Avec novembre, les circuits du golf professionnel apprécient une pause même rapide entre deux saisons rapprochées. Cette fois-ci, ils s’arment d’impatience, prêts à rugir avant de ruer. Le golf en souffre déjà.
La chronique de Philippe Hermann
Disons-le bien vite, je ne suis pas un ardent défenseur du LIV Tour concocté par le revanchard Greg Norman, malgré toute l’admiration que je porte à ce grand champion en tête du golf mondial des mois durant (331 semaines), bien avant la domination Tiger Woods.
Son palmarès lui a donné un statut particulier, comme Ballesteros, Nicklaus ou Palmer parmi d’autres statufiés. Tous, à un moment de leur carrière faite de premiers rôles, ont pensé à l’existence d’un golf de compétition paramétré et organisé à l’échelle mondiale.
La pensée était plus ou moins fugace chez certains, mais pas chez Norman qui, dans les années 90, se démenait déjà pour le mettre en place.
Millions sur millions
Mais dans le coin opposé, il y avait un PGA Tour américain aux grands moyens qui, vite fait, bien fait, lui balançait un solide uppercut en installant ses “World Golf Championships” avec l’appui de l’International Federation of PGA Tours juste créée.
En 1999, le fond souverain saoudien ne se mêlait pas encore d’une entrée dans la vie du golf, réalisée aujourd’hui, imaginant même le montage de ses propres tournois majeurs.
Premier acte, le LIV Tour, mis sur pied en 2022 par Greg Norman & Co sur une première série de compétitions croulant sous des dollars par dizaines de millions et juste animé par 48 joueurs de qualités très variées.
Après les avoir accaparés par des chèques indécents, Norman les a mis en scène à la façon d’un spectacle de cirque, fruit de l’imagination fertile de son équipe qui, il faut le reconnaître, n’est pas maladroite.
La dernière représentation était pour le 30 octobre dernier à Miami, sur le parcours Blue Monster du Doral, propriété de Donald Trump, où les quatre membres du team gagnant ont touché chacun quatre millions !
Tours de passe-passe
L’exagération en tout est un défaut… On ne s’y attend pas dans le monde feutré du golf. Mais les pétrodollars n’en ont rien à faire. On en a parlé sur tous les tons, écrits ou télévisuels, comme les habitués des coulisses, décortiquant le sujet au long de l’année.
Aujourd’hui, en-dehors de deux richissimes tournois réservés à une élite du Tour européen en novembre, le premier en Afrique du Sud pourtant doté de six millions a été “snobé” par les têtes d’affiches, le DP World Tour (européen) rejoint un PGA Tour en quasi-hibernation. En profiteront-ils pour donner du temps au temps et retrouver un certain calme propice aux réflexions et aux solutions des nœuds gordiens ?
Faibles participations
Récemment, le dernier rendez-vous de la saison régulière, le Portugal Masters, jouait sa 15e édition scellant l’accès au tour 2023 pour certains, et la sortie vers un examen de rattrapage à passer pour les autres, finissant au-delà de la 117e position au ranking annuel.
Comme deux semaines plus tôt à Valderrama, ce tournoi proposait une dotation de deux millions. En Espagne, les deux meilleurs inscrits étaient classés n°10 et n°23 de l’ordre mérite. Une victoire d’Adrian Otaegui (98e joueur mondial), estampillé intermittent du LIV Tour dans ce rendez-vous historique, qui, en d’autres temps, aurait drainé une pléiade de ténors.
Vous croyez qu’Estrella Damm, sponsor-titre du tournoi, avait la banane face à la faiblesse du champ dans une ambiance teintée de la rumeur d’une vente de Valderrama à Norman & Co qui y monterait un tournoi en 2023 ?
Sans grands noms aux départs, les dizaines de millions du PGA Tour et du LIV Golf les ayant captés, comment finiront par réagir les sponsors à Munich, Stockholm, Londres ou Paris ?
Golf nouvelle façon
Face au Masters portugais à Vilamoura tout autant déserté par les vedettes, à Miami un groupe de vainqueurs majeurs (Dustin Johnson, Cameron Smith, Patrick Reed, Brooks Koepka, Bryson DeChambeau, Sergio Garcia, Louis Oosthuizen…) accompagnés de bons seconds rôles, offraient en bermudas et en musique du bon golf à la télé, et au public (peut-être aussi grâce à des tickets soldés). Le contraste était étonnant, nourrissant l’idée que le Tour européen semble dépérir malgré ses 44 tournois en 2022, ce qui continue de laisser froid Jay Monahan, le boss du PGA Tour.
Selon lui, les meilleurs doivent jouer “son” circuit et, pour faire bonne dose, il multiplie les gros tournois qui deviennent “éléphantesques” en dotations (vingt millions ici ou là), oblige ses membres à jouer au moins vingt tournois par an, participe à leurs frais annuels (150 000 $) comme à ceux des pensionnaires du Korn Ferry Tour (500 000 $), offre dix sièges à des joueurs bien classés en Europe.
Gilets pare-balles
Pour insinuer son tour plus encore, Norman annonce de sérieuses retouches pour 2023 et ses 14 dates, prêts à débaucher d’autres grosses têtes (on parle de Cantlay et Schauffele), passer à 60 joueurs et, qui sait, 72 trous par tournoi. Il rêve de faire parrainer par un gros sponsor chaque équipe dont le capitaine détiendrait 25 %.
Le pipe-line des dollars saoudiens étant toujours ouvert.
Mais l’affaire la plus urgente à régler se nomme “TELE”… On dit dans les coulisses que l’affaire est quasi emballée. Sans cet accord, ce serait une méchante impasse. L’entrée du LIV Tour dans l’ordre du mérite mondial et ses points qualificatifs est un autre must.
Dès lors, Norman serait mieux équipé encore face à Jay Monahan, toujours en bisbille. Sous leurs tirs qui n’ont pas fini de se croiser, sortez couverts ces prochaines semaines.
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