En pleine crise sanitaire liée au coronavirus, nous avons rencontré Patrice Bernard, intendant des golfs de Biarritz, cofondateur de l’AGREF (Association Française des personnels d’Entretien des Terrains de Golf) dont il fut président durant plus de 25 ans.
Les golfs sont fermés en France mais tous les jours, des hommes et des femmes y travaillent pour que leur outil de vie et de passion soit maintenu en bon état. Voilà les messages que Patrice veut faire passer à ces travailleurs parfois oubliés et à ceux qui, hier et demain, ont eu et auront la chance de pratiquer leur sport favori grâce à leurs intendants de parcours.
1. Quel est le message principal voudriez-vous faire passer à vos collègues greenkeepers qui travaillent pendant cette crise ?
Nous sommes tous de la même famille, une profession unie partageant souvent les mêmes valeurs, les mêmes contraintes et difficultés et n’avons pas vraiment besoin de nous parler pour nous comprendre.
J’ai forcément une pensée particulière pour tous mes collègues œuvrant au sein de structures modestes aux moyens financiers et humains plus limités. C’est, encore une fois, eux les plus méritants et pour lesquels j’ai une sympathie plus appuyée.
Nous sommes au début du printemps avec une pousse végétative naturelle très importante, COVID 19 ou pas.
Les « décideurs » des structures aux effectifs réduits et aux moyens faibles peuvent être légitimement tentés de bénéficier du dispositif au chômage partiel en pensant générer quelques économies durant cette période d’absence de recettes.
Est-ce la bonne solution ? Je me garderais bien de porter quelconque jugement sur les options choisies par telle ou telle structure. Je comprendrais pour autant les frustrations alors vécues par certains de mes collègues, obligés suivant les circonstances, de ne pas effectuer nombreuses opérations essentielles et pourtant si cruciales en cette saison.
La tonte n’est que la partie visible d’un parcours qui demande cependant l’application de quelques règles immuables recommandant de ne pas rabattre une surface gazonnée de plus d’un tiers de sa hauteur au risque de créer un choc physiologique aux conséquences indirectes très négatives pour les graminées quelles que soient les surfaces mais plus précisément encore pour les greens, d’où la nécessité de respecter des fréquences de tonte conventionnelles.
La partie non visible, abstraite pour un très grand nombre, est pourtant la plus importante à mes yeux car elle conditionnera de manière certaine l’aspect qualitatif des surfaces dans les mois à venir : traitements fongicides, traitements désherbages sélectifs, première application de désherbants de pré-émergence pour les golfs de la moitié sud, aérations, fertilisations, semis de regarnissage, traitements contre le Poa annua, premiers tensio-actifs… Autant d’opérations d’entretien qui, si elles ne sont pas réalisées, induiront des conséquences inéluctables sur les différentes surfaces plus tard.
On pourrait résumer par quelques clichés bien connus : « On ne peut pas tricher avec la nature » ou bien encore « La nature a horreur du vide ».
Tous mes camarades et amis le savent, confrontés tous les jours de l’année à de nombreux éléments contraires.
Pour les côtoyer et partager ces entraves au quotidien depuis plusieurs décennies, je connais leur dévouement, leur attachement à « leur terrain », le souci qui les anime tous, par conscience professionnelle et fierté, de donner le maximum d’eux-mêmes afin de rendre le terrain le meilleur possible.
Un grand merci à eux. Je suis fier de ce qu’ils font et de ce qu’ils sont.
C’est pour cela qu’aujourd’hui encore après tant d’années, j’ai honneur et grand plaisir de les représenter au travers des différentes Commissions Nationales : Sociale, Formation… Ils le valent tant.
2. Et quel message à tous les golfeurs de France ?
Une invitation à la réflexion, au discernement et aux priorités. Prendre le temps d’attacher graduellement une importance aux choses, celles qui sont véritablement prioritaires.
Le golf reste pour une grande majorité d’entre eux un hobby, c’est l’occasion peut-être pour certains de découvrir qu’il existe aussi… pleins d’autres centres d’intérêts dans la vie.
