
A 67 ans, Bernhard Langer, double vainqueur en 1985 et 1993, dispute son 41e et dernier Masters. Un ultime tour de piste pour un immense champion que rien ne prédestinait à la carrière de golfeur professionnel.
L.V., à Augusta
C’est un Bernhard Langer forcément ému qui s’élancera dans ce Masters 2025. Son 41e et dernier Masters. L’Allemand est une véritable icône du golf moderne, apôtre du beau jeu et maillon essentiel avec Severiano Ballesteros, Nick Faldo, Sandy Lyle et Ian Woosnam de l’équipe européenne de Ryder Cup en pleine renaissance au milieu des années 80.
Il aurait dû faire ses adieux l’an passé mais une vilaine blessure au tendon d’Achille l’a écarté des fairways pendant plusieurs mois. Sa présence en conférence de presse ce lundi était donc un juste retour des choses, prouvant ici toute la gratitude et le respect que lui vouent tous les membres de l’Augusta National Golf Club.
Vainqueur des éditions 1985 et 1993, le Bavarois, né le 27 août 1957 dans la banlieue d’Augsbourg, n’oubliera jamais la première fois où il a franchi les portes du l’ANGC en remontant la mythique Magnolia Lane menant au non moins prestigieux club-house et son monumental drapeau américain. C’était en 1982 !
Quel parcours incroyable pour un jeune homme né dans un village de 800 habitants, dans une région où le golf était encore inconnu
Bernhard Langer
« Quel parcours incroyable pour un jeune homme né dans un village de 800 habitants, dans une région où le golf était encore inconnu, souffle-t-il, les larmes aux yeux. Arriver ici, obtenir une invitation pour participer au Masters pour la première fois, alors qu’il était extrêmement difficile pour un joueur européen ou international d’obtenir une invitation, et remporter le premier Masters à la troisième édition, c’était un rêve qui devenait réalité. »
« Comme je l’ai souvent dit, le golf ne représentait rien en Allemagne, enchaîne-t-il. En devenant professionnel, je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait. Je n’avais aucun modèle. Je n’avais personne avec qui me comparer. J’étais juste celui qui lançait quelque chose que personne n’avait jamais fait auparavant en Allemagne. En venant ici pour la première fois, en descendant Magnolia Lane, j’ai été tout de suite envahi par cet endroit. Je n’avais jamais vu un parcours de golf aussi bien entretenu, ni un tournoi aussi bien organisé. Et le plus étonnant, c’est la façon dont ils ont évolué et se sont améliorés, et continuent de faire de ce lieu la meilleure expérience pour les joueurs, les champions, les spectateurs, et vous – je crois pouvoir le dire rien qu’en regardant ce bâtiment des médias. Je pense pouvoir dire la même chose de chaque champion : nous sommes extrêmement fiers de porter la veste verte et de représenter les Masters dans le monde entier. »
Un monstre de longévité
Quel chemin parcouru pour celui qui se présente comme un véritable autodidacte du golf, victorieux à 42 reprises sur le Tour européen entre octobre 1980 et novembre 2002 et qui affiche autant de succès si ce n’est plus sur le PGA Tour Champions réservé aux plus de 50 ans : 47 entre octobre 2007 et novembre… 2024. Un monstre de longévité, qui passait encore le cut au Masters à 63 ans (en 2020), connu pour son sérieux aux entraînements mais aussi dans sa vie de sportif de haut niveau, irréprochable.
Rien pourtant ne le prédisposait pour une vivre une telle trajectoire dans une Allemagne sortant tout juste de la Seconde Guerre mondiale, totalement exsangue.
On n’avait même pas de télévision avant mes 12 ans environ, je crois. Mon père n’en avait pas les moyens. À l’époque, il n’y avait que trois chaînes. Je suis sûr que le Masters n’était diffusé sur aucune de ces trois chaînes.
Bernhard Langer
« Je ne me souviens plus du jour ni de l’année exacts où j’ai entendu parler du Masters, mais ce n’était certainement pas facile, se remémore-t-il. On ne diffusait pas le tournoi à la télévision quand j’étais enfant. En fait, on n’avait même pas de télévision avant mes 12 ans environ, je crois. Mon père n’en avait pas les moyens. À l’époque, il n’y avait que trois chaînes. Je suis sûr que le Masters n’était diffusé sur aucune de ces trois chaînes. Quand j’étais assistant pro, j’ai probablement mis la main sur des magazines de golf au club où je travaillais, et en avril, au Masters, je suis sûr que quelqu’un en a parlé, donc cela a dû se produire à ce moment-là. Mais c’était si loin, l’Amérique était tellement loin. Les golfeurs américains étaient censés être les meilleurs. C’était un peu un rêve. Mon objectif était simplement de réussir en Europe. Et puis, à mesure que je suis devenu l’un des meilleurs Européens, mon rêve s’est évidemment étendu et mes objectifs ont également traversé l’océan (outre ses deux victoires au Masters, il s’imposera aussi en avril 1985, une semaine après son triomphe à Augusta, sur le PGA Tour). »
Ce putter au manche courbé source de bien des soucis au putting
Ce « conte de fée », il le doit évidemment en grande partie à sa femme, Vikki Carol, une Américaine qui lui a donné quatre enfants, à son frère ainé, Erwin, qui lui a servi de modèle, et surtout à ce jeu envoutant, source de trajectoire complètement atypique.
« J’étais un autodidacte dans le golf, conclut-il. Je me suis lancé dans ce sport grâce à mon frère aîné qui était caddie. Quand j’évoque mon enfance, je dirais que je suis d’abord tombé amoureux de l’argent. En tant que caddie, je gagnais de l’argent à neuf ans. C’était plutôt cool. Mais je suis immédiatement tombé amoureux de ce jeu. On pouvait s’entraîner un peu, faire des chip, des putts et frapper des balles au practice s’il n’y avait pas de membres pour qui servir de caddie, et on n’avait pas les moyens d’acheter des clubs de golf. Mais l’un d’eux a jeté quelques-uns de ses vieux clubs. Ils avaient des manches en bambou. C’était un bois 2, un fer 3, un fer 7 et un putter avec un manche courbé. Je dis donc toujours que c’est de là que sont nés mes problèmes de putting. »
Photo : Masters Tournament