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Alors que les pourparlers d’accord entre le PGA Tour et le Fonds d’investissement public d’Arabie saoudite (PIF), soutien financier sans limite du LIV Golf, sont plus que jamais au point mort, Pascal Grizot propose plusieurs solutions pour sortir de la crise. Le président de la Fédération française de golf souhaite notamment décrocher une entrevue avec Donald Trump, le nouveau président des Etats-Unis, le seul selon lui capable aujourd’hui de mettre tout le monde autour de la table pour trouver une solution.
F.S. et L.V.
Comme nous le confirmions encore ce mardi 25 février, la réunion du 21 février à la Maison Blanche en présence de Donald Trump, le 47e président des Etats-Unis, de Jay Monahan, le Commissaire du PGA Tour, mais aussi de Tiger Woods et d’Adam Scott, membres influents du Conseil d’administration du PGA Tour, et du gouverneur du PIF, le Saoudien Yasser Al Rumayyan, n’a pas produit d’avancées majeures.
Aucune annonce d’un éventuel début de rapprochement n’a, hélas, été entérinée. L’accord-cadre signé le… 6 juin 2023 semble être de l’histoire ancienne aujourd’hui. Le golf mondial, tiraillé entre les désirs des uns et des autres, se trouve plus que jamais dans l’impasse.
Interrogé par un journaliste cette nuit, Donald Trump a même reconnu qu’un accord entre le PGA Tour et le LIV va être plus difficile à trouver que de mettre fin à la guerre en Ukraine, ce qui sous-entend que les USA ont moins de levier pour faire pencher la balance de leur côté.
🚨🫨⛳️ #WATCH: Speaking to reporters from the Oval Office, President Trump says the PGA TOUR / LIV deal could be ‘more complicated’ than Russia / Ukraine peace talks. pic.twitter.com/X6uzTmLznk
— NUCLR GOLF (@NUCLRGOLF) February 26, 2025
Il va pourtant falloir. En effet les audiences TV sont en chute libre (-20 % en moyenne), les fans se lassent de cette fracture et de ses répercussions sur la qualité de tournois autrefois emblématiques du PGA Tour à tel point qu’annonceurs et autres sponsors titres s’interrogent sur la reconduction de leur contrat avec le circuit américain.
Le bilan économique du LIV Golf est encore plus dramatique puisque six milliards de dollars ont été engloutis depuis sa création en juin 2022 !
Et on ne parle même pas de tous ces récents vainqueurs de Majeurs (Dustin Johnson, Phil Mickelson, Brooks Koepka, Cameron Smith, Bryson DeChambeau, Jon Rahm…) qui ont décidé de rejoindre le circuit dissident pour à chaque fois un juteux contrat à plusieurs centaines de millions de dollars, provoquant un « divorce » avec la plupart des autres joueurs restés fidèles au circuit US.
J’ai conscience que pour les Français, aller avec le président Macron rencontrer Trump pour parler golf ça peut sembler complètement farfelu. Mais pour avoir l’attention de Trump c’est beaucoup plus facile avec le golf qu’avec n’importe quel autre sujet.
Pascal Grizot
Bref, dans cette atmosphère de « fin de règne », Pascal Grizot, le très dynamique président de la Fédération française de golf, veut rencontrer Donald Trump. Il n’a pas hésité à envoyer le 18 décembre dernier une lettre au nouveau locataire de la Maison Blanche et a caressé un instant l’espoir de monter dans l’avion présidentiel d’Emmanuel Macron qui s’est rendu à Washington ce lundi.
« J’ai conscience que pour des Français, ça peut sembler complètement farfelu. Le Président Macron va négocier la paix en Ukraine, il emmène Grizot pour parler de golf. Ça paraît complètement incongru. Mais les passionnés de golf savent très bien que tu attires beaucoup plus l’attention de Trump avec le golf qu’avec n’importe quel autre sujet. En plus de ça, le président a récemment émis le souhait de voir plus de présidents de fédérations nationales qui avec des responsabilités dans des fédérations internationales afin de contribuer au rayonnement de la France », précise le président de la FFGOLF.
