Quelques heures seulement après sa superbe 5e place obtenue au 124e US Open de l’histoire, Matthieu Pavon nous a accordé un entretien téléphonique. Le Français, de nouveau 20e mondial ce lundi 17 juin, est revenu sur sa belle semaine à Pinehurst, sur ce dernier tour de folie en compagnie de Bryson DeChambeau, sur son amour pour le PGA Tour et sur les prochaines échéances, importantes, qui vont s’enchainer très bientôt. Interview sans langue de bois.
Propos recueillis par Lionel VELLA
GOLF PLANÈTE : Si vous ne deviez retenir qu’une seule image, un seul moment de cet US Open, qu’est-ce que ce serait ?
Matthieu PAVON : (Sans hésiter) La sortie de bunker-putt de Bryson (DeChambeau) au 18 !
G.P. : Vous étiez effectivement aux premières loges…
M.P. : (Rires) Oui, j’étais bien placé pour voir ce qui s’est passé. Faire ça à ce moment du tournoi, c’est exceptionnel.
G.P. : Justement, comment avez-vous vécu cette ambiance autour de vous dans ce dernier tour, ce public à fond derrière DeChambeau, les encouragements de Thomas Levet et de Victor Perez présents sur votre partie ?
M.P. : C’était génial. J’ai vu Thomas, on a pu échanger deux mots sur le parcours. On se croisait du regard aussi. C’était cool. Pour Victor, je savais qu’il était dans le coin mais je ne l’ai absolument pas vu de toute la partie. Il voulait vraiment rester discret et pas me perturber. D’avoir pu vivre une dernière partie avec un joueur américain à l’US Open, c’est une expérience de dingue. Sentir la foule pousser un joueur comme elle l’a fait, il n’y a pas de mot pour dire à quel point c’est incroyable. Honnêtement, ils ont été très fair (justes) avec moi. Bon, il y a aussi un peu de chambrage, des choses comme ça mais c’est vraiment une motivation supplémentaire pour moi. Le public américain a été fair-play de ce côté-là.
Si je rentre le putt au 16 et je fais birdie au 18, à peu de chose près je suis dans un play-off si Bryson DeChambeau ne fait pas cette superbe sortie de bunker. Pour moi, il ne manque pas grand-chose.
Matthieu Pavon
G.P. : Il est vraiment sympa Bryson DeChambeau ?
M.P. : Oui, très sympa. C’est un garçon très gentil, très respectueux. Je ne le connaissais pas du tout et il était venu me saluer au Masters pour me féliciter de ma victoire à Torrey Pines (fin janvier). Quand on a des petits mots, des petits gestes comme ça, cela fait vraiment plaisir. Et ça démontre toute l’humilité et la gentillesse du monsieur !
G.P. : A quel moment avez-vous compris que vous ne gagnerez pas cet US Open 2024 ?
M.P. : Je l’ai compris au 16 ou au 17, très honnêtement. Tout se joue jusqu’au dernier trou, on ne sait jamais ce qui peut se passer. A l’exemple de Rory McIlroy. Même à six coups de retard, rien n’est perdu. Même s’il reste quatre trous à jouer. On l’a vu récemment avec Sebastian Söderberg (au Scandinavian Mixed). Si je rentre le putt au 16 et je fais birdie au 18, à peu de chose près je suis dans un play-off si Bryson DeChambeau ne fait pas cette superbe sortie de bunker. Pour moi, il ne manque pas grand-chose. En tout cas, j’ai essayé de pousser jusqu’au dernier trou…
G.P. : Ce Golf Course n°2 de Pinehurst, est-ce le parcours le plus dur que vous ayez eu à défier depuis votre passage chez les professionnels ?
M.P. : (Il réfléchit) Non. Pour moi, le plus dur, c’était Shinnecock Hills à l’US Open 2018 et le Memorial il y a un peu moins de quinze jours.
Ma confiance est toujours intacte. C’est vous les journalistes qui pensaient que j’avais perdu confiance… En général, tout le monde pensait que, comme je joue mal pendant trois-quatre tournois, c’est la fin de ma saison…
Matthieu Pavon
G.P. : Était-ce plus dur qu’au Masters ?
M.P. : Je pense oui… Enfin, c’était différent. (Il se reprend) Je pense que ça se vaut.
G.P. : Jeudi lors du premier tour, vous êtes entré dans l’histoire de Pinehurst pour avoir été le premier à réussir deux eagles dans le même tour. Au Masters, vous avez signé la meilleure performance de tous les temps d’un Français dans ce tournoi. Etes-vous attaché à ce genre de statistiques ?
M.P. : (Rires) Je m’en moque de ce genre de statistiques…
G.P. : Ces deux eagles dès ce premier tour vous ont-ils redonné confiance après ce passage difficile sur le PGA Tour depuis votre 12e place à Augusta ?
M.P. : Non, non, ma confiance est toujours intacte. C’est vous les journalistes qui pensaient que j’avais perdu confiance… En général, tout le monde pensait que, comme je joue mal pendant trois-quatre tournois, c’est la fin de ma saison… Mais cela arrive justement d’avoir des coups de mou, cela fait partie malheureusement de la carrière d’un golfeur. Il faut savoir encaisser tout ça, digérer et apprendre de ces moments pour pouvoir les rendre utiles par la suite.
