Quelles sont les conséquences d’un golf fermé par décision gouvernementale ? Peut-on demander le remboursement de sa cotisation à son club ? Cette dernière question apparait légitime et recevable pour des membres qui n’auront pas pu jouer au golf pendant au moins deux mois.
La réponse est complexe : elle fait appel à des notions de droit, des considérations économiques et des rappels à la morale et à la solidarité. On peut noter qu’en Angleterre, des dispositions ont déjà été prises dans certains clubs d’une part, pour prendre en considération les membres impactés par la crise économique et d’autre part, pour imaginer un glissement de la cotisation sur le début de l’année prochaine.
Pour répondre à cette question, Golf Planète a demandé à l’homme qui nous semble le plus approprié pour aborder cette délicate interrogation dont nous ont fait part certains de nos lecteurs. François Illouz a une carrière sportive riche en trophées nationaux et internationaux, a exercé de hautes responsabilités à la Fédération et exerce la profession …d’ avocat, notamment spécialisé en droit du sport. Il a accepté d’écrire une tribune sur ce thème. Nous l’en remercions.
Golf Planète forme enfin le vœu que chacun, dans le calme du confinement et animé par la chaleur de sa passion, trouve la meilleure des réponses pour aider son club durement impacté par cette crise sanitaire et pour participer au développement de son sport favori.
Bien entendu, la parole est libre et vous pouvez nous faire passer votre commentaire à contact@golfplanete.com. RdM
François Illouz :
Il est temps de montrer son attachement à son club et au golf
Membre d’un club, il est impossible aujourd’hui de jouir de son appartenance à un club de golf. Peut-on alors demander le remboursement de sa cotisation à son club ?
De nombreux golfeurs qui ont payé leur cotisation pour l’année 2020 sont juridiquement fondés à se poser cette question.
Ceux qui étaient sur le point de la payer avant que l’état d’urgence sanitaire soit annoncé par le Président de la République dans son allocution du 16 mars, peuvent également légitimement se demander s’il est vraiment nécessaire de maintenir une adhésion à un club qui n’est pas dans la capacité d’offrir les services habituels tels que l’accès aux installations sportives, aux structures d’enseignement, au bar, à la restauration, éventuellement à la salle de sport…
Trois angles : juridique, moral ou économique
La réponse peut différer selon l’angle – juridique, moral ou économique – sous lequel la question est examinée.
Sur le plan juridique
Le lien qui fonde la cotisation que le golfeur, membre ou simple utilisateur verse à la structure d’exploitation de son club est constitué d’un contrat selon lequel en contrepartie de la somme versée, le club met à disposition de l’adhérent un droit d’accès à ses structures qui peut varier selon la catégorie d’adhésion choisie.
Il ne fait guère de doute que la situation sanitaire qui frappe le monde est constitutive d’un cas de force majeure susceptible d’avoir un impact sur ce type de contrats.
Ces contrats, s’ils sont écrits ce qui est rarement le cas, peuvent contenir un article ou une clause précisant les rapports entre les parties en cas de force majeure et les conséquences que celle-ci serait susceptible d’avoir sur l’exécution du contrat de membre ou d’abonné annuel.
En effet, les dispositions légales relatives à la force majeure ne sont pas d’ordre public, ce qui signifie que les parties sont libres d’aménager contractuellement tant la définition que les effets que la force majeure pourrait avoir sur leurs relations contractuelles.
Il importe dès lors que le cotisant se réfère aux documents contractuels conclus entre la structure d’exploitation et lui-même afin de connaître l’étendue des droits et obligations de chacune des parties dans le contexte de l’épidémie de Covid-19.
À défaut de contrat ou de dispositions spécifiques relatives à la force majeure, ce sont les dispositions de l’article 1218 du code civil qui s’appliqueront de manière supplétive aux relations entre le membre et le club.
Cas de force majeure
Ce texte prévoit :
« qu’il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1 du code civil. »
L’épidémie de Covid-19 rentre bien dans la définition de la force majeure puisqu’il ne fait aucun doute que sa survenance échappait au contrôle tant du golfeur que du club auquel il appartient, qu’elle n’était pas prévisible lors de l’adhésion ou du renouvellement de la cotisation au 1er janvier 2020 et que les effets ne peuvent être empêchés par des mesures appropriées puisque les golfs ont fait à juste titre, l’objet d’une décision fédérale dans un premier temps, puis gouvernementale par la suite, de fermeture. En effet, les clubs sont bien des structures accueillant du public dont il est difficile de soutenir en France contrairement à ce qui est en Floride par exemple, qu’ils constituent une activité essentielle au bon fonctionnement de la nation.
