversées directement dans la mer, à quelques 150 kilomètres de là. Grâce à des canalisations de 85 km financées en partie par les golfs eux-mêmes qui n’ont pas eu vraiment le choix et, la plupart du temps, s’y retrouvent, depuis 2013, le système fonctionne.
Grâce aussi à une bonne gestion, en particulier avec l’apport de plantes adaptées au climat, plantes grasses, d’arbres sélectionnés, que la consommation est en diminution par rapport aux estimations initiales. La Ville Rouge a gagné son pari et les touristes, golfeurs ou pas, ne peuvent que s’en réjouir.
Au golf de la Noria, par exemple, une merveille esthétique
Près de Marrakech, ouvert depuis le mois de novembre 2014, après 5 ans de travaux, le golf est entièrement arrosé avec l’eau recyclée de la ville. Doté de nombreux plans d’eau et bordé de palmiers, le golf de la Noria est une prouesse hydraulique, écologique et une merveille esthétique.
Le système de gestion centralisée Toro Lynx permet de consulter toute l’information essentielle du système d’arrosage via une interface pratique et intuitive.
La consommation moyenne en eau du golf en été est de 3 660 m3/nuit. L’irrigation du golf se fait entièrement avec les eaux recyclées de la ville, qui arrivent directement du réseau de la station d’épuration de Marrakech financée en partie également par les programmes immobiliers.
La station d’épuration, construite en 2008, a été modifiée en 2011 pour adapter l’eau traitée aux standards internationaux de qualité pour l’irrigation des parcs et jardins. Aujourd’hui, l’usine traite un volume annuel de 33 millions de m3 d’eau, ce qui correspond à la moitié de la consommation totale de la ville. Cette eau est utilisée pour irriguer la palmeraie, partie importante du patrimoine de Marrakech, les espaces verts, ainsi que tous les grands programmes immobiliers et golfiques de la ville. Et le surplus permet de recharger les nappes phréatiques.
AUX ETATS-UNIS
En Floride et dans quelques États de l’Ouest
Si l’on observe la situation en Floride par exemple, 500 golfs sur les 1 500 sont arrosés avec de l’eau recyclée, ce qui n’est pas rien. Sur l’ensemble du pays, on considère que 13 % des parcours bénéficient de la REUSE. Mais là comme ailleurs, la situation n’est pas simple à gérer.
Dans l’État d’Arizona par exemple, le très fameux golf de Scottsdale fait l’objet de nombreuses critiques voilées ou pas du public non-golfeur, inquiet de voir sa ressource en eau « pillée » par quelques privilégiés…
Un discours déjà entendu ailleurs ! Sauf que la spécificité du club tient en partie au fait que les 145 membres, qui ont sorti 300 000 $ de leur portefeuille pour devenir membre puis 60 000 $ de cotisation chaque année, ne veulent surtout pas qu’on vienne fouiller dans leurs affaires et exigent qu’à toute période de l’année les départs, greens et fairways soient d’un vert impeccable. Ce qui ne plaît évidemment pas aux 40 000 habitants qui, en conséquence, sont privés d’eau à cause de ce prélèvement.
Pourtant, le diagnostic ne date pas d’hier et la REUSE a été adoptée il y a un certain temps déjà. 37 % des golfs d’Arizona utilisent l’eau recyclée mais on constate que, malgré les progrès technologiques, il n’y a pas d’évolution positive depuis 2006. Le journal local a fait une longue enquête sur le sujet mais les golfs ne se sont pas montrés très coopératifs ; les autorités en la matière n’affichent pas non plus un très grand intérêt à cette question et rares sont les golfs dépassant les quotas d’utilisation d’eau qui sont sanctionnés…
A l’échelon national, la prise de conscience vient davantage du public. Le New York Times suggérait d’ailleurs aux futurs propriétaires de résidences autour de golfs, de demander aux promoteurs avant d’acheter s’ils comptaient utiliser l’eau recyclée…
AU JAPON
Une pratique couramment utilisée
Difficile d’obtenir des informations précises. On sait seulement que la pratique est couramment utilisée dans les golfs et qu’il ne s’agit pas d’un tabou, contrairement à d’autres pays.
Le dossier, loin d’être clos, en en plein développement et Golf Planète aura surement l’occasion de revenir prochainement sur l’utilisation de l’eau dans les golfs.
Roland et Denis Machenaud
Photos Getty/AFP, clubs de golf, Golf Planète, PGA, DR