Le vice-capitaine de l’équipe européenne de Ryder Cup s’est livré au jeu des questions-réponses en marge du WGC-Match Play où les Européens, à l’exception de Rory McIlroy, n’ont guère brillé. Pour le plus français des golfeurs belges, il n’y a pas raison de s’alarmer. Il sait que le groupe de Luke Donald, où l’on pourrait retrouver Victor Perez, sera au rendez-vous fin septembre en Italie. Impressions.
Propos recueillis par Lionel VELLA
C’est depuis Dubaï où il réside que Nicolas Colsaerts, vainqueur en tant que joueur de la Ryder Cup 2012 à Medinah (Illinois) et l’un des trois adjoints (avec Thomas Björn et Edoardo Molinari) du capitaine Luke Donald, a pris le temps par téléphone de répondre à nos questions. Le WGC-Match Play à Austin, certains cadres aux abonnés absents, l’éventuel retour d’anciens grands joueurs de Ryder Cup partis sur le LIV Golf, les enseignements récoltés à la Hero Cup en janvier à Abu Dhabi ou encore la présence d’un Français dans l’équipe à Rome… Autant de sujets que le Bruxellois a abordés sans le moindre filtre.
Quel bilan le vice-capitaine de Ryder Cup peut-il tirer de ce WGC-Match Play alors qu’un seul golfeur européen est parvenu à sortir de la phase de poules ?
Je comprends que tout le monde scrute en détails ce Championnat du monde en se disant que la majorité des joueurs de l’équipe européenne (de Ryder Cup) n’ont pas réalisé les résultats escomptés. Evidemment, c’est un indicateur non négligeable mais nous sommes encore à plus de cinq mois de cette Ryder Cup à Rome. Il n’y a donc pas le feu au lac. Il y a aussi certains joueurs qui, même s’ils sont peut-être passés à côté cette semaine, ont réalisé un début de saison plus que satisfaisant. Bref, je ne pense pas qu’il faille regarder cette épreuve de Match Play comme étant réellement significative de l’état de forme des joueurs. Nous, on veut surtout avoir douze joueurs prêts quand ils seront au départ le vendredi matin en Italie…
Faut-il malgré tout être inquiet par la présence de douze Américains parmi les seize huitièmes de finalistes ?
Non, ce n’est pas inquiétant. Il y a aussi deux-trois gros chez eux (Collin Morikawa, Jordan Spieth, Tony Finau, Will Zalatoris…) qui sont passés à côté. Certes, il y a les “usual suspects” comme Scheffler ou Schauffele qui ont été au rendez-vous. Sam Burns aussi a fait un super tournoi… Cela aurait pu très bien être l’inverse et je crois que tout le monde aurait alors crié à la panique générale aux Etats-Unis. On l’a vu au fur et à mesure des années, l’Europe a toujours eu ce statut d’outsider, et on a perdu que trois fois lors des dix dernières Ryder Cup jouées… L’essence même en Ryder Cup, c’est d’arriver le Jour-J avec un groupe en forme et soudé. Et pas avant. Se retrouver dans la “Team Room” avec Rahm, McIlroy, Fleetwood, nos gros fers de lance… Cela motive les troupes de porter le même équipement qu’eux. Voilà pourquoi je ne suis pas inquiet.
Cela nous va bien ce statut d’outsider. C’est assez confortable… Mais pour dire la vérité, ça ne nous fait ni chaud ni froid que les Etats-Unis soient favoris
Cette cohésion justement, l’avez-vous ressentie durant la Hero Cup en janvier à Abu Dhabi ?
Oui, énormément. Malgré le fait qu’il n’y avait pas nos “gros” joueurs présents. Il y avait une chouette et positive “mouvance”. Que ce soit du côté anglo-saxon ou du côte continental. On voyait chez certaines individualités cette indéniable qualité d’émulation, d’esprit de groupe… C’était assez fort.
Lorsque j’ai été nommé vice-capitaine la semaine de la finale de la Race en novembre dernier, j’ai assisté à une “bouffe” avant le tournoi où il y avait McIlroy, Rahm, Hovland, Fitzpatrick, Fleetwood, Lowry, tous nos meilleurs joueurs et j’ai été frappé de voir la bonne ambiance qui régnait entre eux. Ce qui n’était pas nécessairement le cas avec les anciens comme Westwood, Poulter, Harrington… Avec cette nouvelle génération de joueurs, on sent qu’il y a de l’amitié entre eux.
Peut-on d’ores et déjà dire que les Etats-Unis sont les favoris de cette prochaine Ryder Cup en Italie ?
Cela nous importe peu. Cela fait vingt ans qu’ils ont cette étiquette de favoris, ne serait-ce que par le classement mondial des principaux joueurs américains… Cela nous va bien ce statut d’outsider. C’est assez confortable… Mais pour dire la vérité, ça ne nous fait ni chaud ni froid que les Etats-Unis soient favoris.
Aucun d’entre eux n’a montré un niveau de jeu suffisamment élevé pour prétendre à une place dans cette équipe de Ryder Cup.
Y-a-t-il néanmoins des cas plus préoccupants dans cette potentielle équipe européenne de Ryder Cup, on pense ici à Shane Lowry, Matt Fitzpatrick ou Viktor Hovland, sur lesquels le staff se penche plus attentivement ?
Je dirais qu’ils méritent peut-être un peu plus d’attention, oui. Afin de les placer au top le Jour-J. Evidemment, on a besoin de ces joueurs-là. Mais, je me répète, cinq mois avant la Ryder Cup, il n’y a aucune préoccupation à avoir sur l’état de forme de ces joueurs aujourd’hui.
Il y a encore beaucoup de très gros tournois à jouer. A ce titre, je pense que le système de qualification a été intelligemment changé afin de ne pas se retrouver dans la même situation qu’il y a deux ans… Le système de qualification avec cette échéance à Wentworth avait quelque part “foutu la merde”, avec les points qui comptaient double et la Ryder qui arrivait juste après… Là, les quelques semaines avant la Ryder (29 septembre-1er octobre) vont être selon moi le moment clé pour mettre les joueurs dans les meilleures dispositions.
Récemment, Matthew Fitzpatrick a déclaré dans une interview qu’il n’était pas contre le retour de certains joueurs du LIV Golf au sein de l’équipe européenne de Ryder Cup. Quelle est la position du staff sur ce point délicat ?
C’est vrai que rien n’empêche aujourd’hui ces joueurs (Westwood, Poulter, Garcia, Stenson, etc) de se qualifier. Mais aucun d’entre eux n’a montré un niveau de jeu suffisamment élevé pour prétendre à une place dans cette équipe de Ryder Cup. Peut-être que ça changera dans les prochains mois. Mais à l’heure actuelle, ce n’est pas le cas.
Victor a été particulièrement apprécié. D’abord par rapport à son niveau de jeu mais aussi par rapport à sa façon de vivre avec les autres
Durant la Hero Cup remportée par l’équipe continentale, Victor Perez avait été particulièrement efficace puisqu’il n’avait perdu aucun de ses quatre matches. Peut-on espérer le voir défendre les couleurs européennes fin septembre à Rome ?
Tout est possible. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle Luke Donald avait poussé pour réintroduire cette Hero Cup (ex Seve Trophy). Voir de quoi étaient capables les joueurs, voir comment ils réagissaient pendant une semaine en vie de groupe. Et c’est vrai que Victor a été particulièrement apprécié. D’abord par rapport à son niveau de jeu mais aussi par rapport à sa façon de vivre avec les autres. Donc, oui, c’est loin d’être impossible que Victor se qualifie. Le cas est le même pour Thomas Detry, pour les jumeaux Rasmus et Nicolai Hojgaard, pour Robert MacIntyre, pour Matt Wallace… La chose la plus difficile pour moi durant cette Hero Cup était de ne pas être partie pris du côté continental (rires). Mais il y a énormément de qualité des deux côtés. Enormément de joueurs ont été assez démonstratifs de ce qu’ils pouvaient apporter dans une équipe de Ryder Cup.
Comment procédez-vous actuellement au sein du staff ? Echangez-vous régulièrement avec Luke Donald, Edoardo Molinari et Thomas Björn ? Et si oui, l’avez-vous fait plus souvent encore durant cette semaine de WGC-Match Play à Austin ?
On a un groupe WhatsApp tous les quatre et on échange très souvent. C’est vrai que cette semaine, il y a eu un peu plus de dialogues. Tous les soirs. Pendant vingt à trente minutes. On livre nos ressentis, ce que l’on a vu. On a tous des profils différents, et c’est ça qui est intéressant. C’est assez riche d’écouter Thomas Björn, de goûter au côté analytique d’Edoardo Molinari… Moi, j’essaie de décrypter entre les lignes ce que je peux voir sur un écran de télévision, sans être sur place… Edoardo et moi allons pendant cinq jours à Hilton Head (RBC Heritage), la semaine qui suit le Masters pour voir tous les gars qu’on n’a moins l’habitude de voir en Europe. Pour être sûr de conserver une bonne relation et de savoir exactement où en sont leurs cursus de forme, sans oublier leur ressenti sur cette Ryder Cup qui arrive bientôt. Je serai aussi fin avril au Japon et en Corée, sur les deux tournois du DP World Tour. Mais en tant que joueur cette fois. Ce sera aussi l’occasion de parler avec les garçons qui feront le déplacement là-bas. J’aurai la double-casquette.
Edoardo (Molinari) et moi-même avions poussé pour qu’Antoine soit sélectionné car on savait très bien qu’il se sentirait comme un poisson dans l’eau dans cet environnement
Comment vivez-vous cela ?
Très bien ! A partir du moment où cet événement a marqué votre carrière mais aussi votre vie d’homme, et qu’on a la possibilité d’en faire encore partie, ça occupe la majorité de mes pensées. Il ne faut donc pas oublier la relation avec les joueurs du DP World Tour et notamment avec certains Français. Pavon fait ainsi une bonne saison, Langasque pointe de nouveau le bout de son nez… Et plein d’autres qui seraient capables de se qualifier dans cette équipe européenne.
Au fait, il parait qu’Antoine Rozner n’a pas laissé indifférent Luke Donald lors de la Hero Cup. Vous confirmez ?
C’est vrai qu’il a un petit peu marqué les esprits durant cette semaine. Edoardo (Molinari) et moi-même avions d’ailleurs poussé pour qu’Antoine soit sélectionné car on savait très bien qu’il se sentirait comme un poisson dans l’eau dans cet environnement.
Photo : Luke Walker / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP