Le Masters est sans doute l’événement golfique le plus suivi au monde après la Ryder Cup. Il le doit en grande partie à l’association étonnante entretenue par l’Augusta National Golf Club avec la chaîne de télévision nationale américaine CBS, diffuseur du tournoi depuis plus de 60 ans.
Par Sébastien Brochu
On en fait tous partie. Ou alors, on en connait tous un : un ami qui s’est intéressé au golf grâce aux retransmissions du Masters. Tard dans la nuit, à la faveur d’une insomnie, les yeux de Chimène se rendent compte de la beauté des fairways, de la popularité des champions et de l’intérêt sportif de ces derniers. C’est gagné !
La première télé en 1956
Combien de golfeurs dans le monde ont-ils ainsi découvert la vraie vie ? Des centaines de milliers sans doute et ce dès la première retransmission opérée en 1956 par la chaine nationale américaine CBS. Oh certes, l’audimat était loin d’être celui d’aujourd’hui : le taux d’équipement dans les foyers n’avait pas encore atteint ses records et le direct avait duré très peu.
Pionnier du “Géoblocage”
Mais le rendez-vous annuel était lancé ! Avec toutefois une restriction que l’on qualifierait aujourd’hui d’étrange : la zone de diffusion fut restreinte à la demande du club ! Aussi incroyable que cela puisse paraître, l’Augusta National se méfiait de ce nouveau média qui avait fait irruption dans la discipline deux ans auparavant, à l’US Open 1954 et fait en sorte que les foyers équipés d’un téléviseur dans les environs ne puissent pas voir les images du tournoi.
Une méfiance qui s’est doublée d’une forte attirance. Comme pour le cinéma, les dirigeants pensaient qu’il allait empêcher le public de venir en nombre. Mais d’un autre côté, ils savaient – Bobby Jones en tête – que le petit écran allait être un formidable outil promotionnel pour le club et le tournoi.
Pas de télé à 362 km à la ronde !
De 1956 à 1968, les passionnés habitant dans un périmètre de 362 km à la ronde de l’Augusta National Golf Club ne pouvaient donc pas regarder le tournoi à la télévision sous prétexte qu’ils auraient rechigner à prendre leur billet… Il faut dire que les premières années, ces malheureux ne rataient pas grand chose. Le dispositif mis en place par CBS, au grand dam du club d’ailleurs, n’était pas encore à la hauteur de l’événement.
La télé, un pouvoir en Majeur
En ce milieu des années 50, le Masters connaît une croissance exponentielle et s’il n’a pas encore le titre officieux de Majeur, il en a toutes les caractéristiques : la présence de champions, un prize-money élevé et une certaine idée de la tradition. La présence de la télévision (et le concours d’Arnold Palmer en 1960 qui désigne le Masters comme faisant partie du Grand Chelem) va définitivement placer l’événement parmi les plus grands.
Pas une question d’argent
La force principale d’Augusta dans ses relations avec la télévision est de ne jamais en avoir fait une question d’argent. La chaine ABC fut la première à dégainer un chèque en blanc, mais le club refusa pour se tourner vers la concurrente CBS qui accepta en retour des nombreuses conditions. La plus populaire demeure celle de ne jamais dépasser les 4 minutes de publicité par heure. La plus impopulaire, surtout au niveau local, fut donc celle de la restriction géographique de la diffusion.
Des débuts timorés
En 1956, la chaine avait dépêché sept caméras pour retransmettre les quatre derniers trous. La durée n’était alors que de 30 minutes le vendredi et 1 heure les samedi et dimanche. Soit 2h30 de programme, bien loin des 9 heures actuelles toujours diffusées par CBS…
Un accord insensé qui perdure
Depuis plus de 60 ans, CBS est le diffuseur attitré du Masters. Une association pour le moins incroyable dans sa durée mais tout aussi incongrue en ces temps de guerre des chaînes : le prix est bien inférieur aux standards actuels et le contrat ne dure qu’un an…