Une grande page du livre du golf rappellera dorénavant la 7e visite de Céline Boutier à l’Amundi Evian Championship. En tête au départ du dernier tour en ordre de marche, la fameuse pression laissée au fond du sac, le trophée n’attendait qu’elle.
Par Philippe Hermann
En arrivant à Evian, Céline Boutier, classée en 15e position à l’échelle mondiale, savait qu’un possible succès devrait éviter le dangereux passage par les fourches caudines de la pression si une lutte pied-à-pied se profilait pour la victoire. La plus haute marche du podium, la jolie championne l’a déjà fêtée à trois reprises sur le difficile LPGA Tour. Du haut de ses 165 cm, Céline compte aussi deux sélections en Solheim Cup qu’elle rejouera avec le Team Europe en septembre à Finca Cortesin, en Andalousie.
A 29 ans, cette expérience était la bonne arme face à l’atteinte psychologique que ne manque pas de créer, malgré lui, un public trop épris, trop conquis, voire possessif et qui le fait savoir. A un degré moindre, Christophe et Jacqueline, ses parents, son frère Kévin et Christie, sa sœur jumelle, sont calmes sans doute, mais pas vraiment neutres, ce qui est compréhensible. S’en mêlent encore les organisateurs qui font sonner un « Allons enfants de la patrie…» la veille en répétition de la remise de prix, déjà heureux, comme la presse hexagonale que la victoire française récompense ainsi pour tous ses suppléments, comme l’excitation, puis l’émotion ressentie en cabine Golf+ à la télé…
Soutien de chaque instant
Bref, une Française en tête d’un Majeur, qui plus est en France, ça fait du bros bruit. Allait-il perturber à la longue le calme montré sur les deux premiers trous par Céline y prenant deux birdies et autant de confiance jusqu’au virage ? Non. Concentrée comme jamais, la pression laissée à d’autres, elle était déjà prête, en sortant du n°12 avec un coussin de cinq coups sur Hataoka et six sur Henderson. Elle n’avait plus qu’à dérouler pour prendre la suite des deux seules françaises majeures, Catherine Lacoste (1967) et Patricia Meunier-Lebouc (2003) et remettre les Rolex à la bonne heure.
Un talent induit
Céline pratique son sport aux Etats-Unis. Passée pro en 2016, elle vit seule à Dallas, partie de Clamart où elle est née de parents thaïlandais. Céline peut être citée pour illustrer l’idée que les femmes d’Asie-Pacifique sont plus douées que d’autres pour le jeu de golf, ce que démontrent en nombre les Coréennes, telles Minjee Lee (australienne) et Jin Young Ko parmi les plus récentes gagnantes à Evian. Un peu à la façon des Afro-américains dominateurs en basket ou les indo-pakistanais au cricket, dit-on. Mais Céline est d’abord franco-française.
Une opposition mouchetée
A part ça, nous nous attendions à une foire d’empoigne au 4e tour de cet Amundi Evian Championship, après le 64 de Nelly Korda la veille. Mais non. Détentrice du titre, Brooke Henderson sortait un exceptionnel 29 à l’aller hier. Jamais a-t-on joué aussi bas les neuf premiers trous dans un Majeur féminin, mais juste 70 pour sa 2e place. Les espoirs d’une lutte au premier sang s’évanouissaient, malgré la première et seule erreur de Céline Boutier au trou n°13. « Nobody is perfect ». Mais même sans une prise de tête au premier sang, la victoire reste belle pour la lauréate, et comment !
Un dernier Majeur pour le plaisir
Un parachutiste tricolore atterrissait à ses pieds pour lui remettre, entouré de 18 000 fans, un trophée déjà remporté par le who’s who du golf féminin mondial qu’elle rejoint maintenant, pas plus émue que cela ! Elle pourrait très bien fêter une redite le 13 août au 4e tour de l’AIG British Open à Walton Heath, le dernier des cinq tournois du Grand Chelem de l’année.
Photo : Mark Runnacles / LET