On le savait fort, puisqu’il s’était déjà illustré dans sa carrière amateur mais en remportant l’US Open, Matthew Fitzpatrick a changé de dimension. Une récompense méritée pour le petit Anglais talentueux, grand bosseur devant l’éternel et qui fait son entrée dans le top 10 mondial !
L’anecdote, rapportée par le journaliste américain de Golf Digest Dan Rapaport, dit beaucoup de l’ambition et la rigueur de Matthew Fitzpatrick.
La semaine d’avant le PGA Championship, l’un de ses amis d’enfance célébrait son enterrement de vie de garçon. “Fitzy” lui a ouvert les portes de sa maison de Floride pour célébrer l’événement mais l’a prévenu qu’il ne participerait pas aux festivités compte tenu de ses échéances.
Je pourrais prendre ma retraite aujourd’hui que je serais un homme heureux
Matthew Fitzpatrick
Il a passé la journée au practice, dîné rapidement avec ses potes avant d’aller se coucher pendant que le reste de la bande festoyait toute la nuit. Quelques jours plus tard, il s’élançait dans la dernière partie le dimanche à Southern Hills pour le 2e Majeur de la saison qu’il a finalement terminé à la 5e place.
Le joueur de Sheffield n’a eu à attendre que quelques semaines pour voir son investissement de tous les instants récompensé… Et son rêve de gosse se réaliser.
« C’est un peu un cliché de dire ça, mais oui, c’est le rêve d’une vie qui se réalise, jubilait le vainqueur au moment de commenter la portée de son exploit. Je pourrais prendre ma retraite aujourd’hui que je serais un homme heureux. Après le PGA, j’étais juste dégoûté. Je m’en fichais d’être 5e. J’avais juste laisser passer une chance de gagner un Majeur. Cette fois, c’est arrivé. Je savais que mon tour viendrait. »
Visage juvénile, fort caractère
Le vainqueur de l’US Open est un joueur atypique. Avec son faciès juvénile, son 1,75 m, son appareil dentaire, sa manie de laisser le drapeau dans le trou même pour des putts de 50 cm, son chipping en grip inversé, il n’est pas exactement aligné sur les “canons de beauté” du PGA Tour.
Au début de sa carrière professionnel, « Fitzy » était un peu en marge sur le Tour européen. Son caractère un soupçon hargneux sur le parcours et même en dehors avait irrité quelques figures du Vieux continent, comme Lee Westwood.
Il faut dire que le garçon a vite affiché de grandes ambitions et ça a plutôt vite et bien fonctionné. A 21 ans, en 2015, il gagnait le British Masters. Une suite presque logique pour quelqu’un qui avait remporté le Boys Amateur Championship trois ans plus tôt, l’US amateur l’année suivante, et enfin atteint le rang de n°1 mondial amateur en 2013 et 2014.
Mais si le talent de Fitzpatrick était indéniable aux yeux de tous, notamment au putting, le jeune homme a vite été confronté à un problème de puissance pour rivaliser avec les meilleurs joueurs du monde. Sa personnalité peu expansive avait aussi posé question lors de sa première Ryder Cup en 2016 à Hazeltine.
Zéro pointé, comme d’ailleurs lors de sa seconde apparition en 2021 à Whistling Straits (Wisconsin). Sans doute a-t-il eu du mal à se fondre dans le collectif européen…
Néanmoins, ce caractère individualiste exacerbé du jeune homme fait aussi partie de ses forces. Il sait ce qu’il veut et se donne les moyens pour y parvenir. C’est avec méthode qu’il est passé de joueur court à l’un des plus longs frappeurs du circuit.
Même s’il avait critiqué l’hégémonie de la puissance dont Bryson De Chambeau se faisait le chantre, quelques semaines après la victoire de “Mr Muscle” à l’US Open 2020, Fitzpatrick a décidé de prendre à bras-le-corps le problème. Par le travail.
« J’ai été critique avec la longueur extrême recherchée par certains, mais j’ai compris il y a deux ans que si je voulais tirer partie de ma force, le putting et le chipping, je devais progresser en longueur au driving. C’était la seule chose qui m’empêchait d’attendre mon but. » Sous-entendu “gagner un Majeur.”
Puissance et gloire
Avec l’aide d’un système nommé Stack, codéveloppé par un expert en biomécanique, Sasho Mackenzie, Fitzpatrick a passé des heures à travailler pour augmenter la vitesse de son swing.
Sur le PGA Tour, sa distance moyenne est passée de 287.9 yards (263 m) en 2019 à 298.1 en 2022. A Brookline, il a terminé au 16e rang des distances moyennes du tournoi avec 310 yards, tout en conservant sa précision (5e). Dimanche, il a réussi la performance de toucher 17 greens en régulation. Un exploit dans le dernier tour d’un US Open salué par de nombreux observateurs au premier rang desquels Paul McGinley et son confrère analyste sur Golf Channel, Brandel Chamblee.
You will likely never see anyone in the final group of a U.S. Open hit 18 greens in regulation, so watching Fitzpatrick hit 17 greens (drove 5 & hit 8 in two) today, you may well have just seen the best final round performance from a ball striking perspective in US Open history. pic.twitter.com/Hg7IgSoXYj
— Brandel Chamblee (@chambleebrandel) June 20, 2022
Le travail, la famille, les valeurs
Le joueur Fitzpatrick a donc bien grandi. Mais l’homme aussi gagne à être connu. Bien qu’il ne compte pas beaucoup d’amis parmi ses pairs, nombreux sont ceux qui l’ont félicité sur les réseaux sociaux. Rory McIlroy est même venu sur le green du 18 l’enlacer et lui dire combien il était heureux pour lui.
Rory embraces Fitz after his first Major victory🏆 pic.twitter.com/ZQubNLNoZr
— Rory Tracker (@RoryTrackr) June 19, 2022
De son côté, Matthew est réputé pour être fidèle en amitié. Ses “vieux” copains d’adolescence sont toujours les mêmes. Il est très proche de sa famille et notamment son frère Alex, qui l’a caddeyé à 14 ans lors de sa victoire à l’US amateur. A Brookline, déjà.
Cette semaine, il est retourné dormir dans le même lit de la petite chambre que la famille d’accueil, qui l’avait hébergé en 2013, lui avait octroyé. Les Fultons. « Une famille d’une générosité formidable », a-t-il sobrement commenté quand on lui a demandé d’approfondir les liens qu’il avait tissés avec ces membres du Country Club de la banlieue de Boston.
Fidèle on vous dit. Et touchant. Les embrassades familiales sur le 72e trou du tournoi étaient poignantes.
Celebrating the win with the family @MattFitz94 ❤️pic.twitter.com/bsV4cqHwhA
— PGA TOUR (@PGATOUR) June 19, 2022
Fan invétéré de football et notamment de Sheffield United, son club de cœur, Matt Fitzpatrick est un sportif au sens premier du terme. Un compétiteur. Un passionné. Un bosseur acharné. Il a grandi dans une cité ouvrière et les valeurs du travail bien fait ont un sens pour lui. « Je l’appelle le fils spirituel de Bernhard Langer, s’amuse son caddie, Billy Foster, enfin consacré en Grand Chelem après une carrière de 40 ans auprès des plus grands. De tous les joueurs dont j’ai porté le sac, il est de loin le plus professionnel de tous. »
Jusqu’où cet amour du jeu et cette soif de travail peut l’emmener ?
Il est ce lundi matin n°10 mondial. Mais surtout, il est désormais armé d’une confiance à toute épreuve. Son succès le fait changer de dimension. Le talentueux gamin de Sheffield a changé de costume. On a hâte de le revoir dans les grands événements, se battre avec les Scheffler, Thomas, Morikawa, Spieth, Rahm, McIlroy… Notamment en Ryder Cup.
L’Europe a besoin de lui, preuve en est les nombreuses félicitations qu’il a reçues des anciennes gloires de la sélection européenne comme Justin Rose, Luke Donald, Sir Nick Faldo, Padraig Harrington, Thomas Björn ou encore Colin Montgomerie. En Italie l’année prochaine, il sera là. Pour enfin inscrire ses premiers points !
Voir cette publication sur Instagram