Récemment, j’ai eu l’occasion de voir une rediffusion télévisée de l’US OPEN 2009 où une vision attentive, à défaut d’être avisée, me faisait remarquer la différence indéniable des surfaces de jeu avec celles rencontrées maintenant.
Dans le même registre, nos deux commentateurs de l’époque, Bernard Pascassio et André-Jean Lafaurie, soulignaient la longueur de drive exceptionnelle de la journée avec 240 mètres… alors qu’aujourd’hui les avancées technologiques du matériel de jeu (balles, clubs…), la progression technique et athlétique des joueurs, l’entretien et de la préparation des parcours expliquent le différentiel avec les performances actuelles.
Et pourtant plaisir du jeu et spectacle semblaient accompagner les champions de l’époque : Payne Stewart, Vijay Singh, Colin Montgomerie, Tiger Woods….
Tout ça pour dire que la « fuite en avant » ou le » toujours plus ou mieux » vécus dans de nombreux domaines pourraient trouver, prochainement, par la force des choses et de nouvelles contraintes environnementales et financières, un obstacle qui mette fin à cette frénésie grandissante et exponentielle de sophistication des différentes surfaces de jeu.
Peut-être demain devrons-nous nous résoudre à une raisonnable corrélation entre les moyens disponibles et les exigences des pratiquants et ne pas tout attendre des structures ou de quelques mécènes imaginant que des exemples circonstanciés peuvent être appliqués partout.
- Qu’un parcours de golf, quel qu’il soit, est le même pour tous les participants de la compétition dominicale et que le vainqueur, au-delà de la qualité du terrain, sera toujours celui qui aura fait preuve de la meilleure capacité d’adaptation et d’une meilleure adresse.
- Que le retour en grâce des parcours à l’ancienne à l’architecture de type minimaliste n’est pas un hasard, y compris aux États-Unis, que comme dans d’autres domaines la longueur d’un parcours ou sa dénomination (Golf International) ne sont pas essentiels dans la pratique du Golf.
- Que le jugement porté sur tel ou tel parcours lors de classements aussi subjectifs que peut-être inutiles ne représente ou ne correspond pas à grand-chose…
- Que l’essentiel, hors engouement pour un site ou situation admirable, se situe aussi dans une réalité économique : combien de membres ou abonnés sur une liste d’attente ? Combien de green-fees annuels ? Quels résultats financiers en fin d’exercice ? Ce sont-là, à mon sens, les seuls éléments factuels qui déterminent la réelle valeur d’un lieu golfique.
- Qu’il est utopique de comparer l’entretien d’un golf à un autre parce que dépendant d’innombrables critères, que l’intérêt de tous les parcours c’est qu’ils sont par nature tous différents à contrario d’un tennis « quick » qu’il soit situé à Bourges, Reims ou Vezoul…
- Qu’il est irréaliste, sauf à coups de millions d’euros, d’espérer des conditions de jeu identiques sur un golf de « Links » en zone dunaire sur sable (Granville) avec un golf de type « Costals » : bord de mer – falaises avec sols variables (Biarritz, Etretat, Dinard) ou un golf Heath Land : landes, sablonneux, habitat spécifique, dégagé avec des bruyères et/ou forêt semi-artificielle créée par l’homme, pins, bouleaux (Mortefontaine, Fontainebleau…).
- Que penser que la conduite de sablages massifs et répétés pour obtenir des fairways similaires à des golfs construits en zones dunaires serait nécessaire alors qu’elle peut se révéler aussi néfaste au niveau de l’équilibre économique que de l’esprit d’une bonne gestion environnementale, entretenant ainsi l’argumentaire de certains écologistes à l’encontre des Golfs.
Jouez donc les golfs comme ils seront lors de leurs réouvertures ; pensez au bonheur qui est le vôtre d’être en bonne santé, de retrouver vos partenaires pour partager de bons moments de convivialité et de vie.
Pour une frange infime d’autres golfeurs, amateurs de haut niveau ou joueurs professionnels pour lesquels l’aspect qualitatif des surfaces est primordial dans le cadre de leur entrainement ou de leur préparation, quelques lieux dédiés leur sont accessibles.
Cependant, à ce sujet, on constatera qu’il n’y a pas de lien direct avec l’émergence de champions et le lieu d’apprentissage puisque les deux meilleurs Français au classement mondial 2019 sont issus tous deux de structures golfiques municipales du Pays Basque et dont leur Club de rattachement est depuis de longues années sur les trois premières marches du podium français en termes de performance.
3. Dans une tribune publiée par Golf Planète, vous aviez éclairé nos lecteurs sur la réalité du métier d’intendant, au coeur du développement de nos golfs et pas toujours respectés comme tels. Est-ce qu’au retour de cette crise, les golfeurs qui retrouveront leurs golfs en parfait état grâce au travail effectué prendront conscience du rôle du greenkeeping dans leurs clubs ?
Je ne connais pas d’intendants de Golf parmi les nôtres qui soient avides de reconnaissances ou d’honneurs particuliers. Nous savons qui nous sommes et pourquoi nous sommes là… Notre plaisir : tenter de faire celui des autres du mieux que nous pouvons avec les moyens dont nous disposons.
Nous sommes ciblés, et quelquefois blessés par des critiques injustes, au regard des efforts et des investissements personnels consentis par une grande majorité d’entre nous. Ce métier ingrat est cependant celui que nous persistons à exercer, comme nos « cousins » agriculteurs, par amour de la terre, de la nature, des hommes, au travers d’une petite industrie où tous nous partageons des valeurs communes, celles du travail, du plaisir de se lever tôt ou de se coucher tard, nous permettant d’apprécier de vrais beaux moments réservés par la nature, une volonté permanente d’améliorer notre outil de travail qui est votre espace de loisir ou de détente.
Notre métier est un métier beau et noble, notre ambition n’est pas celle d’être riche… car souvent au ratio heures travaillées/salaire, cela pourrait s’apparenter plutôt à du sacerdoce.
Le manque de considération à notre égard n’est pas vexatoire, il devient même source d’amusement, tant l’image du jardinier, en veste de coutil bleu, bottes en caoutchouc est caricaturale et savoureuse pour peu que notre interlocuteur s’adresse à vous de manière supérieure voire condescendante.
Il est à noter que les pratiquants des grandes nations golfiques, anglo-saxonnes notamment, connaissent l’importance et le positionnement du Superintendant dans une structure.
Est-il nécessaire de souligner le rôle du Greenkeeping dans un club ?… Sans terrain, l’utilité du reste de l’organigramme serait effectivement… discutable.
La période délicate que nous traversons en est le meilleur exemple, nous sommes majoritairement les salariés les plus présents et potentiellement les plus exposés sur la plupart des golfs en France actuellement.
J’en profite pour les remercier et saluer leur dévouement et leur attachement à leurs golfs.
Les recommandations de l’Agref
Entretien à minima à courte échéance
Consignes à respecter
Personnel d’entretien de terrain
- Respect des distances de sécurité
- Mise à disposition des savons et produits de désinfection
- Port du masque obligatoire (si disponible)
- Désinfection des mains à l’arrivée dans les locaux
- Prévoir un seul opérateur par machine
- Prévoir si possible le même opérateur sur la même machine
- Accès aux vestiaires et au réfectoire en nombre limité et avec une barrière sanitaire
- Désinfections régulières des poignées de portes
- Ne pas mettre les mains sur le visage
- 2 personnes au moins présentes simultanément sur site par sécurité
- Moyen de communication adapté aux personnes isolées (ETI)
Lors de l’utilisation du matériel
- Utilisation de la machine par un seul opérateur
- Désinfection de la machine avec un virucide
Travaux à effectuer en priorité
Greens Nord
- Tonte 2 x / semaine
- Remonter la hauteur de tonte à 5 mm
- S’assurer de l’arrosage en période sèche
- Protection sanitaire contre les maladies (Certiphyto Décideur et Applicateur)
- Ne pas fertiliser
Greens Sud
- Tonte 3 x / semaine
Fairways
- Tonte 1 x /semaine selon la pousse
Départs
- Tonte 1 x /semaine selon la pousse
- Enlever les boules pour gagner du temps
Bunkers
- Pas d’entretien
Semi-roughs
- Tonte 1 x / 2 semaines selon la pousse
Roughs
- Tonte 1 x / 3 semaines selon la pousse