Après les propositions de durcir les roughs pronées par Brandel Chamblee, Thomas Levet suggère de réglementer la tête des clubs.
L’évolution technique du matériel est indéniable, on est loin des bois au sens propre du terme. Chaque année les marques sortent de nouveaux clubs pour améliorer la puissance et la précision des golfeurs. Les professionnels profitent également de ces innovations qui expliquent en partie l’allongement des distances. Dans les chiffres mis en avant par Brandel Chamblee, les pros ont gagné 40 yards en 40 ans.
Avec la taille des clubs actuels tu peux prendre le risque de te désarçonner sur un drive
Thomas Levet pense que les clubs sont devenus trop faciles. « Les progrès du matériel ont permis d’agrandir la surface de frappe, explique le désormais consultant de Canal+. Aujourd’hui, même avec une balle prise à la limite du club (talon ou pointe), le coefficient de restitution est de 1,45, voir plus. Avec les Persimmons de mon époque, il fallait prendre la balle entre les vis sinon tu perdais 30 ou 40% de la distance. Aujourd’hui, sachant que ce coefficient va être finalement assez peu amputé, tu peux prendre le risque de te “désarçonner” sur un drive ».
Le fitteur professionnel Alexandre d’Incau confirme : « Forcément quand quelqu’un fait une pointe avec un plus petit club, il va être plus pénalisé, confirme celui qui travaille notamment avec Benjamin Hébert et Alexander Levy. C’est la différence entre une lame et une cavité par exemple, il y a de la matière en périphérie sur ces derniers ce qui les rend plus tolérants. Les lames vont être plus difficiles à jouer mais ça ne va pas les rendre moins longues par contre ».
Qu’une question de taille ?
Un retour en arrière est-il nécessaire ? « Pas vraiment un retour en arrière, mais juste un retour sur la dimension des clubs et sur la possibilité d’accroitre la difficulté pour les professionnels, répond le sextuple vainqueur sur l’European Tour. Parce aujourd’hui même sur un mauvais coup la balle vole loin ».
Il est plus rare qu’ils décentrent la balle
Pour d’Incau, il ne s’agit pas uniquement du volume de la tête. « Je rejoins Thomas sur le fait que les drivers sont plus tolérants grâce la technologie qui a tellement évolué… La diminution du centre de gravité associée à des faces “trampolines“ et des lofts un peu plus fermés ont permis d’améliorer le coefficient de restitution des clubs et la distance des coups, explique le technicien basé à Seignosse (40). L’association des nouvelles têtes et des nouveaux shafts ont crée un ensemble plus stable également. La capacité de centrage des joueurs pros est très importante, la longueur des clubs étant plus courtes que la moyenne, il est plus rare qu’ils décentrent la balle. Il y a plein de pros, qui prennent des têtes plus petites, pour avoir plus de sensations et pouvoir mieux contrôler les effets. Une plus petite tête permet une meilleure pénétration dans l’air, donc de générer plus de vitesse ».
Petits arrangements avec le loft…
Ces questionnements sur l’allongement des distances concernent plus directement les joueurs professionnels. Toutefois, le fitteur Alexandre d’Incau explique que les distances des joueurs amateurs ont été en partie artificiellement allongées grâce aux lofts des clubs. « La technologie a permis de faire des clubs plus puissants, mais on a aussi refermé les lofs pour faire croire aux gens qu’ils allaient plus loin avec un fer 6 qu’avant, poursuit le clubmaker. Les joueurs ont également remplacé leurs longs fers par des hybrides et ils ont en conséquence un pitch beaucoup plus fermé ».
Distinguer le matériel des pros du matériel des amateurs ?
Pour Thomas Levet, une réglementation différente pourrait être faite entre les pros et les amateurs à l’image de ce que font les sports américains. « Au baseball, comme on ne peut pas changer la dimension des stades ils se sont adaptés, insiste le vainqueur de l’Open de France 2011. Les pros jouent des battes en bois plus lourdes et moins performantes que celles en aluminium réservées aux amateurs. Si tu donnes aux pros les mêmes, il y a home run à chaque fois.»
Les parcours en danger
Ce débat à la croisée des chemins entre esprit du jeu et enjeux environnementaux nécessite donc selon Levet des décisions fortes.
« Je pense qu’il faut s’inspirer de ça pour faire un règlement pour les pros et un règlement pour les amateurs. Si on ne le fait pas tous les parcours finiront par être obsolètes comme c’est déjà le cas pour certains tracés qui ont fait l’histoire du golf mondial»
Pas certain que cela plaise beaucoup aux équipementiers qui dépensent des millions pour enrôler les joueurs pros et faire d’eux de prestigieux ambassadeurs auprès du grand public pour vendre leurs clubs.
Si les pros ne jouent pas les mêmes clubs que ceux en vente dans les proshops, les marques continueront-t-elles d’investir des sommes colossales pour s’offrir l’image des meilleurs joueurs du monde ?