La rédaction de Golf Planète a visionné les huit épisodes de « Full Swing », la fameuse série Netflix inspirée du succès de Drive to Survive (F1) et qui dévoile les coulisses du circuit mondial masculin. Des birdies, des bogeys, voici ce qu’on a aimé et ce qu’on n’a moins aimé dans cette série documentaire plutôt “punchy”.
Eagle : l’envers du décor
S’il y a quelque chose de vraiment attrayant dans « Full Swing », c’est que l’on aperçoit vraiment l’envers du décor, la vie en dehors du circuit des joueurs professionnels, contrairement à la série “Break Point” censée montrer les coulisses du circuit mondial de tennis, mais dont les images “inside” sont très aseptisées.
Ici, on entre vraiment dans l’univers des champions. La vie de famille de Tony Finau et de Ian Poulter, la forte relation de Joel Dahmen et son caddie, l’amitié “potache” entre Justin Thomas et Jordan Spieth, les doutes de Brooks Koepka et le rôle de sa femme dans sa décision de partir sur le LIV Golf ou encore l’amitié et la solidarité des jeunes joueurs sud-américains Mito Pereira et Joaquin Niemann…
Seul le dernier épisode avec Rory McIlroy évite soigneusement la vie privée du joueur. Il est “de facto” le plus décevant de ce point de vue.
Certaines scènes sont vraiment une plongée dans l’univers si particulier du joueur professionnel et de son entourage. Pour le côté intimiste, on retiendra l’épisode 5 qui nous immerge dans la victoire de Matt Fitzpatrick à l’US Open.
Le petit anglais de Sheffield est un obsessionnel du golf, qui note tous ses coups, toutes ses distances (même au practice !) depuis son plus jeune âge.
Vivre son sacre de l’intérieur, aux côtés de son frère, de ses parents et de son ami journaliste Dan Rappaport est vraiment captivant.
Bogey : le dollar, le green en régulation
Jordan Spieth et Justin Thomas qui font des paris dans un jet privé, Ian Poulter, Brooks Koepka et Dustin Johnson qui justifient leur choix de rejoindre le LIV Golf pour des raisons financières alors qu’ils vivent déjà dans un grand luxe… Cela peut paraître indécent.
À chaque victoire d’un joueur en tournoi apparaît la somme en dollars qu’il a remportée. Cet aspect de la série est très américain.
Ces stars du golf mondial vivent dans une bulle très éloignée du monde réel. On s’amuse presque à découvrir JT galérer à acheter des médicaments dans un supermarché pour soigner ses allergies. Voir le rookie Sahith Theegala faire ses propres lessives est presque une aberration…
On devine parfois la pression des entourages sur les revenus du joueur, notamment chez celle qui se prépare à être madame Koepka… Même si Rory McIlroy défend l’éthique de son sport, on comprend mieux pourquoi le LIV et ses gros sous saoudiens ont fait tant de mal au PGA Tour. Les billets verts transpirent partout dans “Full Swing”, qui aurait pu s’appeler aussi “Full of Aces” (plein aux as).
Un autre détail ? Lorsque McIlroy et Scottie Scheffler s’élancent ensemble au Tour Championship dans la dernière partie, le commentateur note qu’ils sont habillés en vert. « Normal, avec 18 millions de dollars en jeu. »
Birdie : les « nice guys » du PGA Tour
Le choix des joueurs sur lesquels les caméras de Netflix ont pu se pencher est plutôt judicieux.
Certes, on s’ennuie un peu à suivre de près les Collin Morikawa, Scottie Scheffler, Mito Pereira, Joaquin Niemann et même les Dustin Johnson, aux personnalités plutôt lisses.
Mais on se régale à découvrir la vie et l’entourage de Tony Finau et de Joel Dahmen, deux des « nice guys » du circuit américain.
Le joueur d’origine samoane s’avère être un véritable “papa poule” auprès de ses cinq enfants et un mari aimant auprès de son épouse qui vient de perdre sa mère, comme ce fut le cas pour Tony 10 ans auparavant. Finau fait exception dans un univers où le golfeur est avant tout concentré sur sa petite personne. Cet épisode est sans doute le plus poignant.
Joel Dahmen a également perdu un être cher dans sa jeunesse. Il est parti de nulle part avec une confiance en lui très limité, mais il peut compter sur le soutien inconditionnel de son ami et caddie Geno Bonnalie et de sa femme. Le trio est vraiment très attachant car très éloigné du “star system” du PGA Tour.
Difficile de ne pas verser sa petite larme dans l’épisode 4, on vous prévient… Le jeune “rookie” Sahith Theegala mérite aussi une mention spéciale du gentil joueur que l’on a envie de voir gagner dans l’épisode 7.
Bogeys : les Chiliens ne lâchent rien
L’épisode consacré aux Chiliens Mito Pereira et Joaquin Niemann est franchement ennuyeux, et on ne dit pas ça parce que les deux copains d’enfance sont depuis partis sur le LIV.
Leurs interviews, leurs barbecues ensemble n’ont pas grand intérêt. Il y a comme un malaise à les voir parler en anglais entre eux alors qu’ils sont hispanophones.