En Europe, il n’y a pas un seul parcours plus dur que ceux que je joue en ce moment sur le PGA Tour.
Matthieu Pavon
G.P. : Vous vous étiez préparé à vivre cette petite zone de turbulences ?
M.P. : Oui… Le golf, on sait ce que c’est. On perd plus qu’on ne gagne. Je savais que cela allait arriver. Ce qu’il faut comprendre, c’est que les parcours sont tellement durs ici aux Etats-Unis, si on les compare à ceux que l’on peut rencontrer en France et en Europe. Un +5 au Memorial (à Muirfield Village) ou à Quail Hollow (au Wells Fargo Championship), il vaut largement un -2 sur un parcours de type européen où il n’y a pas de rough et où les greens sont tendres. Il faut juste avoir une analyse objective de la performance. C’est pour cela que le golf est un sport intéressant parce qu’on a vraiment des opportunités qui se présentent à nous chaque semaine.
G.P. : La dureté des parcours sur le PGA Tour, c’est ce qui fait la différence avec ceux du DP World Tour ?
M.P. : Je ne pense pas qu’il existe un parcours plus difficile sur le Tour européen que j’ai joué toutes ces dernières années si on compare ça aux parcours que j’ai enchaînés depuis le Masters. En Europe, il n’y a pas un seul parcours plus dur que ceux que je joue en ce moment sur le PGA Tour.
G.P. : Robert MacIntyre, récent vainqueur du RBC Canadian Open, a souligné la difficulté pour un Européen de s’adapter au PGA Tour, présenté comme très individualiste. Vous confirmez ?
M.P. : C’est sûr que c’est différent. Après, est-ce que c’est dur de s’adapter ? Cela dépend. Moi, je prends tellement de plaisir chaque fois à aller jouer au golf sur le PGA Tour. Ce n’est pas une corvée. Mais si on n’aime pas être seul, si on n’aime pas cette culture américaine, je peux comprendre que cela puisse être plus difficile pour certaines personnes…
G.P. : La présence de Victor Perez sur le PGA Tour mais aussi de Paul Barjon et peut-être de Martin Trainer, est-ce un plus en termes d’adaptation accélérée quand on est Français ?
M.P. : Non. Paul Barjon, je ne l’ai vu qu’à l’American Express cette année (en janvier). Et à Hawaï aussi. Ce sont les deux seules fois où j’ai vu Paul. Et Victor, jusqu’à présent, on ne s’était quasiment pas vu non plus… On a chacun nos équipes, chacun des choses à faire. On ne peut passer trop de temps ensemble, malheureusement. C’est le monde de la compétition. Bref, cela n’a pas changé grand-chose qu’il y ait d’autres Français avec moi cette année sur le PGA Tour.
Je suis dans une des meilleures phases de ma carrière. Le jeu est de mieux en mieux. Je me sens de plus en plus complet. Alors pourquoi pas cette année mettre une raclée au Golf National ?
Matthieu Pavon
G.P. : Vous serez sauf catastrophe nucléaire aux play-offs de la FedEx Cup puisque vous occupez la 11e place après cet US Open. Est-ce un objectif que vous vous étiez fixé en début de saison ?
M.P. : Je reste toujours concentré sur un objectif de moyen, des choses que j’ai à mettre en place avec mon équipe pour faire évoluer mon jeu. C’est ça qui m’importe. Si je fais bien mon travail, le résultat arrivera de lui-même. Je me concentre sur les points à améliorer et à gagner des tournois.
G.P. : Les Jeux olympiques vont arriver très vite. Comment appréhendez-vous tout cela, sachant que vous avez souvent répété que le parcours de l’Albatros et vous, vous n’étiez pas très copain tous les deux ?
M.P. : Oui, c’est un parcours que je n’aime pas trop. Alors attention, c’est un très beau parcours. Il est difficile et exigeant. Mais moi, je n’aime pas le jouer, je n’y prends pas beaucoup de plaisir. Malheureusement ! Mais bon, je suis dans une des meilleures phases de ma carrière. Le jeu est de mieux en mieux. Je me sens de plus en plus complet. Alors pourquoi pas cette année mettre une raclée au Golf National ?
G.P. : A partir de septembre, on vous reverra en Europe jusqu’aux Play-offs dans les Emirats ?
M.P. : Non… Enfin, je ne sais pas du tout. Je n’en suis pas là au niveau calendrier. Je suis d’abord sur ce qu’il va falloir faire cet été. On verra plus tard pour la rentrée. Je n’ai aucune idée de ce que je vais faire.
G.P. : Après le Travelers cette semaine, vous allez vous accorder du repos ?
M.P. : Tout à fait. Je vais rentrer chez moi en Andorre souffler un peu. Après, j’aurais des tests physiques et médicaux pour les Jeux olympiques avant de repartir en Ecosse pour le Scottish Open. Et The Open dans la foulée…
Photo : Logan Whitton/USGA