La Suisse est belle. Elle en a les moyens. Elle est sérieuse au boulot. Sa jeunesse respire la santé. Elle aime le sport. Elle en sort des champions mondiaux dans toutes les disciplines. Presque partout… sauf en golf !
Philippe P Hermann
En chiffres ronds, la Suisse du golf se présente en tenue dorée. Cent parcours et 100 000 pratiquants. Par tête d’habitant, ces données mettent le golf helvétique devant la France voisine. C’est la seule vraie bonne note. L’ordinateur spécialisé a du mal à en trouver d’autres. Par exemple, sur le tour européen professionnel, la Suisse compte aujourd’hui un seul représentant en la personne de Jeremy Freiburghaus, plutôt mal classé, auquel il reste sept ou huit tournois pour sauver son droit jeu sur le DP World Tour 2024.
Percée suisse à l’heure du cut ?
Côté français, ils sont deux bonnes dizaines sur ce circuit haut-de-gamme dont l’Omega European Masters devrait être un pinacle pour la douzaine de Suisses qui le jouent, qualifiés ou invités. Mais trop rarement, l’un ou l’autre passe le cut, alors que les Tricolores en nombre progressif animent le haut des classements d’une semaine à l’autre. Et saviez-vous qu’Antoine Rozner et Victor Perez avaient déjà pris de l’avance sur le gâteau en remportant un gros titre universitaire en 2014 à Crans-Montana?
En sinusoïde
Avec l’habitude, on s’étonne quand – inattendue – une individualité émerge à l’occasion. On pourrait citer Albane Valenzuela qui a participé deux fois aux Jeux olympiques (18e à Tokyo en 2021), ou encore la Lausannoise Morgane Métraux qui se défend bien parmi les meilleures du monde aux Etats-Unis. Et il ne faudrait pas oublier les Bossert, Quirici, Rey ou Clément qui ont fait des passages furtifs dans les tops ici ou là, rarement. Le rythme suisse est très sinusoïdal un fil du temps. De gros creux entrecoupés de petites crêtes.
Invention demandée
Alors, au départ de chaque saison professionnelle, on réentend «ça va le faire ». Tout y est passé, soins, stages, coaches, entraînements, physio, technique, tournois hivernaux dans le sud, changements de matériel, appuis financiers, etc. Ce raccourci est grossier, mais il illustre assez bien le secteur concerné, du tout jeune amateur au pro entrant dans un circuit de la troisième division formatrice comme l’Alps Tour. Et cela ne date pas d’hier. Là apparaît peut-être un défaut de la cuirasse, au-delà de l’autorité tutélaire de SwissGolf, la fédération helvète, sa structure et son mode de fonctionnement, le tout avec un tour de table directif où le suisse-allemand, l’italien et le français peuvent se percuter, ce qui ne fait pas avancer forcément le schmilblick…
Pour le bien commun
Les talents sont nombreux aussi en Suisse. Pourquoi imaginer le contraire ? Certains sont élevés, formés, entourés par leur cercle privé jusqu’aux universités américaines, plus douées pour permettre à leurs étudiant(e)s de trouver peut-être un statut de star. La fédé en est fière, bien que les mêmes aient juste porté ses couleurs en championnats officiels ou celles d’un club membre.
Esseulés
Quand son organisation prend en compte lesdits talents, elle fait du bon travail qu’ils aient douze ou vingt ans. Ils ramènent des médailles à ce SwissGolf dont les moyens sont bien plus importants que ceux de Belgique, Pays-Bas, Danemark, Norvège, Autriche des pays de taille comparable bien mieux représentés. Mais dès que l’amateur quitte sa tunique encore vierge de logos commerciaux, le jeune pro-débutant, même muni d’un viatique correct, se retrouve seul. Jeremy Freiburghaus en fait le constat, y trouve une explication logique de son désarroi. Encore heureux que son papa ait bouché quelques vides.
Un coup de fil, c’est si facile
Barbara Albisetti, Directrice de SwissGolf, ex-compétitrice au palmarès respecté, en est consciente. Un nouveau modus-vivendi est dans les tuyaux. Peut-être devrait-elle rencontrer plus souvent Pascal Grizot, Président d’une FFG à succès en ordre de marche qui n’a pas fini de surprendre.
PPH
Photo ©De Prez