Le 5 avril est déjà derrière nous. Il a ouvert le 85e Masters à Augusta. Comme la petite troupe de mes amis journalistes, je n’en serai pas pour la seconde fois après l’édition 2020 de novembre marquée Covid 19.
J’ai eu le bonheur d’évoluer un grand bout de ma vie dans le golf pour lequel j’éprouve un amour-passion, d’autant plus que j’en suis un acteur – tout petit l’acteur – plutôt que simple spectateur. Journaliste totalement dédié à cette satanée petite blanche, je n’ai pas fini de vouloir tout savoir, tout vivre pour enfin toucher l’horizon.
Le métier m’ouvrant cette porte, je me suis toujours appliqué, loin d’être le seul bien entendu, à produire la couverture la plus vivante des tournois suivis in vivo, majeurs en tête, le tout teinté d’un certain romantisme qu’inspirent les traditions du noble jeu.
D’abord être admis
Pour être coopté par les papes du golf, il s’agit d’abord de savoir lire, écrire et connaître le sujet. Ne riez pas. D’aucuns se permettent le label « rédacteur-en-chef » sans carte professionnelle, sans vraie connaissance, sans décoller leur popotin d’internet, tout en pissant de la copie démarquée, ne consentant jamais au coût du moindre voyage, même low cost, pour vivre une fois au moins les quatre tours d’un majeur.
Des noms? Ce sera pour une autre fois. Rassurez-vous, ils ne sont pas de mes amis.
Jolly good fellows
Ainsi le journaliste qu’on aime connaît-il son “who’s who” à force de le revoir à chaque gros événement. Une communication détendue est plus facile et féconde lorsqu’on “Hi Fred, how’re you doing” ou “Hola, qué tal Isabel”…
Etre ainsi d’un tournoi de référence pose le bonhomme dans ses relations avec les pros, les “patrons” invités, les agents, les autorités, les sponsors sans trop les coller, ou les amis virtuoses du micro entre deux échappées du “TV compound”.
À Augusta, un mini-espace entre le club-house et le départ du No 1, à l’ombre d’un chêne géant, permet idéalement ces rencontres fortuites avec le monde entier du golf. Encore, faut-il y accéder, ce que le badge “Working Press” autorise.
Noces de perle
Au bout d’une bonne trentaine d’éditions, toujours pas rassasié en avril 2019, j’avais le sentiment de débarquer en rookie (débutant) comme de jeunes confrères pour qui l’édition précédente avait été une première, interpelés par toutes les composantes de l’événement et ses artistes, les yeux ronds, curieux de tout, pestant de ne pouvoir être aux quatre coins d’Augusta National en même temps.
Et albatros pour l’ami Romain tiré au sort pour jouer le sacro-saint parcours du Masters dans la foulée de la veste verte de Patrick Reed. Incrédule, excité comme un gosse devant l’arbre de Noël, mais le ventre noué… C’était pour le lundi matin tôt, jour habituel du vol de retour après une semaine trop vite passée.
Bien que lointain, le souvenir de mon inscription tirée au sort reste vivace. J’étais tout autant excité, mais sans trac, au départ à 07:00, trop préoccupé par une pluie diluvienne et mes doubles d’entrée avant de frôler au millimètre près le trou-en-un au No 12, puis rendre un 78 de plaisir.
Grands millésimes, prix ridicules
A chacun de mes Masters, en compagnie de Denis, André-Jean ou Pierre-Michel, j’ai ainsi vécu des moments indélébiles (comme la découverte en douce de la carte des vins réservée aux membres), abreuvant cette impatience d’être déjà de retour pour l’édition suivante en 2020.
«A ton âge, en rajouter une couche n’est pas sérieux», disait-on chez moi. Oui, sans doute, mais l’aimant du 84e était trop puissant pour déjà oublier les pré-réservations des vols vers Atlanta et de la maison sur Habersham où j’avais le plaisir d’héberger chaque année les signatures-golf de l’Equipe, de Golf Européen, du Figaro, du Monde et parfois même un hôte imprévu annexant le salon.
Vivement un 2022 sans scories
Que nous réservaient les vestes vertes en avril 2020? Une nouvelle fois, du surprenant qu’un Augusta National Golf Club, financièrement imperturbable, sait créer en seize semaines entre deux Masters. Sur des parcelles mitoyennes acquises à prix d’or, quatre trous étaient en principe modifiés pour combler un déficit de longueur bien connu.
Et après Berkman’s Place, la New Berkman’s Road, le Media Center, l’hyper Pro-Shop, un autre nouveau quartier? Jouerait-on une nouvelle balle? Qui prendrait la suite de Tiger Woods s’il devait perdre sa veste verte? Pour connaître les réponses, fallait donc y retourner.
C’est mécanique… Mais Covid-19 gommait tous les plans, additionnant les obstacles menant au report du tournoi en novembre et une victoire pour Dustin Johnson, avec une presse abandonnée et encore dans le même état pour ce 8 avril.
En pondant un roman d’amour, l’auteur décide seul de son dernier mot, heureux ou non. Exclu avec d’autres une nouvelle fois du Masters, je soupçonne fortement qu’un triste point final me soit d’ores et déjà imposé. A vérifier en janvier 2022.
Philippe P. Hermann
Golfers&Co
Photo Jared C. Tilton / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP