Dans un article paru à quelques heures des célébrations du nouvel an, l’ancien capitaine de Ryder Cup, devenu consultant pour Sky Sports et Golf Channel, s’inquiète une nouvelle fois de la voie sur laquelle le golf est actuellement engagé. Selon Paul McGinley, la vision court-termiste des joueurs est la principale responsable de la situation.
Les fêtes de fin d’année n’ont pas redonné le sourire à tout le monde.
En tout cas pas à Paul McGinley, qui s’émeut de la situation dans laquelle se trouve le golf depuis l’émergence du LIV.
En effet, dans l’entretien accordé à Irish Golfer, l’Irlandais recense une nouvelle fois les nombreux nuages qui s’amoncellent à l’horizon.
Constat alarmant…
Le produit golf est dilué, conséquence de l’éparpillement des stars du jeu sur plusieurs circuits. Ces derniers sont, comme nous l’avons déjà évoqué, les grands gagnants de la fracture du golf née de la Guerre des Circuits.
« Les joueurs qui sont allés au LIV ont été payés très cher, jouent des tournois avec des champs réduits et pour 25 millions de dollars à chaque fois, donc évidemment qu’ils sont contents. Sur le PGA Tour ou le DP World Tour, les dotations ont doublé, voire triplé afin de tenter de retenir les joueurs et de les empêcher de céder aux avances des Saoudiens. »
L’exode des grands joueurs a rendu les tournois des circuits historiques moins attractifs. Les audiences télés sont en baisse et les sponsors hésitent à se réengager quand les instances sont incapables de leur garantir la présence de tel ou tel joueur.
Même les Majeurs, qui sont désormais les seuls tournois à réunir tous les meilleurs joueurs du monde, ont enregistré une baisse d’audimat.
Modèle économique insoutenable
« Le modèle économique a atteint ses limites et, avec des chiffres d’audience en baisse, combien de temps encore les sponsors et les partenaires seront-ils prêts à payer les sommes croissantes qui leur sont demandées alors qu’il n’y a aucune éclaircie sur ce que l’avenir leur réserve ? Le pouvoir des joueurs qui pousse à augmenter les dotations est énorme. Même le PGA Tour est sur la corde raide », insiste McGinley, qui en profite pour souligner que les deux tournois qui ont suscité le plus d’enthousiasme ces derniers mois ont été la Ryder Cup 2023 et l’épreuve de golf des Jeux olympiques de Paris 2024 au Golf National.
La façon de “consommer” le golf a aussi beaucoup changé et cela renforce les inquiétudes de natif de Dublin. Les résumés vidéos et les extraits de tournoi postés sur les réseaux sociaux séduisent plus que les longues diffusions auxquelles nous avons été habitués.
Nous devons priver les joueurs de la possibilité de choisir leurs tournois. les joueurs doivent renoncer à ce statut d’indépendant.
Dans la situation actuelle, aucun circuit ne peut résoudre cette équation économique. Tout le monde est perdant en dehors des joueurs qui semblent se désintéresser complètement de l’avenir du golf à moyen terme.
Pire, pour l’Irlandais, la disruption consécutive à l’arrivée du LIV n’a rien apporté de bénéfique. Elle permet simplement de remettre en cause un système de gouvernance des circuits qui n’a pas évolué depuis 50 ans.
Contracter avec les joueurs
Avec leur statut d’indépendant qui ne les lie à aucun circuit, les joueurs (les meilleurs) ont quasiment tous les pouvoirs.
C’est cette omnipotence que McGinley souhaite contester.
« Il faut diluer et ne plus céder totalement le pouvoir aux joueurs. Nous devons priver les joueurs de la possibilité de choisir leurs tournois. Je vais à l’encontre de ce que pensent mes pairs et de ce dont j’ai moi-même profité dans ma carrière, mais les joueurs doivent renoncer à ce statut d’indépendant. Vous ne pouvez pas développer une entreprise si vous ne savez pas ce que vous vendez. »
Une vision qui s’affirme de plus en plus puisque c’était aussi la position de Pascal Grizot, quand il a évoqué son ambitieux projet de création d’un circuit global dans nos colonnes il y a quelques semaines. « Il faut contractualiser les nouveaux joueurs comme au tennis. »
Comme le Président de la Fédération française de golf, McGinley redoute que le DP World Tour paie les pots cassés.
S’il estime que la décision de se rallier au circuit américain, plus fiable, plutôt que de s’engager aux côtés des Saoudiens, à la sortie du Covid, a été la bonne solution, il craint qu’il fasse les frais de l’affrontement des deux mastodontes financiers que sont le PGA Tour et le LIV.
L’ancien joueur reste cependant convaincu que Guy Kinnings, le nouveau patron de l’European Tour Group, a un rôle à jouer. « Je suis de très près les négociations entre le PGA Tour et l’Arabie saoudite et j’ai pleinement confiance dans l’European Tour Board pour s’assurer que nous soyons inclus dans toute nouvelle vision du golf professionnel. C’est entre de bonnes mains. »
Une manière en quelque sorte de conclure sur une note d’espoir après avoir dressé un tableau bien noir.
Photo © Glyn KIRK / AFP