Le seul moment qui vaut le détour, c’est la phrase lâchée par Pereira a son caddie quand il expédie son drive dans l’eau au 72e trou du PGA Championship, alors qu’il compte un coup d’avance. « J’ai tout bousillé. Sur le dernier trou. » Il n’a pourtant pas encore perdu le tournoi, mais on sent que les digues ont lâché…
Birdie : les états d’âme des champions
« Golf is hard », le golf c’est dur, répète plusieurs fois Rory McIlroy.
À plusieurs reprises, on découvre à quel point ces grands champions sont rongés par le doute. Ces “failles” ont le mérite d’humaniser des joueurs que l’on a l’habitude de considérer comme des monstres d’un point de vue mental.
La palme revient à Brooks Koepka, le joueur dominant dans les Majeurs de 2017 à 2019. Episode après épisode, on voit le colosse floridien se rapprocher du LIV, presque à son corps défendant.
Les blessures, le doute, l’absence de résultats, la pression de son entourage le rongent peu à peu. Son spleen va le conduire à prendre une décision douloureuse. Lui qui a une âme de champion, avide de victoires.
Dans son immense résidence luxueuse, le regard perdu dans ses sombres pensées il répond vaguement en se contentant de hochements de tête à sa futur femme Jena Sims qui lui parle de sa garde-robe.
Brooks qui déprime au bord de la piscine avec sa femme en bikini dans les bras, Brooks qui joue avec son chien pour oublier sa mélancolie, Brooks qui bosse son putting défaillant sur sa moquette… On devine à quel point ce jeu est exigeant et comme le succès reste fragile.
Le Floridien se laisse même aller à “jalouser” Scottie Scheffler qui enchaîne les victoires et vient d’accéder à la première place mondiale : « Je suis sûr que si on lui demande à quoi il pense actuellement, il dira : « à rien». Les meilleurs ne pensent à rien... Pourquoi je le fais maintenant ? » Édifiant.
Brooks a même du mal à répondre quand on lui demande l’identité du vainqueur du Masters qu’il a quitté par la petite porte après avoir manqué le cut. « C’est nul, je ne sais même pas qui a gagné à Augusta ? Mais si… Scottie Scheffler, il m’a fallu une minute… »
Ian Poulter, Justin Thomas, Jordan Spieth, Collin Morikawa étalent eux aussi leurs doutes. A défaut d’être enthousiasmant, apprendre que le jeu des plus grands champions traverse lui aussi des hauts et des bas est d’une certaine façon rassurant pour le golfeur du dimanche.
Le par : Rory balance quelques “drives”
Populaire, spectaculaire, Rory McIlroy est pour beaucoup le digne héritier de Tiger Woods.
Le Nord-Irlandais est aussi devenu, d’une certaine façon, le porte-parole des anti-LIV et le principal défenseur des “valeurs” ancestrales du golf.
On attendait beaucoup de l’épisode qui lui est consacré. On a été un peu déçu.
Aucune image bouleversante ou surprenante de coulisses ne nous est offerte, pas même celle de sa déception à St Andrews où il a perdu le 150e Open britannique qui lui tendait les bras.
On assiste d’abord dans ce 8e et dernier épisode de la saison 1 à une succession de conférences de presse ou de conversations avec les officiels du circuit américain où il défend la “juste cause” du PGA Tour.
Puis viennent deux moments furtifs mais savoureux, quand même. D’abord quand il goûte le recul au classement mondial des joueurs partis sur le LIV. Au practice du Tour Championship, il blague sur la situation d’un certain Patrick Reed, son meilleur ennemi et ce bien avant l’histoire du teegate à Dubai le mois dernier. « Beautiful ! »
Et puis quand il lâche sur la table de massage un « Fuck You Phil ! » dirigé vers celui qui est devenu un paria sur le circuit américain, Phil Mickelson. Une “private joke” qui aurait mérité d’être un peu expliquée…
Double Bogey : le montage et la traduction
On vous souhaite de maîtriser la langue de Shakespeare si vous voulez profiter pleinement de la série, car les sous-titres ont clairement été rédigés par un non-connaisseur français des choses du golf. Un petit lexique lui aurait été fort utile…
Un exemple parmi tant d’autres : le “Old Course” de St Andrews est traduit par “le vieux terrain”. Crime de lèse-majesté !
Pire encore les comédiens de la Version Française sont complètement perdus. Il n’y connaissent rien en golf, c’est terrible.
Quant au montage, notamment au niveau du son, il laisse à désirer. Plusieurs fois, les phrases lâchées par le public ou les commentaires des journalistes ne correspondent pas exactement à l’action… C’est également le cas pour les plans de coupe.
Dans le même ordre d’idées et puisque la série ne s’adresse vraiment qu’à des fans de golfs, on s’interroge sur l’utilité de rappeler plusieurs fois ce qu’est un “par”, le “match-play” ou le “cut”.
Agaçant. Mais supportable. Regardez « Full Swing », on vous promet que ça vaut un peu de votre temps…