Il porte une casquette ornée du drapeau français et signe des autographes d’un coup de feutre assuré sur les fanions tricolores que lui tendent ses supporters à la sortie du parcours… Lev Grinberg n’est pas encore un représentant du golf hexagonal mais il n’est déjà plus tout à fait ukrainien.
Intégré au Centre de Performance de la Fédération française de golf depuis la rentrée de l’année dernière, Lev Grinberg, qui fêtera ses 17 ans le 7 novembre prochain, intrigue autant qu’il fascine.
Plus jeune joueur, à 14 ans, à avoir franchi le cut sur le DP World Tour lors du Soudal Open 2022, il est le seul des trois amateurs engagés dans le tournoi à s’être qualifié pour les deux derniers tours du FedEx Open de France 2024.
Il est complètement intégré. On l’a aidé à ce qu’il se sente bien avec nous.
Hugo Le Goff
Samedi, pour sa 3e partie au Golf National, en plus de son père et de sa prof engagée par la fédération pour le faire rapidement progresser en français à raison de trois heures de cours par jour, tous ses copains du Pôle France se sont joints à Kenny Le Sager, l’exigeant coach du Centre de Performance.
Sous une pluie fine, ils n’ont quasiment rien manqué des coups de celui qu’ils considèrent désormais comme un membre à part entière du Team France « Moi, je le connais depuis que j’ai sept ans, explique Hugo Le Goff à qui il n’a manqué qu’un coup pour franchir le cut de son troisième Open de France. On faisait des compétitions en Europe avec lui, contre lui, donc je le connais assez bien. C’est un joueur que j’aime bien, qui se bat tout le temps sur le parcours, qui est globalement assez régulier. Aujourd’hui, c’est un très bon ami. Il est complètement intégré. On l’a aidé à ce qu’il se sente bien avec nous. Après, il a vraiment un caractère pour se fondre dans un groupe et ça s’est tout de suite bien passé. »
Mattéo Da Eira, avec qui Grinberg partage sa chambre, raconte qu’il « apprend vite le français à notre contact et parle sans accent ou presque. » Léa, une autre pensionnaire de la structure élite du golf français, apprécie sa bonne humeur mais souligne aussi son sérieux. « On rigole beaucoup mais il est quand même très rigoureux, notamment dans le domaine de l’alimentation. »
Une naturalisation avant la fin de l’année ?
Intégré donc, mais pas encore naturalisé… Au grand dam de Pascal Grizot, le président de la ffgolf, qui aimerait voir les démarches entamées bien avant l’été pour sa naturalisation aboutir le plus vite possible.
« On va se battre, c’est sûr. Ce n’est jamais facile de faire une naturalisation, surtout avec un ministre qui change. Maintenant, je pense qu’à partir du moment où on a quelqu’un qui choisit un pays comme la France, que la Fédération décide de l’aider et de l’entraîner comme on le fait, ce serait bien que cette mesure puisse être accélérée. Cyril Mourin, conseiller sport à l’Élysée, s’en occupe maintenant. On a un nouveau ministre à l’Intérieur, un nouveau ministre des Sports aussi. L’objectif, c’est qu’il devienne Français à la fin de l’année pour pouvoir jouer l’année prochaine les Championnats du monde et les championnats d’Europe.»
Si les Américains sont plus pragmatiques que les Français, il y a un risque qu’on rate le coche avant la fin de l’année
Pascal Grizot, président de la ffgolf
Car il n’a échappé à personne que le potentiel de Grinberg peut faire mal dans quelques mois aux Championnats du Monde amateur 2025 prévus à Singapour.
« Il veut apporter à la nation. Il veut jouer avec nous en équipe de France. Représenter la France et donc devenir Français, c’est un de ses objectifs », confirme Le Goff. Même son de cloche chez Oscar Couilleau, le troisième jeune joueur amateur invité à jouer l’Open de France.
« Il fait partie du groupe et si, en plus, il devient français, ça va être un plus. Ce que j’aime chez lui, c’est son état d’esprit un peu guerrier. C’est un exemple, il est très fort sur ce point là. C’est vraiment quelque chose à prendre de chez lui.»
« Sur le parcours, c’est son putting et son très bon petit jeu qui l’aide à faire des bonnes cartes », estime Le Goff, Champion de France amateur à 13 ans en 2021, qui sait que son ami évoluera sous d’autres cieux l’an prochain puisqu’il est déjà prévu qu’il intègre une fac américaine à la rentrée 2025.
Le risque américain
Alors avec ou sans un passeport français ?
Une question qui taraude Pascal Grizot et Basile Lenoir, le directeur Juridique de la fédération, qui explique que le caractère urgent n’a pas vraiment été retenu par les autorités françaises qui s’étaient pourtant montrées très efficaces sur ce plan là avant les Jeux Olympiques de Paris…
Pourtant, la possibilité de voir Grinberg prendre la nationalité de son prochain point de chute existe bel et bien.
« C’est clair que si les Américains sont plus pragmatiques que les Français, il y a un risque qu’on rate le coche avant la fin de l’année, s’inquiète Pascal Grizot. Au départ, quand on l’a accueilli, c’était sans arrière-pensées, juste pour le bien du golf. Quand un athlète aussi performant se trouve dans cette situation, on se doit de l’aider à continuer à progresser. Donc on l’a fait volontiers. Ensuite, son père a demandé à ce qu’il puisse devenir français. Il a dit vouloir gagner aussi pour la France en remerciement à ce qu’on a fait pour lui. Quand on a l’un des meilleurs joueurs du monde dans sa catégorie, qui veut devenir français et qui serait fier de porter les couleurs françaises, nous serions ravis d’obtenir une décision positive. »
Photo © Warren Little / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP