Neuf trous de play-off, 17 ans de circuit, 229e tournoi, Julien Guerrier aura patienté longtemps, très longtemps, pour remporter à 39 ans sa première victoire sur le DP World Tour. Le Rochelais est passé par toutes les émotions dans une journée marathon pour venir à bout de l’Espagnol Jorge Campillo dans cet Andalucía Masters 2024. Jon Rahm et Romain Langasque terminent dans le top 10.
Puisque l’histoire se termine si bien, c’est peut-être le moment d’évoquer les mésaventures de Julien Guerrier, avant de conquérir cette toute première victoire sur le circuit européen, à sa 229e tentative. Pour mieux mesurer combien celle-ci compte pour lui. Oui, par le passé, il faut bien le dire, le Rochelais avait manqué des occasions, comme lors de sa 3e place à l’Open d’Italie l’an passé, comme lors de sa fin de partie manquée lors du Cazoo Classic il y a deux ans.
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Il tournait autour, il s’en rapprochait, mais cette première victoire le fuyait. Parfois, ses nerfs l’avaient trahi.
50e victoire française, record de son coach égalé
Clin d’œil du destin, la porte s’est ouverte au terme d’une journée où il a égalé le record de son coach Raphaël Jacquelin qui, en 2013, avait remporté l’Open d’Espagne lors du plus long play-off du DP World Tour, au 9e trou. Record égalé donc. Et 50e victoire pour un Français dans l’histoire du DPWT. Le natif d’Évreux est vraiment rentré dans l’histoire du golf ce dimanche à San Roque.
Combien de fois a-t-il pensé perdre, ou gagner, ou perdre, dans un dimanche complètement fou ? Co-leaders détachés samedi soir, Julien Guerrier et Jorge Campillo se sont lancés dans un mano a mano au scénario totalement ébouriffant.
Le début de partie du Français, dans un dernier tour qui s’annonçait à haute tension, a ressemblé à sa démonstration des journées de jeudi (62) et de samedi (63). Sans un « fer à cheval » au trou n°1 et avec un soupçon de réussite en plus, il aurait pu creuser l’écart sur son rival. Parti à égalité avec l’Espagnol, Guerrier a frappé le premier avec des birdies aux trous 2, 3 et 5 qui lui ont offert deux coups d’avance.
Sans quelques miracles sur les greens de son adversaire direct, son avance aurait même pu être plus importante.
Un drive qui frôle le hors-limite…
Et puis le vainqueur du Magical Kenya Open 2023 a recollé et s’est même offert deux coups d’avance, quand il a réussi une nouvelle ficelle pour birdie au 10, tandis que son adversaire, dans ce presque match-play, trébuchait pour la première fois avec un bogey qui était presque une bonne opération, alors que le drive de Julien Guerrier avait frôlé le hors-limite.
Mais il était dit que les émotions et les montagnes russes vécues par le Français dans ce tournoi, comme il les détaillait la veille au soir, allaient durer jusqu’au bout du bout. Le 207e mondial réduisait son retard avec un birdie magistral au 11, poing serré. Le 12 constituait une nouvelle bascule : premier bogey de la semaine de Campillo, dont l’attaque de green trouvait l’obstacle d’eau, un birdie presque facile du vainqueur du British amateur 2006, plein green en deux sur ce par 5.
De nouveau en tête à six trous de la fin, Guerrier était rattrapé par la pression avec un malheureux double bogey au 13, conséquence d’un coup de fer trop à gauche et d’un premier chip trop timide. Au 14, sa sortie de bunker, trop courte, le privait d’un birdie à sa portée.
Un putt rageur pour arracher le play-off !
En retard d’un coup à l’entame du 18, après avoir frôlé la correctionnelle au 16 et au 17, Guerrier expédiait une bombe plein milieu du fairway tandis que Campillo trouvait le gros rough. Un « flyer » de l’Espagnol dans le bunker et la porte semblait ouverte pour Julien. Mais son coup de wedge s’égarait à gauche. Son chip un peu long finissait à six mètres du trou. Après le bogey attendu du joueur d’Estrémadure (le deuxième de la semaine), Guerrier réussissait un putt de champion pour sauver le par !
Direction le play-off, et l’espoir d’une victoire dès ce premier passage sur le 18, quand Campillo grattait un chip… Mais le « local hero » sauvait sa tête d’un maître putt de 5 mètres. Au 3e acte du play-off, l’Espagnol manquait sa chance pour le birdie, une occasion franche à quatre mètres…
Un putt de 2,50 mètres…
Avec un détour vers le trou 17, les pars se sont alors enchaînés, au 4e, 5e, 6e, 7e et 8e trous supplémentaires. Et puis au 9e acte, Campillo a hooké son drive et expédié un coup de fer lointain dans un bunker, à gauche. La sortie compliquée, trop courte, lui a coûté un bogey, le premier des deux hommes dans cette prolongation à rallonge. L’occasion était trop belle pour le 207e mondial, mais après un chip un peu long, il lui restait alors à rentrer 2,50 m. Tout droit certes, mais après une si longue attente… Après tant de haut et de bas dans la tête…
Solide comme un roc avec son instrument du jour préféré, le putter, le Rochelais a rentré les 2,50 mètres les plus importants de sa vie de golfeur et a pu laisser exploser sa joie, mesurée certes. Peut-être était-ce la fatigue. Peut-être l’émotion… Mais la joie était là quand même. Intérieure. Immense.
In 2005, Julien Guerrier made his debut on the DP World Tour…
19 years later, he defeats Jorge Campillo in a nine hole play-off to claim his first title! 👏#EDAM2024 pic.twitter.com/FUf9DDR1m8
— DP World Tour (@DPWorldTour) October 20, 2024
J’ai pensé à mes enfants avant de rentrer le dernier putt.
Julien Guerrier
« J’ai pensé à mes enfants sur ce dernier putt, a expliqué Julien Guerrier, des trémolos dans la voix. Je n’en reviens pas d’avoir gagné. Mon jeu de fers n’était pas bon aujourd’hui, mais mon putting, oui. Il m’a sauvé. »
Sa patience et ses nerfs, aussi, mis à rude épreuve, ont tenu le choc. Arrosé par ses copains la victoire en poche, Julien n’en avait sûrement pas fini avec cette incroyable journée. La fête s’annonçait belle. Le repos du Guerrier attendra…
Dans un tournoi qui s’est résumé à cet incroyable chassé-croisé entre deux joueurs, et une issue tellement belle pour le golf français, on retiendra aussi la belle 7e place de Romain Langasque, la 6e un peu décevante pour lui de Jon Rahm, ou encore le joli finish de Victor Perez (68). Mais la grande histoire était bien sûr ailleurs…
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Photo : Andrew Redington / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP