Malgré un vent omniprésent et tourbillonnant ce vendredi à Augusta, Matthieu Pavon, après un 70 (-2) bouclé dans la matinée, a signé une carte de 73 (+1). Aux portes du top 10 (12e à -1) en début d’après-midi, le Bordelais accroche finalement la 8e place ex aequo à -1 (143). A cinq coups des leaders Max Homa, Bryson DeChambeau et Scottie Scheffler.
Propos recueillis par Lionel VELLA, à Augusta
Après avoir été embrasser tout son clan venu le féliciter, et notamment Thomas Levet, son mentor, Matthieu Pavon, l’esprit libéré et heureux du devoir accompli, a rejoint la zone mixte pour un jeu de questions-réponses très instructif.
Vous êtes le sixième golfeur Français* à franchir un cut au Masters depuis 1934. Que ressentez-vous ?
C’est génial de faire partie de ce groupe restreint. C’était un objectif de ma saison. J’avais dit que je voulais passer un cut en Majeur cette année car j’avais galéré les autres fois dans ce genre de tournoi. Je n’avais fait qu’un seul cut, c’était à Shinnecock (US Open 2018). Cela me tenait donc à cœur. C’était un peu l’objectif. Et l’avoir réalisé dans des conditions difficiles et sur un parcours vraiment exigeant comme Augusta, c’est un réel plaisir.
Les conditions de jeu, justement, étaient-elles plus compliquées aujourd’hui ?
Oui ! Le vent est un tout petit peu plus différent. Il rend le parcours et les drapeaux plus difficiles. Au 4, on joue du fond alors qu’on était en départ avancé jeudi. C’est long, c’est exigeant mais on est y arrivé. Les 36 trous sont bouclés, on va maintenant se concentrer sur le week-end.
L’adrénaline est présente et elle vous maintient durant tout le parcours.
Matthieu Pavon
Comment avez-vous vécu ce temps faible entre les trous 5 et 7 où vous concédez trois bogeys d’affilée ?
Temps faible… Oui et non. Au 5, j’ai au moins 30 mètres de putt. Avec ces stats-là, on fait plus souvent trois putts qu’un seul. Au 6, je ne tape pas un si mauvais coup de fer au départ mais la balle prend complètement le vent et je me retrouve avec un chip délicat. Je manque le putt. Et cela fait deux fois de suite que je me fais surprendre au 7 par la vitesse du green. Hier, déjà, j’avais dépassé mon putt de presque deux mètres. Aujourd’hui, même chose. Bref, je ne prends pas ça comme forcément un temps faible… Mais le parcours est difficile…
A quelle heure vous êtes-vous levé ce matin pour terminer votre premier tour ?
(Il sourit) A cinq heures !
Vous avez joué ce vendredi 22 trous en cumulé, avez-vous ressenti une certaine fatigue durant cette journée un peu plus longue que d’habitude ?
Honnêtement, non ! Il y a tellement une ambiance de dingue ici, il y a tellement de monde et il y a tellement de trous qui demandent de l’exigence sur la qualité de la frappe. En fait, l’adrénaline est présente et elle vous maintient durant tout le parcours.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile à gérer aujourd’hui ?
Le vent, c’est très difficile. Il faut attendre pour avoir la bonne rafale. Il faut attendre qu’elle tombe, si c’est le cas. A côté de ça, ce qui est très compliqué, c’est le putting car on peut mettre des supers coups comme au 18 ou comme au 9 où j’ai une belle occasion de birdie. Mais le problème, c’est que la pente va dans un sens, le vent dans l’autre. Et malheureusement, il faut essayer d’anticiper le truc. Et c’est ce qui fait la difficulté de ce parcours.
J’aimerais juste pouvoir jauger mon jeu sur un Augusta National un peu plus clément. Et pourquoi pas avoir une belle partie dimanche. Me retrouver dans les dernières parties, ce serait vraiment génial.
