Pour son premier Championnat du monde, Antoine Rozner a répondu présent, s’offrant le scalp de Bryson DeChambeau, n°5 mondial, et en finissant à un demi-point seulement de l’Anglais Tommy Fleetwood, vainqueur du groupe 5. De retour en France, le Racingman, 64e joueur mondial, s’est posé quelques minutes en répondant sans détour à nos questions. Le WGC-Match Play, le PGA Tour, Victor Perez, la vie aux Etats-Unis, son programme pour les prochaines semaines… Il n’a occulté aucun sujet. Interview.
Que retenez-vous en priorité de cette première expérience dans un Championnat du monde ?
Que du positif ! C’est une première expérience aux Etats-Unis en tant que professionnel, un très beau moment… Cela donne surtout très envie d’y retourner le plus tôt possible…
N’est-ce pas un peu rageant quelque part d’être le seul golfeur de ce WGC-Match Play à afficher deux victoires et ne pas être qualifié pour les 8es de finale ?
Je suis le seul en tout cas à ne pas avoir été en play-off. Ou l’un des rares… Mais oui, quelque part, je n’ai pas eu ma chance dans un play-off. Cela n’a pas tenu à grand-chose. C’est comme ça. C’est la dure loi de ce format. Mais en retenant le positif, je dirais que j’ai fait deux très bonnes parties (victoires 2up sur DeChambeau et 3&1 sur Si Woo Kim). Et une moins bonne contre Fleetwood (défaite 4&3). Et puis il y a ce match contre DeChambeau, qui fut un grand moment… Mais franchement, ce fut une expérience de dingue.
Justement, face à Tommy Fleetwood, qu’est-ce qui aurait pu faire pencher la balance de votre côté ?
Rien. Je passe à côté de ma journée. J’ai mal joué. Il y avait beaucoup de vent. J’ai été trop agressif, un peu comme la veille mais le problème, c’est que c’était plus dur. J’ai fait trop d’erreurs stratégiques. C’est le seul regret de ma semaine. Je n’ai même pas réussi à le faire douter une seule seconde, le mettre sous pression… C’est dommage.
Tout le monde était un peu curieux de savoir ce qu’allait faire DeChambeau en Match Play. Et se faire battre par, entre guillemets, un inconnu français, cela a marqué les esprits.
En revanche, Bryson DeChambeau a très souvent été mis en difficulté face à vous…
C’était différent. J’ai bien démarré. C’était énorme. Il y avait beaucoup de monde qui suivait la partie. C’est le joueur dont tout le monde parle en ce moment. Ce fut pour moi une très belle performance de prendre le gain du match. J’ai rentré quelques putts pour le par qui lui ont fait très mal… Je pense qu’il avait plus à perdre que moi ce jour-là. Et cela s’est peut-être ressenti. J’ai fait un très bon aller (2 up avec trois birdies). Après douze trous, j’étais 3 up. C’était l’entame de partie parfaite. Ce fut un peu plus compliqué sur la fin où j’ai raté quelques coups. Il y avait néanmoins un peu de pression pour pouvoir battre le joueur dont tout le monde parle actuellement… Je me répète, mais ça a été un très grand moment.
Ce match vous a-t-il permis de vous faire connaître du public américain ?
Sûrement ! J’ai reçu ce jour-là beaucoup de messages de félicitations d’Américains. J’ai beaucoup d’amis de l’université (Missouri-Kansas City) qui m’ont envoyé des messages… Tout le monde était un peu curieux de savoir ce qu’allait faire DeChambeau en Match Play. Et se faire battre par, entre guillemets, un inconnu français, cela a marqué les esprits. C’était vraiment marrant. Je crois que ça a fait bien le buzz outre-Atlantique.
Au départ de ce premier tour, sur le site officiel du WGC-Dell Technologies Match Play, vous étiez le seul parmi les 64 joueurs engagés à ne pas avoir de photo d’identité…
(Il rit) Je crois que c’est un souci de serveur car j’avais fait toutes les photos mais, apparemment, ils n’ont pas réussi à la mettre en ligne… Je ne sais pas trop au juste… Je n’ai pas tout compris. Mais comme par hasard, une fois après avoir battu DeChambeau, la photo a été mise en ligne…
Je n’ai franchement pas grand-chose à me prouver. Dans une bonne semaine, j’ai le niveau pour rivaliser avec tout le monde.
DeChambeau, il est comment dans un Match Play ?
On n’a pas échangé un mot (rires). Je crois que j’ai dû lui poser une question, savoir où il vivait… Mais à part ça, on ne s’est pas adressé la parole de la partie.
Il parait qu’il était assez avare pour donner les putts… Vous confirmez ?
Au 10, il ne m’a pas donné un putt de quinze ou vingt centimètres je crois… Mais bon, ça me fait plus marrer qu’autre chose. Il n’y a pas de quoi se frustrer. C’est un Match Play. S’il ne veut pas donner, il ne donne pas. Au trou d’après, il m’a donné un putt qui était à la limite, il aurait pu ne pas le faire…
En tout cas, cela vous a permis de rivaliser avec les meilleurs golfeurs de la planète. N’était-ce pas finalement le but que vous vous étiez fixé en arrivant à Austin ?
Non, car je n’ai franchement pas grand-chose à me prouver. Dans une bonne semaine, j’ai le niveau pour rivaliser avec tout le monde. Le plus important était surtout de savoir comment j’allais gérer l’événement, comment j’allais m’en sortir, me sentir bien… Sur ce point, ce fut une bonne confirmation pour moi. Même dans un grand tournoi comme celui-ci, j’avais la capacité d’assurer, d’être présent, d’être au rendez-vous. J’étais très content de pouvoir produire un tel niveau.
Mon ancien coach de Fac, J.W. Vandenborn, est venu me voir sur place. Du coup je lui ai donné deux places. Un autre copain est venu me suivre aussi. Bref, je n’étais pas perdu. Je savais où j’étais. J’ai même rigolé avec le public.
La prochaine étape à court terme, c’est donc le PGA Tour ?
A court terme, je ne sais pas. En tout cas, je vais tout faire pour. Il va falloir que je grignote des points au classement mondial, c’est une évidence. J’ai encore quelques tournois en Europe qui vont arriver avant l’USPGA au mois de mai (20-23 mai à Kiawah Island, en Caroline du Sud). Mon premier Majeur. Cela va être top. Je pense toutefois qu’il faut que je sois bien concentré sur les tournois du Tour européen et essayer malgré tout de me préparer au mieux pour les grands événements qui vont venir bientôt…
La filière FFgolf aux USA vous a-t-elle aussi permis de vous adapter plus facilement au jeu à l’américaine, aux parcours aux Etats-Unis, à la culture de là-bas ?
Au jeu, je ne sais pas. Plus à l’ambiance et à l’état d’esprit américain. C’est évident. Je connais les Américains, je sais comment ils fonctionnent, je parle très bien anglais… Cela m’a donc permis de bien me sentir cette semaine à Austin au WGC-Match Play. Mon ancien coach de Fac, J.W. Vandenborn, est venu me voir sur place. Je savais qu’il viendrait, du coup je lui ai donné deux places. Un autre copain est venu me suivre aussi. Bref, je n’étais pas perdu. Je savais où j’étais. J’ai même rigolé avec le public. J’ai su faire tout ça. Tout ça m’a permis de passer une très bonne semaine et de m’adapter plus facilement, c’est vrai.
Durant cette semaine au Texas, connaissiez-vous personnellement certains joueurs qui ont pris part à ce WGC ?
Surtout les Européens. Chez les Américains, je ne les connais pas plus que ça, non (il réfléchit). DeChambeau ? On avait joué un tournoi en université, mais il ne se rappelait pas de moi. Je comprends !
J’ai fait une demande d’invitation au Valero Texas Open. J’aurais beaucoup aimé rester une semaine de plus. Mais les organisateurs souhaitaient avoir dans leur champ des joueurs qui vont disputer le Masters.
Qu’avez-vous pensé de la prestation très solide de Victor Perez ?
Il a fait une super semaine. J’ai pu regarder ses matches. La journée de samedi (8es et quart de finale), il a joué fantastique. Je pense qu’il n’a vraiment rien à se reprocher sur son dimanche. C’est le Match Play, tout peut se passer. Mais il a produit une excellente semaine. Il a encore marqué de très bons points. Victor sera malgré tout très content de sa semaine, je n’en doute pas une seule seconde.
Quel va être maintenant votre programme pour les prochaines semaines ?
A priori, je vais reprendre pour le tournoi aux Canaries (Gran Canaria Lopesan Open, du 22 au 25 avril), ensuite il y aura l’Open de France (6-9 mai au Golf National). Même si c’est encore un peu compliqué de se projeter. J’attends de voir si tous les tournois vont être confirmés.
Jouer sur le PGA Tour au Valero Texas Open à partir de jeudi, dans la foulée du WGC-Match Play, cela aurait été une possibilité pour vous ?
J’ai fait une demande d’invitation. J’aurais beaucoup aimé rester une semaine de plus. Mais les organisateurs du tournoi souhaitaient avoir dans leur champ des joueurs qui vont disputer le Masters (8-11 avril). Vu que je ne suis pas dedans, ils ne m’ont pas donné d’invitation. C’est comme ça. Ce sera pour la prochaine fois !
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