Dans sa lettre à Trump, Grizot évoque en plusieurs points SON projet de réunification (à lire ci-dessous), voire de création d’un Tour mondial comme il en existe déjà un dans le tennis par exemple.
« Voir évoluer des joueurs, les meilleurs du monde, sur des circuits différents, c’est mauvais pour le golf en général, nous explique Pascal Grizot, maitre d’œuvre, on s’en souvient, de la Ryder Cup 2018 au Golf National. Ce n’est pas bon pour les joueurs qui sont partis sur le LIV Golf et dont le niveau aujourd’hui régresse, parce qu’ils ne jouent pas suffisamment de compétitions. C’est compliqué pour les sponsors qui, eux, investissent des sommes de plus en plus importantes pour soutenir les tournois, sans la garantie d’avoir les meilleurs joueurs au départ. Il faut donc essayer de proposer une solution qui soit bonne pour tout le monde. »
50 % du golf mondial hors des Etats-Unis
« La solution que je préconise consiste à laisser au PGA Tour la pleine légitimité pour organiser des compétitions aux États-Unis, et d’ailleurs, c’est leur volonté, poursuit Grizot. En revanche, ils n’ont pas manifester de volonté claire pour englober dans leur circuit des épreuves organisées en dehors des États-Unis. Or, aujourd’hui, 50 % du golf mondial se jouent hors du territoire américain, et on ne peut pas continuer à avoir un golf professionnel à ce point centré sur les États-Unis. Je rappelle qu’il y a trois tournois Majeurs aux États-Unis sur quatre, et que 100 % des plus gros tournois professionnels se jouent aux États-Unis. Tous les autres sports, en tout cas les sports qui ont le vent en poupe aujourd’hui, comme la Formule 1, le basket, le MMA, s’internationalisent. Parce que c’est la seule façon pour eux d’arriver à développer l’audience. »
Dans les premiers points qu’il soumet à Donald Trump, Pascal Grizot souhaite ainsi la création d’un circuit parallèle au PGA Tour regroupant le DP World Tour, l’Asian Tour, le Sunshine Tour et le PGA Tour of Australasia qui pourrait être rebaptisé International Tour au sein duquel on créerait cinq tournois « haut de gamme. »
Pour calmer les tensions, on pourrait dire que si le LIV n’organise plus de tournois aux Etats-Unis et laisse l’Amérique au PGA Tour, ça laisserait la place pour que le LIV soutienne des International Series
Pascal Grizot
« Aujourd’hui, le PGA Tour joue en gros du début de l’année jusqu’à la fin du mois d’août avec la FedEx Cup, et qu’il reste de septembre jusqu’à décembre un planning qui peut être occupé par ce International Tour. Il proviendrait de la fusion du DP World Tour, du Sunshine Tour, du PGA of Australasia et de l’Asian Tour. Les meilleurs tournois de ce nouveau circuit pourraient s’appeler International Series, ce serait l’équivalent des Signature Events sur le PGA Tour. La seule petite différence, c’est qu’au niveau des dotations, par respect pour les tournois Majeurs, on se mettrait à 500 000 ou 1 million dollars en dessous. Ceci dans le but de ne pas participer à l’escalade des prize moneys, comme l’ont fait les Signature Events ou comme le font les tournois du LIV Golf. »
« Pour apaiser les tensions, poursuit Pascal Grizot, on pourrait dire que si le LIV n’organise plus de tournois aux Etats-Unis et laisse l’Amérique au PGA Tour, ça laisserait la place pour que le LIV soutienne des International Series. Dans mon projet, j’en vois quatre plus une Super Finale. Un en Europe continentale, un en Asie, un au Moyen Orient, et un en rotation entre l’Afrique du Sud (Sunshine Tour) et l’Australie (Australasia Tour). La Super Finale en Arabie saoudite (la patrie du PIF), là où on peut exploser les compteurs avec des montants qui peuvent être même plus importants que les montants de la FedEx Cup, si les Saoudiens le souhaitent. »
Une quinzaine de tournois très haut de gamme
Autres points importants, faire passer le calendrier du LIV Golf de 14 à 10 tournois et cloisonner les deux circuits afin qu’il n’y ait aucune interférence ni susceptibilité. On jouerait de janvier à août aux États-Unis et ensuite, jusqu’à décembre, sur l’International Tour.