Matthieu Pavon
Quelles sont vos ambitions pour le week-end ?
Je n’ai pas d’ambition particulière. Après, je m’aligne toujours pour gagner le tournoi, je ne vais pas le cacher. On est tous pareils. Maintenant, j’ai fait deux tours solides. J’aimerais juste pouvoir jauger mon jeu sur un Augusta National un peu plus clément. Et pourquoi pas avoir une belle partie dimanche. Me retrouver dans les dernières parties, ce serait vraiment génial.
Est-ce que vous êtes en train de réaliser un rêve d’enfant en ce moment ?
Le rêve d’enfant, c’était surtout lundi et mardi sur les parties de reconnaissances, où le vent est plus calme, où on peut taper les coups que l’on veut. Là, on se sent un peu bridé sur le tracé, on ne peut pas taper les coups que l’on veut… C’est un sentiment un peu partagé, mais encore une fois, quand on arrive sur le green du 11, le départ du 12, le départ du 13, c’est juste exceptionnel.
Vous avez manqué très peu de fairways, c’est une satisfaction pour vous ?
Oui, c’est très important. D’autant qu’il y a beaucoup de vent. C’est la clé numéro 1 pour se donner des occasions d’aller se poser sur les greens (Ndlr, 12 fairways sur 14, 86 % contre 72 % pour le champ). Si on est un peu en dehors des lignes de jeu, on est très vite embêtés à devoir chiper dans un bunker ou se mettre au bord d’un green avec un chip-putt à la clé… Donc, je pense qu’avoir un driving solide dans ces conditions, c’est la clé. C’était vraiment important.
C’est vraiment hier et aujourd’hui que j’ai vu la grandeur de mon caddie. Je le remercie pour le travail qu’il a accompli.
Matthieu Pavon
Jouer avec Tyrrell Hatton, quand il est un peu en difficulté, c’est spécial ?
Oui, c’est spécial. Tyrrell Hatton et Keegan (Bradley)… Deux joueurs de Ryder Cup. Des joueurs aux multiples victoires… J’attendais cette partie car je n’avais jamais joué avec Tyrrell et je trouve que c’est un joueur vraiment exceptionnel. J’ai pris beaucoup de plaisir. C’est quelqu’un de très sympa. Il peut être un peu bougon dans son jeu quand il manque des coups, mais humainement, il a été très ouvert avec moi, il a été très facile… J’ai pu échanger avec lui et c’est sûr que ça rend des parties à Augusta, qui peuvent être plus tendues, plus faciles à gérer.
Vous avez sur votre sac un caddie très expérimenté. Dans quelle mesure cela fait gagner des points par rapport à un caddie novice au Masters ?
Très honnêtement, c’est énorme. C’est vraiment hier et aujourd’hui que j’ai vu la grandeur de mon caddie (Ndlr, l’Anglais Mark Sherwood qui avait terminé 3e au Masters 2012 avec le Suédois Peter Hanson). Je le remercie pour le travail qu’il a accompli. C’est très fort ce qu’il vient de réaliser. On n’a pas fait de grosses erreurs, on a toujours été du bon côté. On n’a jamais été dans des zones où je pouvais faire double-bogey. Je n’ai jamais vraiment été en grande difficulté, et ça c’est grâce à une très bonne préparation qu’il a pu effectuer et qui m’a aidé à définir ces derniers jours.
Qu’allez-vous faire maintenant ?
Je vais me reposer. Rentrer à la maison, profiter de ma femme et de mon fils, sans oublier une bonne partie de cartes avec mon père et mes frères. Ce sera une belle fin de journée.
*Jean Van de Velde (76, 70) en 2000, Thomas Levet (71, 75) en 2005, Victor Dubuisson (73, 76) en 2016, Romain Langasque (74, 73) en 2016, Victor Perez (70, 71) en 2020. Les scores entre parenthèses sont ceux des deux premiers tours.
Photo : Thomas Lovelock / Masters Tournament