Le golf français a certainement signé en 2024 l’une de ses plus grandes saisons. Trois victoires sur le DP World Tour, deux sur le Ladies European Tour (LET), une joueuse amateure sacrée n°1 mondiale universitaire NCAA sans oublier évidemment le triomphe de Matthieu Pavon sur le PGA Tour, auteur également de performances historiques au Masters puis à l’US Open. Cela valait la peine que l’on s’attarde sur ces différents exploits !
L.V.
Matthieu Pavon, en sol Majeur !
Victorieux à son 3e départ en 2024 sur le PGA Tour (dès le 27 janvier à Torrey Pines au Farmers Insurance Open) après avoir démarré par un top 10 à Hawaï (7e au Sony Open), Matthieu Pavon, qui a confirmé juste après son triomphe en finissant 3e de l’AT&T Pebble Beach Pro-Am (réduit à 54 trous), a également brillé en Grand Chelem. Nullement impressionné par l’atmosphère toujours unique régnant à Augusta, le Bordelais s’est ainsi offert la meilleure performance d’un golfeur français au Masters depuis la création du tournoi en 1934. Une 12e place ô combien méritante pour une première avec un score final de +1 (289) qui efface à la fois des tablettes son mentor et ami, Thomas Levet (13e en 2005), et qui lui assure déjà d’être présent pour l’édition 2025.
Accusant certainement le coup d’un début de saison en boulet de canon, le Français ne débarque pas au mois de juin à Pinehurst, hôte du 124e US Open de l’histoire, avec les faveurs des pronostics. Il a échoué après deux tours au PGA Championship et reste aussi sur deux cuts manqués au Players et au Memorial. Mais le doute est vite dissipé puisqu’il débute par un 67 (-3) qui l’envoie à la 3e place après être encore entré dans l’histoire en claquant deux eagles dans un seul tour. Mieux, à la sortie du trou n°7 lors du Moving Day, il se retrouve en tête à -6. Seul Louis Tellier était parvenu à faire aussi bien lors du 2e tour de l’US Open… 1915 !
Son 69 (-1) lui offre à -4 après 54 trous le droit de s’élancer en dernière partie avec Bryson DeChambeau, leader avec trois coups d’avance. Chose qu’aucun Français avant lui n’avait réalisé lors des 123 éditions précédentes. En finissant à la 5e place avec un score total de -3 après sa seule carte au-dessus du par (71), il en profite pour valider son ticket pour Oakmont en 2025. On comprend donc ici un peu mieux pourquoi Matthieu Pavon, 50e à The Open du côté de Troon, a achevé sa saison à la 17e place de la FedEx Cup, se qualifiant de facto pour tous les Signature Events à venir.
Ravetto-Lacroix, ce doublé que l’on n’attendait pas forcément…
Quel mois d’août ! Deux victoires françaises coup sur coup sur le DP World Tour. Depuis la création du circuit en 1972, c’est la quatrième fois seulement qu’un tel scénario se produit après Jean-Philippe Lima–Jean-François Remésy (en 2004), Thomas Levet–Grégory Bourdy (en 2008) et Antoine Rozner–Victor Perez (décembre 2022-janvier 2023).
Vainqueur le 18 août à Prague du Czech Masters en damant le pion le dimanche en dernière partie au Suédois Jesper Svensson, David Ravetto, 27 ans, a ici balayé tous les doutes qui le tenaillait depuis sa qualif au mois de novembre précédent au PQ3 des Cartes européennes. En possession d’une catégorie 18, ses possibilités d’entrer dans tous les tournois de la saison 2023-24 demeuraient alors plus qu’incertaines. Ce succès, à son 49e départ au plus haut niveau, lui assure à la fois deux ans d’exemption sur le Tour et une liberté totale dans l’élaboration de son futur calendrier.
Une nouvelle dimension, une nouvelle vie que partage Frédéric Lacroix, même si le golfeur de La Boulie – comme Ravetto – jouissait d’une catégorie un peu plus avantageuse en 2024, ayant pris la 13e place de la Road to Mallorca 2023. Cette victoire le 25 août dans les bourrasques de vent au Danemark (avec dans son sillage Romain Langasque 2e, David Ravetto 4e et Adrien Saddier 5e) vient valider un début d’année hyper solide d’un garçon qui avait été relégué fin 2022 sur le Challenge Tour. Trois top 5 en quatre départs entre le 26 novembre et le 4 février lui ont très vite permis de croire en ses chances. Avant ce dénouement en Scandinavie, quels jours seulement après avoir pris la 3e place en République tchèque… Un feu d’artifice bleu-blanc-rouge qui sera complété le 20 octobre par Julien Guerrier, lauréat de l’Andalucia Masters, après neuf trous de play-off. Oui, quelle année pour le golf tricolore !
