Après les neuf trous de l’aller lundi, Matthieu Pavon a enchainé ce mardi avec les neuf trous du retour de l’Augusta National. Suivi par toute sa famille ainsi que son ami, Adrien Saddier, le Français a délivré un jeu d’une très grande qualité. De bon augure avant le grand saut jeudi.
Lionel VELLA, à Augusta
Présent sur le practice range dès 7h45 locale (13h45 en France), Matthieu Pavon a lancé son échauffement en présence évidemment de l’Anglais Mark Sherwood, son caddie, et de son coach, le Sud-Africain Jamie Gough. Du long jeu au programme avant de se diriger sur le tee du 10 pour neuf trous de reconnaissance. Départ à 8h27 précise. En solo !
Sous le regard attentif de sa mère, Béatrice, de son père, Michel, de ses deux frères, Martin et Raphaël, de son ami du Tour européen, Adrien Saddier, invité par le Bordelais et arrivé ce dimanche à Augusta, et de son physio, Jérémy Da Silva, Matthieu Pavon a rapidement pris la mesure du par 72 de l’Augusta National en envoyant un véritable missile sur le fairway du 10, atterrissant à environ 100 mètres du green ! Rien de tel pour se mettre en jambe. Et en confiance sur la partie du parcours la plus redoutable, celle de l’Amen Corner notamment (enchaînement trous 11, 12 et 13).
Mark Sherwood, 3e au Masters 2012 avec Peter Hanson
Un coup de fer tout aussi précis et voilà sa balle qui vient mourir à moins de deux mètres de la cible. Le birdie semble donné mais la pente droite-gauche, plutôt prononcée, en décide autrement… Avertissement sans frais sur l’un des trous les plus compliqués de ce tracé long de 6 908 mètres cette année.
Plusieurs balles sont jouées sur le green en visant les emplacements des futurs trous prévus durant le tournoi. Quelques chips aussi au cas où on ne toucherait pas le green en deux… Le Français et son caddie discutent constamment. Mark Sherwood connait bien les lieux. Il avait été sur le sac du Suédois Peter Hanson lors du Masters 2012 remporté en play-off par Bubba Watson.
« 100 balles que tu rates le green »
Premier constat. L’actuel 25e joueur mondial est assez efficace sur ses mises en jeu. Fairway de nouveau touché au 11, mais aussi au 14, au 15, au 17 et au 18… Son coup de fer 9 au 12 est accueilli par les clameurs du public. Sa balle vient mourir tout près du trou. « Oh my god » s’écrie une spectatrice, clairement sous le charme. Birdie à la sortie. Matthieu Pavon s’essaie à chaque fois à des sorties de bunker, des chips plus ou moins proches de la cible. Trois voire quatre balles sont à chaque fois jouées…
Joueur de fade (balle gauche-droite), le Français envoie ses deux premiers drives sous les arbres au 13, un par 5 se jouant en… draw. La troisième tentative est la bonne. « 100 balles que tu rates le green » lui assène Adrien Saddier, malicieux, quand le vainqueur à Torrey Pines en janvier dernier sur le PGA Tour se met à l’adresse sur sa première balle arrivée sous les arbres. Sourire complice de Pavon. Il se contente d’un coup de recentrage.
©DR
Sous un ciel gris mais sans pluie, toute la famille se prend en photo en face du green du 13 pendant que le joueur s’exerce une fois encore à des chips autour du green. C’est sûrement dans ce secteur de jeu que la victoire s’écrira. Ou pas.
« T’as une fenêtre, là » souffle, une fois encore tout sourire, Adrien Saddier en direction de son ami sur sa seconde mise en jeu au 14. Il se contente de jouer la première, pleine piste une fois encore. Sur ce par 4 avec un drapeau situé en entrée de green avec une pente ô combien menaçante, Matthieu Pavon prend le temps de chiper quelques balles dans cette zone clairement dangereuse. Les deux essais finissent au pied du mât.
Ricochets sur la pièce d’eau du 16…
Son deuxième coup de fer sur le par 5 du 15 termine à un peu plus de trois mètres du drapeau, placé à droite du green, non loin d’un généreux bunker. Position d’eagle. On tente aussi de le prendre en régulation. Une balle finit dans l’eau. C’est sur ce trou que le duo Pavon-Sherwood prend vraiment le temps de décrypter les nombreux pièges qui peuvent se dresser sur leur route. C’est aussi là que la différence peut se faire un dimanche de Masters.
Au 16, ce fameux par 3 où Tiger Woods avait écrit l’histoire en 2005, Matthieu Pavon touche le green à sa deuxième tentative. Le public, déjà très nombreux, l’oblige à procéder à quelques coups « spectacle » en ricochant sa balle sur la pièce d’eau frontale avant que celle-ci ne vienne mourir sur le green. Trois balles, trois échecs ! Mark Sherwood relève lui aussi le défi. Sa tentative ne verra jamais la pièce d’eau, ni le green…
Est-ce qu’il battra mon record de 2005 ? Il a bien plus d’armes que moi dans son sac. Pour moi, il peut faire un top 10. Il est prêt.
Thomas Levet
Outre ses mises en jeu, on l’a dit, très efficaces, les coups de fer du Français font régulièrement mouche. Comme encore sur le 17 où sa balle termine sa course à moins de deux mètres du trou. Du grand art. S’en suit encore une longue séance de chipping sur un des trous les plus difficiles du parcours (moyenne de 4,256, le 4e trou le plus dur de l’édition 2023).
Idem ou presque sur le 18 où après une nouvelle mise en jeu (en fade celle-ci) parfaite, ses attaques de green ont connu des fortunes diverses. Sur l’une de ses approches, la balle épouse à merveille le green et la pente la ramène à quelques centimètres du trou. 10h39 locale (16h39 en France). Fin de la reconnaissance. Un dernier mot à son caddie, la remontée vers le club-house ultra sécurisé se fait en compagnie de toute sa famille. Un mot avec son agent, Rob Jarvis, et Matthieu Pavon s’éclipse. Sans livrer son analyse aux médias français présents cette semaine à Augusta. Demain, peut-être…
« On a rejoué ensemble tous les deux le lendemain ou surlendemain, je ne sais plus, quand il était venu découvrir le parcours avec Shane Lowry, nous signale Thomas Levet, présent dans les parages en tant que consultant pour le groupe Canal+. Afin qu’il se fasse un plan de jeu encore plus précis, qu’il prenne les bonnes décisions sur des zones où les choix sont multiples. J’aime beaucoup la façon dont travaille Matthieu. C’est simple et efficace. Est-ce qu’il battra mon record de 2005 (Ndlr, 13e, meilleur résultat d’un Français au Masters depuis 1934) ? Il a bien plus d’armes que moi dans son sac. Pour moi, il peut faire un top 10. Il est prêt. J’ai même rêvé qu’il gagnait le Masters. Il a tout ce qu’il faut pour y parvenir en tout cas… »
Photo : Maddie Meyer / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP