L’un des plus grands exploits du golf féminin français eut lieu en 1964 lors du premier Championnat du monde amateur par équipes dames qui s’est déroulé en France. Une réussite aussi bien organisationnelle que sportive incarnée par de grandes joueuses, Lally Segard et Catherine Lacoste en tête.
Dans les années 1960, en matière de réussite sportive, la France avait très peu de médailles à se mettre sous la dent (même celles en chocolat) et n’éprouvait aucune tendinite à l’épaule pour levées excessives de trophées. En clair : calme plat dans les manchettes des journaux, et ce n’était pas vraiment la joie.
Claudine Cros, Catherine Lacoste et Brigitte Varangot sur le toit du monde
Et puis voilà… En ce début du mois d’octobre 1964, un coup de tonnerre allait éclater dans le landernau sportif avec la victoire sur le sol français de Claudine Gros, Catherine Lacoste et Brigitte Varangot, trois pimpantes tricolores, au premier Championnat du monde amateur par équipes dames, au nez et au menton imberbe des Américaines. Pour le coup, un seul en l’occurrence, c’était vraiment la joie.
A l’origine de l’épreuve : Lally Segard
Un sentiment de fierté prédomine avant tout parmi les 75 concurrentes représentant les 25 nations présentes. L’organisation de ce championnat, la première du genre, est avant tout la reconnaissance du golf féminin tout entier, six ans après la création de l’Eisenhower Trophy, le pendant masculin.
Cet accomplissement est surtout l’œuvre d’une Française, l’immense Lally Segard qui a mis toute son énergie pour la réussite de l’événement.
Une championne des greens
Plus connue à l’époque sous le nom de vicomtesse de Saint-Sauveur, Lally est la fille du grand champion amateur André Marino Vagliano. Après la Seconde Guerre mondiale, elle a été la plus grande joueuse française, remportant de multiples tournois dont le British Ladies en 1950. Toujours très bonne joueuse, elle entame aussi une carrière de dirigeante qui sera également placée sous le signe de la réussite.
Et une dirigeante affirmée
En 1957, elle crée le premier Championnat d’Europe par équipes dames qui se déroule en Allemagne, remportant au passage l’épreuve. Au début des années 1960, elle souhaite accentuer le nombre de rencontres internationales. Une demande est notamment faite auprès de l’USGA (United States Golf Association) pour organiser une opposition avec l’équipe US. La Fédération américaine n’y est pas défavorable, mais suggère que l’on puisse y inviter sur le sol français d’autres nations mondiales…
Pourquoi le nom d’Espirito Santo Trophy ?
Financée par la ffgolf, Lally parvient, en un temps record, à créer ce tournoi d’une ampleur sans précédent sur le magnifique parcours de Saint-Germain-en-Laye, près de Paris. Elle lui faut aussi trouver un trophée digne de ce nom. Des amis portugais de sa famille, les Espirito Santo, acceptent de lui léguer une coupe en argent achetée aux enchères qui aurait appartenu aux tsars de Russie. Un terrain, un trophée et des golfeuses venues du monde entier : tout est réuni pour que le Espirito Santo Trophy se déroule sous les meilleurs auspices.
Une capitaine qui a du flair
Lally ne fait pas que mettre la main à la pâte dans l’organisation. Elle tient également à jouer un rôle sportif en endossant le costume de capitaine de l’équipe de France. Estimant ne pas être compétitive, elle opère un choix difficile de sélection. Incontournables, Brigitte Varangot et Claudine Cros auraient dû être alignées avec Odile Semelaigne, l’épouse de Jean Garaïalde.
C’est sans compter sur une gamine de 19 ans qui en cette année 1964 éclot véritablement : Catherine Lacoste. Fille des champions René Lacoste et Simone Thion de la Chaume, elle est entraînée par… Raymond Garaïalde, le père de Jean. Souriante et insouciante, elle va véritablement porter l’équipe et se faire un prénom. Son surnom – Crocodile Kid – surviendra trois ans plus tard, lorsqu’elle s’imposera à l’US Open.
L’avènement de Catherine Lacoste
Pour l’heure, la « Basque bondissante » fait montre de son talent sur le difficile parcours de Saint-Germain-en-Laye qui voit son aller-retour être inversé pour l’occasion. La championne locale, Brigitte Varangot, est très attendue. Mais nul n’est prophète en son pays, surtout en stroke-play, formule qui n’a pas sa préférence, et c’est la petite Catherine qui porte à bout de swings l’équipe de France.
Première sur les deux premiers tours, menée d’un coup au troisième jour, la France reste en mesure de l’emporter en ce dimanche 4 octobre 1964. Rappelons que le comptage consiste à additionner les deux meilleurs scores des trois joueuses. Après un bon tour en 73 de Catherine Lacoste, les nombreux spectateurs présents, dont le duc de Windsor et le fameux chroniqueur américain Herbert Warren Wind, assistent alors à l’impensable.
Les USA craquent au dernier trou
Sur le 18, l’Américaine Barbara McIntire a besoin de faire le par pour gagner. Son 2e coup l’envoie dans le bunker à gauche du green. Considérée comme une très bonne joueuse sur le sable par Lally, elle rate cependant sa sortie en propulsant sa balle… dans le bunker opposé. L’objectif est désormais clair : conclure en 5 pour espérer égaliser et continuer en barrages. Malheureusement (pour la seule beauté du sport), elle manque d’un cheveu un putt de 6 mètres : la France remporte l’Espirito Santo Trophy d’un seul petit coup !
Il faudra attendre 36 ans pour que la France réédite pareil exploit. En 2000, à Berlin, l’équipe composée de Maïtena Alsuguren, Karine Icher et Virginie Auffret s’était imposée avec un écart de 7 coups sur les Sud-Coréennes.