« Le LIV aujourd’hui perd beaucoup d’argent sur 14 tournois, reconnait Pascal Grizot. En passant à dix, il perd certes quatre tournois mais récupère les cinq International Series. C’est eux qui les sponsorisent. Donc en termes de visibilité, ils ne perdent absolument rien, au contraire. Grâce à cette solution, le monde du golf est apaisé. On joue de janvier jusqu’à fin août aux États-Unis et ensuite à partir du mois d’août jusqu’à la fin du mois de décembre sur le Tour international. Et les fans de golf, ils se retrouvent avec non plus simplement 4 tournois Majeurs mais aussi avec les International Series et les Signature Events, soit une quinzaine d’événements où les meilleurs joueurs du monde peuvent se rencontrer et jouer les uns avec les autres. »
Des points mondiaux pour les joueurs du LIV Golf
Pour que tout le monde s’y retrouve, Grizot veut contractualiser les joueurs comme sur le LIV et dans son accord il prévoit de demander aux dirigeants du PIF de cesser de piller le PGA Tour de ses meilleurs éléments en échange de points mondiaux.
« Les joueurs du LIV doivent avoir des points pour leur tournoi classique du LIV, souligne Pascal Grizot. Avec un fort discount, parce qu’ils ne jouent que sur 3 tours et sur des formats par équipe et en shotgun, mais il n’y a pas de raison qu’en fonction de la qualité du champ de joueurs, ils n’aient pas des points au ranking mondial. Compte tenu de leur format, on applique une décote de 50 %. Mais ce qui permettrait aussi aux joueurs comme Jon Rahm de ne pas se retrouver 53e mondial. »
Au bout de quatre ans, quand les dirigeants auront changé et qu’il n’y aura plus d’histoire d’égo, il peut y avoir une fusion en un tour mondial
Pascal Grizot
Rory McIlroy sensible aux arguments de Grizot
Ce projet et ces idées ont trouvé un écho favorable auprès de joueurs comme Adam Scott ou Rory McIlroy avec qui Grizot s’est entretenu récemment à Pebble Beach.
Mais verront-elles le jour ? Pascal Grizot y croit en tout cas. Comme il est convaincu de pouvoir bientôt rencontrer Donald Trump pour passer la vitesse supérieure.
« Avec son leadership, c’est le seul qui est aujourd’hui capable de mettre tout le monde autour de la table pour trouver une solution, résume Pascal Grizot. Ce que je crains, c’est que le président Trump essaie de trouver une solution américaine ce qui ne solutionnera que 50 % du golf mondial. Avec ma solution, à la fin, les Américains récupéreront 100 % du golf mondial. Parce que dans un premier temps, tu crées ces deux Tours qui ne sont pas rivaux et qui travaillent les uns avec les autres, notamment au niveau des dates. Et au bout de quatre ans, quand les dirigeants auront changé et qu’il n’y aura plus d’histoire d’égo, il peut y avoir une fusion en un tour mondial.»
« J’ai beaucoup de respect pour tous les autres sports, mais le golf pour pouvoir faire de la diplomatie, aujourd’hui, avec un président comme le président Trump à la Maison Blanche, il n’y a pas mieux que ça, conclut Pascal Grizot. Je sais que je vais finir par le rencontrer. Ma demande est soutenue par le sénateur Lindsey Graham. C’est un des seuls sénateurs américains qui voyage énormément en dehors des États-Unis, notamment au Moyen Orient. Il connait très bien le prince saoudien (Ndlr, Mohamed Ben Salmane, le prince héritier d’Arabie saoudite depuis le 21 juin 2017), qui a été très actif dans les négociations de paix aussi avec Israël. J’ai eu la chance de jouer avec lui à Morfontaine quand il est venu en France. C’est lui qui soutient le rendez-vous avec le président Trump mais j’aurais bien aimé aussi que mon propre pays soutienne ce plan-là, or pour l’instant, je dois dire que malheureusement, je ne l’ai pas ce soutien. »
La lettre de Pascal Grizot envoyée le 18 décembre à Donald Trump