Onze. Ils sont onze français à avoir déjà foulé le mythique Augusta National Golf Club depuis la création du Masters en 1934. Dernier dans cette short-list, Victor Perez, présent cette semaine pour la 85e édition, va tenter de faire aussi bien, sinon mieux, que Thomas Levet, 13e en 2005. C’est pour l’instant, le meilleur résultat d’un tricolore en Géorgie !
Victor Perez, 29e joueur mondial, demi-finaliste du dernier WGC-Dell Technologies Match Play à Austin (Texas), va, crise sanitaire oblige, disputer son second Masters en moins de six mois. Il est, à ce titre, le quatrième français à enchaîner au moins deux Masters d’affilée, après Philippe Ploujoux (1982, 83) Thomas Levet (2005, 06) et Victor Dubuisson (2014, 15, 16).
En novembre dernier, dans des conditions de jeu bien différentes de celles habituellement au rendez-vous au début du mois d’avril, le Tarbais était parvenu à passer le cut avec deux cartes de 70 (-2) et 71 (-1) avant de finir à la 46e place après avoir joué 76 (+4) et 72 (par) durant le week-end.
Sur des greens plus réceptifs qu’à l’accoutumé, il n’avait pourtant pas réussi à trouver la clé (1,71 de moyenne par trou contre 1,66 de moyenne pour le champ, avec notamment quatre fois trois putts). Il n’avait pas non plus fait la différence sur les pars 5 avec quatre birdies contre trois bogeys en quatre tours.
Déménagement vers la Floride…
Il fut en revanche très précis sur ses mises en jeu (82 % de fairways touchés) et sa moyenne sur les greens pris en régulation demeure encourageante : 65 %.
Qu’en sera-t-il cette semaine alors que les greens seront bien plus fermes et bien plus rapides ? Pourra-t-il faire aussi bien sinon mieux que Thomas Levet, 13e en 2005 et pour l’instant détenteur du meilleur résultat tricolore à Augusta ?
On peut y croire tant Victor Perez, qui a encore effectué deux jours de reconnaissance à Augusta avant de rejoindre le Texas pour le WGC-Match Play, semble marcher dans les pas du Racingman.
Comme lui, il veut poursuivre sa carrière sur le PGA Tour. Il serait même en train de programmer un prochain déménagement en Floride, là où vit toujours Thomas Levet, justement…
Pélissier, le pionnier
Depuis 1934, date de la première édition du Masters, Victor Perez est le onzième golfeur tricolore à avoir fouler le mythique parcours dessiné par Bobby Jones et Alister MacKenzie.
Le premier de cette “cordée” se nomme Albert Pélissier. Prof de golf à la Bastide du Roy, du côté de Biot (06), il reçoit, à presque 35 ans, une invitation pour disputer le Masters 1952 grâce à l’intervention du Sud-Africain Bobby Locke, 10e du Masters 1948 et surtout quadruple vainqueur de The Open.
Après une traversée de l’Atlantique en bateau, celui qui enseigne ponctuellement le maniement des clubs aux stars du cinéma en villégiature sur la Riviera ne joue que deux tours (78 puis 80) et décide de se retirer (le tournoi n’avait pas de cut avant 1957), estimant, comme l’indique le site web de la Fédération française de golf (FFG), qu’il n’a pas le niveau pour rivaliser avec les meilleurs.
La consécration d’une vie pour Garaialde
Henri de Lamaze lui emboîte le pas six ans plus tard. Détenteur du record de victoires en Championnat de France amateur (14 en 25 ans), il bénéficie lui aussi d’une invitation pour l’édition 1958. Il a 39 ans. Et comme Pélissier avant lui, De Lamaze est broyé par le parcours (84 puis 81). Il manque donc très largement le cut instauré l’année précédente.
Il faut attendre 1964 pour voir de nouveau le drapeau français flotter au-dessus du leaderboard principal d’Augusta. Le meilleur golfeur tricolore des années 60 et 70, Jean Garaialde, est invité en tant que n°1 de l’ordre du mérite continental européen.
A 29 ans, il partage ses deux premiers tours avec l’Américain Art Wall, lauréat du Masters 1959, mais ne franchit pas le cut (75 et 78). Il revient en 1966, pour la même punition : 77 et 79.
« Jouer le Masters a été pour moi la consécration d’une carrière, explique-t-il à Figaro Golf. C’était un monde à part. L’organisation était l’équivalent d’un hôtel 5 étoiles. A l’enregistrement des joueurs, on m’a proposé pour toute la semaine une voiture qui n’avait pas 100 kilomètres au compteur. Les vestiaires étaient magnifiques, avec une moquette épaisse, et des téléviseurs partout. On pouvait nous servir à manger à n’importe quel moment de la journée. Des prestations uniques à l’époque. »
Ploujoux, seul français en tête du Masters
Vainqueur du British amateur 1981, Philippe Ploujoux a eu le grand privilège de jouer deux années de suite le Masters (c’était la donne à l’époque, réduite aujourd’hui à un an).
Installé dans le Crow’s nest (le nid du Corbeau) où sont traditionnellement logés les joueurs amateurs (ce fut le cas par exemple pour Jack Nicklaus, Ben Crenshaw et Tiger Woods), Ploujoux ne fera jamais mieux que 81, sur les quatre tours disputés sur deux ans.
« Mais en 83, j’ai été le seul français de l’histoire en tête du Masters, se rappelle-t-il dans un large sourire malicieux. Le premier jour, j’avais fait le par au 1 et au 2 puis birdie au 3 et au 4. J’étais à -2 après quatre trous, tout en haut du leaderboard. Bon, ça s’est gâté par la suite mais ça reste un moment inoubliable… »
L’éclipse version bleu-blanc-rouge à Augusta va ensuite durer dix-sept ans.
Van de Velde, ouvre la porte le week-end
Jusqu’à Jean Van de Velde, en 2000. Présent sur le PGA Tour cette année-là après son terrible Open britannique à Carnoustie en 1999, le Landais entre dans l’histoire en franchissant le cut malgré un 76 (+4) au premier tour. Il finit même 19e en jouant 70 (-2) le dimanche mais ne rejouera plus à Augusta.
Comme Van de Velde, qui avait validé son billet en ayant pris la 2e place de l’Open britannique, Thomas Levet débarque au Masters 2003 grâce à sa 2e place au British 2002 (perdu en play-off face à Ernie Els).
En raison d’une météo exécrable en début de semaine, Levet ne peut boucler que 15 trous de reconnaissance le mercredi et doit se contenter d’un 79 et d’un 77. Il revient en 2005 avec un peu plus d’expérience et parvient à jouer deux fois sous le par (71 le jeudi, 68 le samedi).
Sa 13e place, record à battre pour un Français, lui permet de se « qualifier » l’année suivante. Mais il manque le cut pour un malheureux point…
Havret, neuf trous en enfer
Victorieux au British amateur 2006, Julien Guerrier, 21 ans seulement, prend le départ du Masters 2007 en compagnie d’une légende, Gary Player, alors âgé de 71 ans. C’est, hélas, un véritable calvaire pour le Rochelais, qui poste 83 et 81 : +20 en 36 trous. Player, lui, jouera 77 (+5) le 2e jour.
Deuxième de l’US Open 2010 à Pebble Beach (Californie), Grégory Havret est le 8e golfeur tricolore en lice pour l’édition 2011. En position très favorable pour être présent le week-end après un 70 (-2) inaugural, il dévisse sur les neuf trous du retour le vendredi (cinq bogeys et un double entre le 10 et le 18) avant de signer une carte rédhibitoire de 79 (+7).
Deux Français en 2016, une première
Baptisé « Cactus Kid » par les Américains quelques semaines plus tôt à l’issue de sa finale perdue au WGC-Match Play face à l’Australien Jason Day dans le désert de l’Arizona, Victor Dubuisson ne réussit pas à franchir le cut en 2014, malgré un sublime eagle sur le 13 : 74 et 75.
Pensionnaire du top 50 mondial (15e le 1er février 2015), il revient à Augusta l’année suivante mais manque encore le cut en signant de nouveau 74 et 75.
Encore là en 2016 (33e mondial à la fin 2015), le Cannois parvient cette fois à passer le cut et termine 42e sans avoir joué une seule fois sous le par : 73, 76, 76, 74.
Il est toutefois devancé par le vainqueur du British amateur 2015, Romain Langasque, 39e à +10, auteur notamment d’un superbe 68 (-4) le dimanche. C’est d’ailleurs à ce jour la seule fois où deux Français ont été engagés dans un même Masters…
Photos DR et AFP/Getty