
Durement touché par les ouragans Helene et Milton au début de l’automne dernier, l’Augusta National a retrouvé toute sa splendeur pour accueillir le 89e Masters de l’histoire. Même avec plusieurs centaines d’arbres en moins, le site et son parcours mythique demeurent toujours aussi envoutants. Visite guidée.
Lionel VELLA, à Augusta
Le désert ! Quand nous débarquons ce lundi 7 avril à l’Augusta National Golf Club aux alentours de 17h30 locale (23h30 en France) après un périple de plus de deux heures et demi en voiture depuis Atlanta sous des trombes d’eaux, il n’y a quasiment pas âme qui vive. Depuis 13h00, les parties d’entraînement ont en effet été stoppées et les spectateurs – aussi appelés patrons – invités à regagner leur lieu de villégiature.
Changement de décor dès le lendemain avec le retour du soleil, malgré une température plutôt frisquette. A 6h00 du matin le thermomètre n’affiche qu’un laborieux 11°C. La foule est déjà nombreuse et dès 7h00, celle-ci se rue vers la boutique du Masters, littéralement prise d’assaut. Une file interminable s’installe à droite du practice range. Il faut patienter au moins 55 minutes pour espérer entrer dans cette caverne d’Ali Baba où les produits les plus fous sont mis en vente. Comme ce gnome – un nain de jardin aux couleurs du Masters – d’une hauteur de 45 cm, que l’on s’arrache dès l’ouverture. Apparu dans les rayons en 2016, il s’achète 50 dollars et peut se revendre… 700 billets verts sur Ebay quelques jours plus tard. De la folie douce.
70 millions de dollars de chiffre d’affaire en une semaine
A côté des articles on va dire habituels que l’on trouve dans tout Pro Shop qui se respecte, à savoir des polos, tee-shirts, casquettes, mais aussi des gamelles pour chien, une planche à découper le pain ou encore des bougies de toutes les tailles, ce produit dont le rapport avec le golf de haut niveau demeure clairement abstrait s’arrache comme des petits pains. Il fait tellement fureur qu’on astreint le client à en acheter deux au maximum, celui d’un petit d’une vingtaine de centimètres et le grand format. En moins d’une demi-heure, l’article est épuisé. Il faudra retenter sa chance le lendemain.
Your 2025 Masters gnome…. pic.twitter.com/pbM10dhPfA
— Zach Klein (@ZachKleinWSB) April 7, 2025
Ce passage obligé au shop comme l’on dit ici est une véritable manne financière pour le tournoi. Le panier moyen par client est généralement de l’ordre de 200 dollars (environ 190 euros) mais on peut grimper facilement jusqu’à 300, 400 dollars pour les plus acharnés. Même si le chiffre d’affaire reste confidentiel, celui-ci tournerait à 70 millions pour une seule semaine. Complètement dingue.

Les abords du trou n°10 de l’Augusta National
Ce qui est encore plus incroyable, c’est l’état du parcours après une journée d’une pluie constante la veille. Il est impeccable. Si ce n’est un semblant de flaque d’eau sous un arbre tout près du grand leaderboard jouxtant le fairway du 1, rien n’indique qu’il a plu comme « vache qui pisse » la veille. Ce « miracle », on le doit au système SubAir, un réseau souterrain de haute technologie qui permet de contrôler l’humidité du sol. Même si mardi matin, le terrain était encore par endroit humide, ce n’était quasiment plus le cas l’après-midi. Ce qui laissait dire au Belge Thomas Detry, qui dispute cette semaine son premier Masters, que les greens seraient très fermes pour l’ouverture jeudi du 89e Masters de l’histoire.
Afin d’éviter les zones boueuses créés par la pluie abondante de lundi, on a également disséminé sur toute la surface du site en dehors des cordes du parcours un graminée de couleur verte – on est à Augusta évidemment – qui absorbe le moindre liquide réfractaire. Par précaution, on a aussi « condamné » provisoirement des zones de passages pour les spectateurs, en prévision du tournoi, comme cela est le cas par exemple le long du fairway du 5, sous les arbres.

Rory McIlroy et l’amateur Noah Kent au tee du trou n°12 ce mardi après-midi
Les arbres, justement, n’ont pas été épargnés par les ouragans Helene et Milton qui ont traversé le sud-est des Etats-Unis à l’automne dernier. Plus d’une centaine d’entre eux ont été déracinés, certains ayant endommagé plusieurs greens comme ceux du 1, du 8, du 15 et du 16. Sur ce dernier par 3, le green a même été refait à l’identique. C’est d’ailleurs de là que gronde une sourde clameur, constante. Les joueurs s’exercent en effet à atteindre le green en faisant ricocher leur balle sur la pièce d’eau frontale, l’une des plus célèbres de la planète avec le 17 du TPC Sawgrass ou le 18 du Golf National.
C’est aussi dans cette zone que l’impact des ouragans se fait le plus sentir. Les grands pins majestueux se comptent presque sur les doigts d’une main quand on se trouve à droite du green où Tiger Woods avait, on s’en souvient, réussi un coup magique en 2005. 20 ans déjà !
Visuellement, on a l’impression qu’on n’a plus besoin de tourner la balle autant qu’avant.
Rory McIlroy
Interrogés sur l’impact de ces catastrophes naturelles sur l’un des tracés les plus mythiques des États-Unis, les joueurs ont expliqué que leur stratégie pourrait être par endroits modifiée. Notamment sur le 10, l’un des secteurs les plus inhospitaliers de l’Augusta National.
« Sur les coups de départ, certains sont peut-être un peu moins intimidants visuellement, comme sur le 10, avec moins d’arbres que d’habitude sur le côté gauche, a expliqué Rory McIlroy en conférence de presse. Votre cible désormais, c’est cette tour de télévision en bas de la colline que l’on ne voyait pas avant. Visuellement, on a l’impression qu’on n’a plus besoin de tourner la balle autant qu’avant. »
« Il y a certainement moins d’arbres, certaines zones qui étaient très denses permettent désormais une meilleure visibilité, ajoute Patrick Reed, le vainqueur du Masters 2018. Mais la jouabilité du parcours n’a pas changé. Tous les arbres qui entrent en jeu, tous ceux qui bordent les fairways sont toujours là. En fait, tous ceux qui gênent. »
On a suivi en matinée puis dans l’après-midi les reconnaissances de Matthieu Pavon et de Thomas Detry. D’évidence pour eux, l’objectif principal était de rester constamment sur la piste. Les rares fois où les deux hommes se sont écartés, le coup suivant n’offrait plus toutes les mêmes garanties. Et ce malgré l’absence de certains arbres qui auraient encore un peu plus corsée l’attaque l’année précédente. Preuve s’il en est que le tracé dessiné par Bobby Jones et Alistair McKenzie, sorti de terre en 1932 et opérationnel en 1934 pour le premier Masters de l’histoire, n’a rien perdu de sa férocité.
Photo : Masters Tournament