D’ailleurs, les clubs de golf ne font pas partie des établissements figurant sur la liste des activités maintenues établie par le gouvernement.
Ainsi, il n’est pas contestable que les golfs pendant la période de fermeture ne sont pas en mesure de rendre à leurs membres les prestations que ceux-ci sont en droit d’attendre en vertu du contrat et aucune mesure ne peut remédier à cela.
Cependant cet empêchement n’est pas voué à s’inscrire dans une durée supérieure à quelques mois, par conséquent et conformément à la loi, l’exécution des obligations est suspendue pendant la durée de la force majeure.
En théorie, une suspension possible
Ceci signifie en théorie que pendant toute cette période si le joueur ne peut avoir accès au club, il pourrait être fondé à suspendre ses paiements si ceux-ci sont mensualisés ou obtenir une prolongation des effets de sa cotisation de la durée de la fermeture du golf soit par exemple 15 mois pour le prix de 12 si la fermeture a été de 3 mois ou même percevoir un remboursement, prorata temporis de la cotisation ou la délivrance d’un avoir correspondant à valoir sur la cotisation de l’année suivante ou sur toute autre prestation délivrée par le club tel qu’un avoir au restaurant, au bar, au proshop, etc…
Un tempérament pourrait être apporté à cela si pendant la période de fermeture, les équipes d’entretien maintiennent les installations en bon état. Dans cette hypothèse, la plus fréquente, il pourrait être considéré qu’une partie de la prestation promise par le club est rendue et que par conséquent une partie de la cotisation reste due.
Ce n’est que si la fermeture s’étalait sur une durée trop longue ou si elle devenait définitive que le contrat serait anéanti et devrait donner lieu à remboursement.
Sur le plan moral
L’appartenance à un club va bien au-delà du simple rapport juridique existant entre les membres utilisateurs et leur club.
Le sentiment d’appartenance des membres à leur club implique une fidélité, une solidarité voire une affection, qui milite pour que tous les membres d’un même club, soucieux de conserver un creuset dans lequel ils tissent des liens d’amitié les uns avec les autres, se sentent personnellement concernés par les difficultés auxquelles leur club doit faire face dans des périodes de crise comme celle que nous vivons actuellement.
Une mobilisation active souhaitée
Ainsi, afin d’assurer l’avenir de leur club et ne pas prendre le risque de le voir disparaître définitivement du fait de la privation de ressources importantes telles que les green-fees, les journées sociétés, les recettes de restauration, du pro shop etc … il sera essentiel que les golfeurs se mobilisent activement.
Loin de solliciter un quelconque remboursement ils devront au contraire s’employer à contribuer avec dévotion dans la mesure de leur capacité à la sauvegarde de leur club.
Sur le plan économique
Les clubs de golf sont pourvoyeurs sur le territoire de nombreux emplois de proximité. Les greenkeeper, jardiniers, caddy master, employés du club house, etc…. sont autant de personnes au visage familier qui avec leur famille, seront projetés dans une grande détresse économique si les golfs devaient mettre la clé sous la porte parce que leurs membres les plus fidèles qui ont pu jouir pendant des années des bienfaits de leur club ont décidé au moment où celui-ci a le plus besoin d’eux et de leur soutien, soit de ne plus payer leur cotisation soit d’en demander un remboursement partiel.
Un rapide retour à la normale
Dans ces temps difficiles, chacun des membres de nos golfs devra démontrer son attachement à son club, le protéger, le sauvegarder et mettre de côté les réflexes à court terme.
Les gouvernants promettent un monde différent, après l’épidémie.
Pour les golfeurs nostalgiques que nous sommes, l’assurance que nous retrouverons bientôt nos habitudes, nos parties entre amis, dans un cadre convivial et accueillant favorisera un retour à la normale et contribuera à notre équilibre physique et psychique.
François Illouz
Les intertitres sont de la rédaction