
Interrogé cette semaine sur la façon dont Collin Morikawa avait boudé la presse après son échec lors de l’Arnold Palmer Invitational, et sur les explications que l’Américain avait ensuite apportées, Rory McIlroy a défendu le joueur tout en regrettant qu’aucune règle dans le golf ne contraigne les joueurs à parler à la presse (contrairement à d’autres sports). Et le phénomène semble s’étendre, y compris chez les joueurs français…
La polémique avait surgi après l’Arnold Palmer Invitational quand Collin Morikawa n’avait pas voulu parler à la presse alors qu’il était en course pour la victoire à Bay Hill mais qu’il avait été doublé dans le final par Russell Henley.
Le n°4 mondial avait boudé la presse puis déclaré qu’il ne devait rien à personne la semaine suivante.
Pour Brandel Chamblee et Paul McGinley sur Golf Channel ou Rocco Mediate, le Californien avait manifesté du mépris vis-à-vis des sponsors, du circuit et des fans dans un moment où le golf traverse une crise d’identité et que les joueurs amassent des sommes d’argent colossales.
Si ce mardi Morikawa a reconnu qu’il s’y était sans doute mal pris ce jour-là, il a aussi expliqué que dans son état après une telle déception, même s’il avait voulu, il n’aurait pas à s’exprimer face à la presse.
Interrogé sur ce point, Rory McIlroy, certainement le joueur qui “donne” le plus aux médias de golf, a tenté de défendre son collègue en se remémorant que lui aussi avait zappé le point presse lors de son échec cruel à l’US Open l’an passé.
Tant que ce ne sera pas imposé dans le règlement, attendez-vous à ce que d’autres joueurs ne répondent pas à la presse de temps à autre
Rory McIlroy
« Et bien, il a raison. Je pense qu’il aurait pu peut-être mieux gérer cela, ses explications notamment. Dans d’autres sports, en NBA, en NFL, les athlètes sont obligés de parler après les matches. Nous ne le sommes pas. C’est quelque chose que le PGA Tour envisage d’imposer dans ses règlements, mais tant que ce ne sera pas le cas, tant que nous aurons l’option de choisir, attendez-vous à ce que d’autres gars le fassent de temps en temps. »
Matthieu Pavon, lui aussi…
Effectivement, rien n’oblige un joueur à venir parler à la presse, que ce soit avant ou après une partie de golf. On peut regretter que ce phénomène de silence médiatique s’étende.
Ainsi, Matthieu Pavon, le seul Français qui participe à ce Masters, refuse poliment (mais sans explication) de parler à l’ensemble des envoyés spéciaux français (L’Equipe, Canal+, le Journal du Golf, Le Figaro et Golf Planète) présents à Augusta avant le début du tournoi.
Pour le Bordelais, il n’est pourtant pas question ici de frustration après un putt manqué ou une victoire échappée, ni même sur une sur-sollicitation de la part de médias de pays du monde entier.
On est donc en droit de s’étonner quand les stars du golf mondial (Rory McIlroy, Justin Thomas, Jordan Spieth, Scottie Scheffler, Viktor Hovland, Ludvig Åberg…), pourtant très demandées, n’hésitent presque jamais à répondre aux questions de nos confrères et quand on se souvient, qu’à leurs grandes heures, Thomas Levet, Grégory Havret ou Raphaël Jacquelin, pour ne citer qu’eux, n’agissaient pas de la sorte.
Pour connaître les sensations et l’état d’esprit de Pavon avant ce tournoi qu’il chérit tant, il faudra se contenter de ce message posté sur ses réseaux sociaux. C’est peu.
Well arrived in Augusta for the first Major of 2025! So good to be back out here again!
— Matthieu Pavon (@matthieupavon) April 8, 2025
D’autres joueurs sont plus disponibles. Ainsi, le Belge Thomas Detry nous a accordé une longue interview à deux jours du début du tournoi. Jon Rahm s’est longuement adressé aux journalistes anglo-saxons en anglais puis a pris le temps de répondre aux journalistes espagnols dans la langue de Cervantes.
Sans parler des joueurs japonais toujours très disponibles pour les nombreux médias nippons ayant fait le long déplacement en Georgie.
Ces refus de parler à la presse sont dangereux. Les audiences télé en baisse le montrent. La guerre des circuits dilue l’intérêt des tournois. Alors dire qu’on ne doit rien aux médias comme Collin (Morikawa) l’a fait, c’est une erreur
Brandel Chamblee
Un point de règlement
Mais les joueurs font donc ce qu’ils veulent et les « grévistes » sont dans leur bon droit. Ce que l’on peut regretter, et pas seulement parce que Golf Planète est un média.
Comme l’a expliqué récemment l’analyste de Golf Channel, Brandel Chamblee, « l’ensemble des acteurs du monde du golf est engagé pour que ce sport soit en bonne santé, pour que les fans s’y intéressent. Y compris, bien sûr, les médias, qui sont le principal relais entre les joueurs et le public. La santé du golf est bonne, si l’on en juge par l’argent qui coule à flot. Mais ces refus de parler à la presse sont dangereux. Les audiences télé en baisse le montrent. La guerre des circuits dilue l’intérêt des tournois. Alors dire qu’on ne doit rien aux médias comme Collin (Morikawa) l’a fait, c’est une erreur. Le public veut voir les meilleurs joueurs du monde s’affronter, il veut connaître leurs personnalités, leurs sentiments après une victoire ou une défaite. Les médias sont le prisme de tout ça… »
Le tennis, dont le système se rapproche de celui du golf, inflige des sanctions financières aux joueurs qui refusent de venir s’exprimer devant la presse. Le golf prendra-t-il le même chemin ? On préférerait que les joueurs eux-mêmes prennent conscience de l’intérêt pour leur sport de s’exprimer dans les médias…
Photo : Gregory Shamus / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP