Le monde du golf professionnel s’est choisi une direction extravagante pour mener ses prochains exercices. Ce sera à coups de dollars et d’euros versés sans fin dans un nouveau tonneau percé des Danaïdes. Alors laissez-moi vous dire mon sentiment très personnel. Je ne crois pas être le seul à le partager.
En cette fin de saison, faisant le bilan des uns et des autres, je partais pour applaudir les jeunes « énaurmes » talents tels Collin Morikawa, roi d’Europe à 24 ans, ou Viktor Hovland démontrant qu’un petit pays comme la Norvège peut semer le trouble dans les grands classements.
Mon carnet de notes me rappelait aussi la surprenante qualité du “Team Europe” ratiboisant la Solheim Cup 2021 pour y défaire les top-girls Lexi Thompson et Nelly Korda, la n°1 mondiale menacée de perdre son trône depuis que Jin Young Ko, autre coréenne exemplaire, se soit récemment vautrée avec délice dans les dollars à profusion du CME Group Tour Championship.
Imperfections
Côté déplaisir, l’absence de Tiger Woods, le swing de Bryson deChambeau, les J.O. de Tokyo sans public devaient quitter mon clavier sur un goût d’inachevé, comme la saison plutôt décevante d’Albane Valenzuela.
Juste 73e au ranking CME du LPGA Tour, 8e à celui des « rookies », elle semble n’apprécier que mollement le compliment soupçonné d’être critique. “Peut bien mieux faire”, dirait le prof. Que tous mes encouragements l’accompagnent en 2022, partagés cette fois avec Morgane (c’est fait) et Kim (à voir le 12 décembre) Métraux venant tripler la présence helvétique sur le LPGA Tour.
Bonne note
J’étais donc parti pour développer ces approches et d’autres comme la célébration du 150e Open Championship disputé en juillet à Saint Andrews, l’ouverture au golf féminin à Muirfield (Ecosse), dernier bunker misogyne, en y recevant le Women’s British Open, tournoi majeur.
Et, dans un laps de temps très court, je me retrouve pris, avec vous, dans une tempête de dollars inattendue.
World Tour contre World Tour
La première bourrasque Force 8 est annoncée par Greg Norman dans le cadre du projet d’un circuit mondial, sa vieille idée de 1994, en démarrant par l’Asie.
$200 millions sur dix ans et quelques tournois avec l’appui de séoudiens, les mêmes qui permettent un tournoi féminin pour autant que la jupe habituelle y soit bannie, le pantalon noir étant bien plus seyant disent-il dans leur djellaba.
Pas question, hurlent Jay Monahan (PGA Tour) et Keith Pelley, voyant leurs stars plonger dans la proposition. Et les airs de s’apaiser.
Forcément plus riche
Pas pour longtemps. C’était le 9 novembre à Dubaï. Pelley, pas vraiment l’homme de toutes les lumières: “Saison 2021 finie, vive 2022”. Le circuit européen devient le DP World Tour!
DP World est une marque industrielle dubaïote aux poches sans fond associée au European Tour qui, avec l’appui de ce “World”, devient donc mondial.
47 tournois dans 27 pays, on est bien dans le world appuyé sur une manne émirati qui passe à 200 millions par an auxquels concourent aussi les dotations à sept chiffres de cinq Rolex Series.
Pour Norman, le Force 8 est devenu ouragan. Les Poulter, McDowell, Mickelson ont arrêté de penser… “Ce que tu peux faire ami séoudien, je fais bien mieux”, dit-on au pied de la Burj Khalifa.
Les gros sous d’Uncle Monahan
Avec tout ça, le golf “étasunien” reste bien coi… Bizarre, bizarre… Mais tout arrive.
D’abord, le LPGA Tour ouvre le ban légèrement partagé par le LET (Ladies European Tour) dont il se mêle de la direction.
Ce seront 34 rendez-vous et près de 90 millions, autre record, et sept autres dotant juste le tournoi de clôture. Messieurs, vous n’êtes plus autorisés à vous moquer de nos dames.
Là où il y a de la gêne
Mais tout cet inventaire prend un vieux coup de fer 1 (même le bon Dieu ne le joue pas) dans les côtes quand enfin Jay Monahan le boss du PGA Tour fait l’inventaire de son artillerie lourde à son tour.
Chiffre d’affaires projeté 2022 en dollars: un milliard et demi! La dotation d’une cinquantaine de tournois est portée à 427 millions, certains en offrant douze… Trop c’est trop.
Arrêtons-nous là !
Où est le vrai golf dans ce coffre-fort? Les pros des circuits – enfin ceux qui en ont les clés – sont sûrement très heureux et les plaies d’argent ne sont pas mortelles.
Mais comme moi, vous connaissez des sports où l’or-en-barre a pourri ou abîme encore les relations humaines dans tous les sens.
Et voilà le golf, sport propre, classique, riche en traditions de ses siècles d’histoire, qui passe dorénavant par un tamis arabo-persique comme un quelconque club de foot, bien loin de notre passion dès qu’on gratte un peu. Ca ne vous chiffonne pas?
Philippe P. Hermann
©Getty/AFP