Antoine Rozner, prince du désert
« Je n’ai pas calculé. Un top 5 minimum… Je ne sais même pas si ce serait suffisant. Il faut en tout cas faire une grosse semaine. Ce serait la cerise sur le gâteau si ça fonctionne. On sait que c’est une semaine hyper relevée. Il faut sortir du grand golf. Je ne m’imaginais pas dans cette position à la mi-saison. C’est donc un sacré bonus. Si je peux avoir une occasion dimanche, je ne m’en priverai pas. »
Quand on croise Antoine Rozner aux abords du putting green du Jumeirah Golf Estates, à la veille du DP World Tour Championship, épilogue de la saison 2023-24 sur le Tour européen, l’idée de poursuivre sa carrière sur le PGA Tour en 2025 est, certes, un objectif avoué, mais les chances de l’atteindre demeurent alors très faibles. Et pourtant. Ses quatre birdies sur les quatre derniers trous de l’Earth Course dans ce premier tour ont très certainement exacerbé l’orgueil du Racingman qui a enchaîné par la suite trois tours d’un très haut niveau technique. Son 65 (-7) sans bogey le vendredi lui permet même de prendre la tête du tournoi avec comme partenaire de jeu durant le Moving Day un certain Rory McIlroy. Il s’accroche encore en tête après 54 trous mais il doit cette fois partager son fauteuil avec le Nord-Irlandais, qui vise le doublé, et le Danois Rasmus Højgaard, tous ex aequo à -12.
L’équation est désormais simple. Un top 5 final lui assurerait un droit de jeu aux Etats-Unis alors qu’il est projeté 4e de la Race. Tentant de maitriser son jeu de golf mais aussi son stress bien légitime, Antoine Rozner poste sa moins bonne carte de la semaine (73, +1) mais l’essentiel est fait. « C’est bon, c’est sûr pour la carte ? », nous interroge-t-il en sortant du recording après avoir pris la 3e place ex aequo à -11. « Oui, c’est fait. Tu es un joueur du PGA Tour ! » Dans un grand soulagement combiné par des larmes de joie, le Français, 15e de la Race (comme Matthieu Pavon il y a un an) voit sa vie de golfeur pro basculer. Il défiera à la mi-janvier les meilleurs joueurs du monde sur le plus relevé des circuits mondiaux.
Adela Cernousek, dans l’histoire à tout juste 20 ans
Pour la première fois depuis Kristel Mourgue d’Algue en 1995, une golfeuse française amateure est sacrée n°1 Universitaire NCAA. Adela Cernousek, 20 ans seulement, étudiante à la Texas A&M University, décroche ce titre si convoité le 20 mai en Californie. Depuis, elle n’a cessé de faire parler son talent.
Quelques jours après son exploit majuscule, elle trouve ainsi le moyen de prendre la tête de l’US Women’s Open du côté de Lancaster (Pennsylvanie) à l’issue des parties du matin avant de pointer à la 2e place au soir d’un premier tour où seules quatre joueuses sont parvenues à jouer sous le par. 67e à l’arrivée, la jeune golfeuse originaire d’Antibes, dont les parents ont été deux volleyeurs tchèques de haut niveau, a pris rendez-vous avec l’avenir. Elle est forcément invitée à l’Amundi Evian Championship où elle ne réussit pas à franchir le cut tout en affichant une sérieuse ambition.
« Mon objectif est de jouer bientôt sur le LPGA, gagner des tournois, rester vivre aux Etats-Unis, plus précisément au Texas je pense… Mon rêve le plus fou ? Gagner au moins une fois chaque Majeur féminin ! », nous annonce-t-elle quand nous l’avions rencontré à Evian pendant une partie d’entraînement. Un rêve qui s’est finalement exaucé plus tôt que prévu, elle qui pensait passer pro en 2025 à la fin de ses études en communication. Qualifiée en effet pour la finale des Cartes du LPGA au début du mois de décembre à Mobile (Alabama), elle est obligée de dire adieu à son statut d’amateure. Qu’à cela ne tienne, 13e après cinq tours, elle valide son droit de jeu sur le circuit US et rejoint avec Pauline Roussin-Bouchard, 3e de ces mêmes cartes, la locomotive du golf féminin français, Céline Boutier. A 21 ans, Adela Cernousek sera évidemment l’une des grandes attractions de la saison 2025 qui débutera pour elle le 6 février, en Floride !
Céline Boutier poursuit sa quête de victoire
Alors oui, elle n’a pas gagné en 2024 sur le LPGA, elle n’a pas non plus décroché une médaille aux Jeux de Paris 2024 au Golf National (malgré le fait d’avoir pris la tête après un tour), mais il serait totalement injuste d’annoncer que sa saison a été un échec après une année 2023 de feu couronnée par quatre victoires, dont une en Majeur (Amundi Evian Championship).
Oui, c’est vrai, Céline Boutier n’a pas brandi le moindre trophée sur le plus relevé des circuits féminins mais en 24 départs, elle n’a connu que deux fois l’échec. Au Chevron Championship en avril et au FM Championship à la fin du mois d’août. Quatre top 10 dont deux deuxièmes places (à Singapour en février et en Corée du Sud en octobre) lui ont permis d’engranger un peu plus d’un million de dollars de gains et de s’installer durablement au sein du top 10 mondial (8e en cette fin d’année 2024).
C’est sur le Ladies European Tour que la Francilienne installée à Dallas (Texas) a en fait retrouvé goût à la victoire. Pas n’importe où d’ailleurs. Sur un très richement doté Aramco Series, du côté de Shenzhen (Chine). Une victoire, la sixième sur le LET, validée le 6 octobre – quelques mois après celle de Perrine Delacour en Suède – et qui a clairement boosté sa fin de saison sur le LPGA Tour. La Française, qui n’a pu empêcher l’équipe européenne de Solheim Cup de céder son trophée au mois de septembre en Virginie, a ainsi aligné un top 5, deux top 10 et deux top 12 en autant de départ. Une série qui démontre qu’il faudra plus que jamais compter sur la sextuple vainqueur sur le LPGA en 2025…